• Déconfinement (2)

     

    La première semaine de déconfinement n’a d’abord rien eu de spectaculaire à Paris. Les gens montraient juste le bout de leur nez. Mais beaucoup plus de voitures circulaient dans les voies principales. Les grands chantiers du centre, la Samaritaine, la Poste, la Halle aux grains avaient redémarré dans le tintamarre des camions et des marteaux piqueurs. Puis les rues s’animèrent. Bicyclettes, trottinettes, planches à roulettes, tout était bon pour éviter de prendre le métro. Les autobus restaient vides. Beaucoup de scooters et de vieilles motos semblaient sortis du fond des garages, pétaradant comme pour effacer le silence des mois précédents au grand dam de mes pauvres oreilles déshabituées au bruit.

    Nous avons attendu le vendredi pour sortir du quartier. Gilles avait un rendez-vous de dentiste non loin de l’atelier et nous nous y sommes retrouvés pour un déjeuner frugal. Beaucoup de stations de métro étaient fermées. Il fallut improviser : ligne 1 jusqu’à l’Étoile, puis la ligne aérienne jusqu’à Cambronne. En cette fin de matinée et vu le peu d’usagers, le risque était à peu près nul, masque obligatoire, vérification à l’entrée. Nous en avions trouvé un paquet de cinquante dans la supérette de la rue du Louvre, en dépit des bruits de pénurie. Une signalisation condamnant  certains sièges, il était impossible de se postillonner à la figure. La traversée de la Seine sur le pont de Birhakeim à deux pas de la Tour Eiffel me parut à la fois magnifique et surréaliste après ces deux mois de confinement. Gilles était venu en vélo.

    Quelle joie de retrouver mon atelier ! J’avais tout rangé rapidement avant le blocage. J’en ai profité pour terminer le nettoyage de l’évier encore imprégné de peinture et pour passer un coup de serpillière sur le sol. Il me fallut rentrer assez vite car après 16 heures, le métro est réservé aux travailleurs avec attestation. Je suis partie bien avant pour éviter la presse. Hélas, l’aventure semble trop compliquée pour démarrer avec suffisamment de concentration le grand tableau que j’ai dans la tête. On verra la suite ! Entre les gilets jaunes, les grèves et l’épidémie de Covid 19, les deux dernières années ne furent guère favorables à mon travail dans l’atelier.

    Nous avons invité notre voisin du dessous pour un apéritif. Il était demeuré confiné loin de sa femme pour une histoire de rendez-vous de dentiste. Nous ne nous sommes pas serrés la main, nous étions assis à deux mètres les uns des autres, mais ce fut un grand plaisir réciproque de converser et de finir une bouteille de Rinquinquin entre personnes de chair et d’os.

    Notre voisin de palier a enfin pu rentrer au Brésil retrouver sa famille. Comment s’y est-il pris puisque les aéroports sont fermés ? Mystère !

     

    Le week-end qui suivit fut le premier du déconfinement. Une foule considérable a envahi les Halles. D’où venaient donc tous ces gens ? De la banlieue ? Des files attendaient à distance les uns des autres devant les magasins. Nous avions entendu parler de queues interminables devant les supermarchés, mais durant ces deux mois, nous n’avions rien vu de semblable dans notre quartier. La même foule, profitant du soleil s’est répandue l’après-midi sur les bords de la Seine. Le dimanche fut une fête. Les petites familles déambulèrent sur le Pont des Arts. Déserte auparavant, la place du Carrousel s’était animée devant les yeux attentifs des gardiens du Louvre qui retenaient leur chien, oreilles dressées par l’inquiétude. Sur la place de la Comédie Française, un groupe dansait en silence. Sur la place des Victoires, des gens assis au pied de la statue de Louis XIV prenaient le soleil en rêvant ou en lisant. D’un appartement sortait des flots de musique.

    Quand le jardin du Palais-Royal pourra-t-il rouvrir ?

     


  • Déconfinement.

     

    La Seine dans le vent.

     

    Soixante-dix morts dimanche dernier, le plus petit nombre depuis le début de la pandémie, un déconfinement progressif a donc démarré lundi comme prévu. La France est divisée en zone rouge ou verte selon la circulation du virus et les capacités des hôpitaux à réagir en cas de seconde vague. Mais peu de différence dans les faits. Les parcs et les jardins publics de la zone rouge restent fermés. L’essentiel pour tous demeure le maintien des gestes barrières et le port d’un masque dans les lieux publics. Le périmètre de circulation est désormais fixé à cent kilomètres. Au-delà, de nouvelles attestations sont prévues avec justifications professionnelles.

    Les entreprises fonctionnent au ralenti en veillant à la distanciation. Les écoles rouvrent plus ou moins, à la discrétion des préfets, des maires, des parents, des enseignants et du personnel d’entretien. Il est conseillé de garder le plus possible les enfants à la maison, de privilégier le télétravail. Les commerces rouvrent également avec des parois de plexiglas et des protocoles de désinfection. Les transports publics, domaine le plus concerné par les distanciations, tracent des chemins sur le sol, imposent le masque sous peine d’amende. On fait surtout appel à la responsabilité de chacun, concept nouveau en France ! Il n’y a pas grand-chose de changé pour les habitants âgés du centre-ville de Paris que nous sommes. Gilles va pouvoir aller chez son dentiste, en profiter pour faire quelques courses au Bon Marché, mais j’attendrai un peu avant de retourner à l’atelier, malgré l’envie qui me démange.

    On ne sait toujours pas grand-chose du virus en dépit d’une formidable implication de tous les laboratoires de la planète. Aucun traitement n’a encore prouvé scientifiquement son efficacité, pas de vaccin prévu avant l’année prochaine. Mais devant le désastre économique et la nécessité de vivre, on déconfine un peu partout. Il semble que l’épidémie marque légèrement le pas ces derniers temps. Le virus serait-il saisonnier ? On ose à peine le penser. Quand bien même…, il repartirait de plus belle en septembre !

    Bien sûr, c’est une première victoire sur la maladie, nous connaissons tous des amis, des parents touchés et parfois disparus dans la tourmente. Il nous faut désormais prendre des risques, oser mettre le pied dehors. Pour ceux comme Gilles et moi qui n’étions pas en contact avec la pandémie, il y avait quelque chose de l’enfance dans cet isolement agrémenté de longues conversations téléphoniques, de rencontres par visioconférences, de lectures, de temps sans obligations, de promenades dans un printemps exceptionnellement ensoleillé. Naturellement, il y manquait la réalité physique des amis. Il y manquait les silences savoureux, les rires spontanés, en dépit des blagues sur Internet. On imaginait de bonnes revoyures, des repas pris en commun, le retour de tous ces petits riens qui font la vie.

    Nous savons aujourd’hui que ce sera pour beaucoup plus tard. Finies pour longtemps les embrassades, finis pour longtemps les concerts, les théâtres, les cinémas et surtout les rencontres au bistro que j’aime tant ! Il va falloir se secouer, reprendre l’initiative sur l’existence. Il faudra retrouver le rythme des événements. Sans trajets vers l’atelier, sans rencontres ici ou là, le temps s’était démultiplié, la fatigue avait disparu. Il faudra reprendre la vie avec ses hauts et ses bas. Sans vaccin, il faudra veiller à ne pas baisser la garde. Fini le temps de l’insouciance !

    Hier, il a plu des cataractes, cette nuit le vent a soufflé à décrocher les toitures. En fin d’après-midi le soleil a fait une apparition et j’en ai profité pour mettre le nez dehors. Sans attestation, j’avais l’impression d’oublier quelque chose.

    Paris avait changé du tout au tout. Beaucoup de monde dans la rue, des passants rieurs, des jeunes et des vieux au pas dynamique, des enfants qui couraient dans tous les sens. Le fleuriste avait rouvert sa boutique. Avait-il été dévalisé ? ll ne restait pratiquement plus rien sur le trottoir. On se regardait avec bonhomie. Des groupes s’étaient formés, se parlant à distance. Et malgré les masques qui couvraient la plupart des visages, le soir se teintait de bonheur.


  • Coronavirus (septième semaine).

     

     

    La passerelle des Arts s’anime un peu.

     

    Cent-quatre-vingt-six morts ont été comptabilisés dans les hôpitaux et dans les maisons de retraite, ce samedi. Le plus petit nombre depuis le début du confinement. La carte d’un éventuel déconfinement annoncé pour le 11 mai est publiée tous les soirs, en fonction de l’avancée du virus et du taux d’occupation des hôpitaux. En vert les départements qui pourront être libérés, en rouge ceux dont les conditions sont défavorables, en orange ceux dont on ne connait pas encore le sort.

    De toute façon, les plages resteront interdites, ce qui suscite de nombreuses protestations, surtout du côté des professionnels du tourisme. La montagne restera-t-elle interdite aussi ? En fait, tout se décidera en fonction des nouvelles admissions en urgence, car on s’attend à une nouvelle vague de contaminations lors de la reprise du travail, le principal danger provenant des transports en commun.

    Nous, Parisiens vulnérables par l’âge, nous ne savons pas à quelle sauce nous allons être mangés. En principe, il ne sera pas possible de dépasser les cent kilomètres autour du lieu de confinement. Donc pas d’installation à Gex avant la deuxième semaine de juin. Si la chaleur s’installe, ce sera difficile à supporter. Au lieu de mourir du coronavirus, nous risquerons de périr de la canicule… ! On verra bien ! À vrai dire, nous vivons comme en apesanteur hors du temps. Les semaines se suivent dans une sorte de torpeur. Besoin d’air. Bien sûr nos conditions sont infiniment meilleures que les celles des familles confinées dans des petits appartements et nous aurions mauvaise grâce à nous plaindre. La seule idée de mourir de cette sale maladie nous cloue le bec. Le sujet numéro un des conversation tourne autour des masques.

    Les masques ! On dirait que faute de pouvoir évoquer le virus dont on ne connait rien à part la jolie image de boule fleurie apparue dès l’origine sur nos écrans, on se rabat sur eux. Ils sont l’objet d’innombrables et interminables discussions entre médecins, entre politiques, entre commerçants, entre tout le monde.

    On a commencé par critiquer le gouvernement de ne pas avoir de stocks. Roseline Bachelot, ministre de la Santé du temps de l’alerte du H1N1, en avait acheté des millions. Le virus ayant mystérieusement disparu, elle eut à subir à l’époque, une avalanche de moqueries. Le stock fut écoulé durant les années qui suivirent et non renouvelé. Aujourd’hui, invitée dans tous les forums, elle fait figure de papesse. Le gouvernement pris de court commença par déclarer que les masques ne servaient à rien. Devant la levée de boucliers des spécialistes, il annonça des commandes dans les plus brefs délais. Effet de la bureaucratie, ou surenchère internationale, les masques commandés à la Chine ne sont pas arrivés. On reprocha à nos dirigeants d’avoir menti. C’était pour éviter la panique, répliquèrent-ils, ils étaient réservés au personnel soignant. En fait, ils manquèrent cruellement dans les maisons de retraite qui furent entraînées dans une hécatombe funeste.

    On commença à distinguer les masques chirurgicaux qui protègent le voisinage des FFP2 qui protègent de l’entrée et de la sortie du virus, ces derniers étant destinés aux centres de réanimation. Tout un chacun se posait la question du masque fait maison. Utile, pas utile ? On trouvait sur le Net des « tutos », tutoriels publiés par des hôpitaux. Mais la masse d’informations contradictoires nous laissa plus ou moins perplexes. En particulier, l’impossible lavage journalier en machine, à 60 degrés pendant une demi-heure.

    Pourquoi n’a-t-on pas lancé en urgence une production industrielle de masques homologués ? Mystère. Une fois de plus, l’Élysée, comme dans la crise des gilets jaunes, comme dans la grève qui a suivi, n’a pas su communiquer. Y a-t-il eu de graves erreurs ? On le saura à la fin de l’épidémie quand on pourra comparer le nombre d’infections et de morts dans tous les pays du monde. Et encore, qui dira la vérité ?

    En attendant, on voit sur le nez des passants des masques d’un bleuté classique, d’autres fleuris, d’autres noirs, à liserés, de forme aérodynamique ou en bec d’ornithorynque, à élastique ou noués. Certains les portent, d’autres non. On s’en couvre seulement la bouche. On le laisse tomber sous le menton. On le tient à la main. Pour ma part, ils ont pour effet de couvrir mes lunettes de buée. Je le mets ou le retire donc selon la densité de passants que je croise. Il faudrait en changer tous les jours. Impossible ! Je place mon masque chirurgical en quarantaine pendant une semaine. Bref, tout le monde bricole et tout le monde a un avis sur ce qu’il faudrait faire.


  • Coronavirus, confinement et promenade (6).

     

    Graffiti sur le sol du jardin des Halles.

     

    La France est maintenant confinée depuis six semaines. L’épidémie se stabilise. Le déconfinement est envisagé pour le 11 mai. Un casse-tête ! Impossible de stopper l’économie jusqu’à ce qu’un vaccin soit trouvé, la famine menace déjà partout dans le monde. Les scientifiques demandent douze à dix-huit mois au mieux pour trouver un vaccin. On devra jusque là se contenter de gérer les gestes barrière pour ne pas saturer de nouveau les hôpitaux. Comment s’y prendre dans les écoles, dans les transports publics ? Certains voudraient recommencer à vivre comme avant, d’autres estiment cette détente prématurée et tout le monde râle. En fait, on ne sait pas grand-chose sur ce virus ravageur et la bureaucratie française n’est pas adaptée pour improviser dans l’urgence. Il va falloir compter le plus possible sur soi-même, sur sa propre jugeote et… sur la chance.

    Justement. L’autre jour, je suis partie comme d’habitude. Après avoir suivi consciencieusement les procédures, je me suis retrouvée sur le trottoir sans trop savoir de quel côté me diriger. Finalement, j’ai opté pour la descente de la rue du Louvre éclairée par le soleil, avec l’intention d’aller jusqu’à la Seine.

    J’attends donc que le petit bonhomme soit au vert. Ces jours-ci les voitures, les camionnettes de livraisons, les motos et les vélos font une timide, mais parfois vigoureuse réapparition sur les voies principales. Alors que je prends sagement le passage pour piétons, j’entends un cri bizarre derrière moi. Je me retourne. Dans la rue déserte, un jeune, vingt, vingt-cinq ans, cheveux frisés dans le vent, gesticule et tourne la tête dans tous les sens. Il se précipite vers moi, faisant tournoyer un sabre noir au-dessus de sa tête tout en criant : « Je suis l’empereur ! » Un fou ! Ça devait arriver, on n’est pas fait pour rester cloîtrer entre quatre murs ! Le sabre n’est plus qu’à trois mètres de mon cou. Trop tard pour fuir. Rester immobile, c’est le laisser faire. Je m’avance d’un pas ferme pour lui intimer l’ordre d’arrêter. Il stoppe net. Je vois ses yeux, de magnifiques yeux bleu clair dans un visage sombre mâtiné d’Asie et d’Afrique. Et il répète : « Je suis l’Empereur ! »

    Ses yeux rient. Il brandit son sabre qui brille dans le soleil d’un geste décidé et s’avance encore. Je vois son arme de plus près. C’est une sorte de grande règle plate en plastique qui brille au soleil. Une blague ! Les occasions de s’amuser sont rares en cette période de confinement et je lui rends son rire. C’est alors qu’en une fraction de seconde, il saute en arrière, tend sa main verticalement et hurle : « N’approchez pas ! »

    Il vient de comprendre le danger de la situation. J’ai vite tourné mon visage de l’autre côté. « En effet ! » me suis-je contentée de dire. Et j’ai continué sur le passage pour piéton. Arrivée sur le trottoir d’en face, je me suis retournée. Figé, les pieds écartés, il me regardait partir. De toute évidence, il réalisait qu’il avait commis une grosse imprudence.

    Je dois avouer qu’en effet, ne voyant personne dans la rue, je n’avais pas mis mon masque. Durant toute ma promenade, j’ai tenté d’évaluer la distance entre sa bouche qui criait et mon visage. Parfois je me disais qu’elle dépassait le mètre, d’autre fois j’essayais de me souvenir s’il avait postillonné ou encore j’espérais qu’il n’était pas infecté — après tout, moins de 14 % des gens sont porteurs du virus. Quand je suis rentrée et que j’ai raconté l’histoire à Gilles, il s’est emporté contre le jeune homme, l’a traité de suprême imbécile. Puis en bon scientifique, il m’a questionné et a fini par estimer le risque minime.

    Pour ma part, je me suis dit qu’il est illusoire de tout maîtriser, mais le samouraï aux petits pieds m’avait servi de leçon. J’ai compté les quatorze jours sur le calendrier pour savoir à quelle date je pourrai être tout à fait rassurée. Désormais, quand je sors, je porte mon masque. Ce jour-là, je m’étais prise les pieds dans le tapis.


  • Coronavirus, confinement et promenade (5).

    La France est maintenant confinée depuis cinq semaines. L’épidémie se stabilise. Le rythme des hospitalisations est désormais satisfaisant pour les capacités de réanimation, mais au moindre relâchement elle risque d’exploser de nouveau. Il faudra pourtant bien déconfiner et recommencer à travailler. Les dégâts économiques sont déjà considérables. Dimanche à la télévision, le Président de la République a annoncé la date du 11 mai pour une reprise sélective des activités. Hier soir, le Premier Ministre et le ministre de la Santé en ont évoqué les modalités.

    Pas d’espoir de traitements validés dans un avenir proche, ni de vaccin dans l’année. Un moment, on a cru que les personnes fragiles et âgées resteraient cloîtrées jusqu’à Noël. Devant les conséquences dramatiques d’un tel abandon affectif dans les maisons de retraite, le gouvernement a reculé. Le déconfinement se fera davantage par des choix et des précautions raisonnables que par des décisions autoritaires. L’essentiel demeure, que les hôpitaux tiennent le coup.

    Mes promenades dans Paris sont autant d’aventures malgré les rues désertées. Sur les quais sous la passerelle des Arts, par je ne sais quel mystère deux cabriolets de sport rétro, l’un rouge, l’autre blanc évoquaient des temps insouciants. Devant le Pied de Cochon, deux clochards discutaient des mérites respectifs des drogues, l’un vantait les amphétamines. J’ai demandé à photographier leur chien, un très beau berger belge qui dormait au soleil. Ils en parurent très contents et ravis de me dire quelques mots. Comme j’arrivais au Pont Neuf, plutôt que de traverser la Seine, j’ai continué sur le quai vers l’Hôtel de Ville et j’ai téléphoné à Nicolle. Elle a ouvert la fenêtre et nous nous sommes donné des nouvelles des uns et des autres. Quel plaisir de la voir ainsi que Pierre, en chair et en os !

    Sortir n’est pas une mince affaire ! Check list :

    • Imprimer l’attestation.
    • La remplir en cochant la case adéquate, et la signer. Prévoir un quart d’heure de plus pour l’heure de sortie en raison des préparatifs.
    • Trouver et enfiler une veste adaptée à la température, très variable selon l’heure, de 13 à 24°
    • Retrouver le mobile que j’oublie partout et le glisser dans une poche souvent trop petite pour son nouveau format
    • Prendre les clés à côté de l’évier de la cuisine, nettoyées la veille à l’eau savonneuse.
    • Prendre un masque tout en sachant que je n’aurai pas le courage de le porter en permanence.
    • Imbiber un tampon démaquillant d’alcool à 90°, le glisser dans une pochette en plastique pour éviter de m’abimer les doigts.
    • Mettre mes chaussures, stockées à l’entrée.
    • Désinfecter la porte, puis l’appel de l’ascenseur, puis les boutons d’étage, puis l’ouverture de la porte en bas, enfin, celui de la porte-cochère, laquelle heureusement, s’ouvre toute seule. À chaque fois avec l’impression d’avoir oublié quelque chose.
    • La sortie me laisse par surprise sur un trottoir cette année exceptionnellement ensoleillé, dans une rue vide et silencieuse, aujourd’hui un peu plus animée.

    Le retour n’est guère plus facile. Je sors le tampon de son fourreau et je désinfecte tout de nouveau. Sitôt dans l’appartement, je cours me laver les mains, je lave les clés, je dépose le masque, je jette l’attestation dans la corbeille à papier et je retire ma veste. C’est alors que je m’aperçois que j’ai oublié d’ôter mes chaussures. Il me faut bien constater que mon plan n’est jamais parfait et qu’il est illusoire de croire maîtriser l’épidémie à 100 %. Inch Allah !

    Tout ceci pour vous dire que le virus, toujours présent dans les faits, à la télévision, dans nos pensées, nous obsède à tel point qu’il est difficile de trouver de véritables moments de détente.


  • Coronavirus, confinement et promenade (4).

     

    La France est maintenant confinée depuis un mois. L’épidémie a tendance à se stabiliser. Le rythme des hospitalisations baisse un peu, mais au moindre relâchement elle risque d’exploser de nouveau.

    Situation surréaliste où la moitié de la planète demeure cloîtrée chez elle, les uns en télétravail, la plupart livrés à eux-même. Les écoles sont fermées, les services publics aussi. Seules les usines essentielles et les commerces des premières nécessités sont ouverts. Certains prennent leur mal en patience, d’autres entassés dans de petits appartements et plus fragiles deviennent à moitié fous. Le président de la République a parlé à la télévision. Le confinement est prolongé d’un mois. Que va-t-il se passer lorsque les grosses chaleurs, de plus en plus fréquentes ces dernières années, vont survenir ?

    Pour le moment nous sommes parmi les privilégiés. Gilles travaille son grec et répète le chant 3 de l’Odyssée par Skype. Ma vie ne change guère, mais ne pouvant plus aller à l’atelier finis les grands formats, je dois me contenter d’aquarelle et de petits modelages. On communique désormais par Internet.  Il faut reconnaître que ces nouvelles façons ont du bon et font tomber beaucoup de barrières, mais j’aimais tellement les rencontres dans les bistros. Hier, jour de Pâques, nous avons eu une longue réunion de famille en visioconférence. Un plaisir ! Nous avons eu du mal à nous séparer. L’écran éteint, j’ai ressenti une étrange frustration, probablement par manque de contact physique. Nous sommes virtualisés à l’excès.

    C’est pourquoi, à plusieurs reprises, j’ai laissé le confort de mes promenades solitaires autour du Palais-Royal pour m’aventurer vers le jardin des Halles. Au moins, on y rencontre des êtres de chair et d’os. Des clochards surtout. Quelques-uns sont solitaires, éparpillés sur les banquettes de pierre. Ceux-là ne vous voient pas passer, regards vagues sur des faces rougies par le soleil, abimés par la vie. L’autre jour, un étrange et rare silence régnait sur les blacks groupés devant la canopée. L’un d’entre eux en fauteuil roulant refermait leur cercle illicite. La police aurait-elle pour mission de les laisser tranquilles ?

    Un peu plus loin, un homme, visage gonflé par l’alcool dormait allongé sur le banc de pierre, un livre ouvert dans les mains. Encore plus loin, un livreur est sorti d’un fourré en fermant sa braguette. Quand il m’a vu, il s’est excusé : « Ce n’est pas facile ! » m’a-t-il dit en montrant la sanisette fermée. Il a repris son vélo avec un sourire. J’ai photographié un cerisier en fleur. Encore plus loin, sous les auvents désertés des restaurants, des sacs de couchage roulés, une sorte de cuisine-salle à manger avec des bouteilles de jus de fruits, un empilement d’oranges et de pommes, des sacs accrochés aux poignées des vitrines. Les occupants s’étaient absentés laissant leur domicile à la garde de Dieu, à deux pas de l’église Saint Eustache et de sa soupe installée sous le porche. Quels sont ces hommes ? Quelle est leur histoire ? Ils me voient passer avec une certaine complicité. Il y a tant d’années que j’erre dans la ville sans autre but que de participer à une solidarité urbaine qui me chauffe le cœur.

    L’un d’eux, assis par terre, le pinceau à la main, gouaches alignées sur le sol peignait sous les arcades du Palais Royal à côté d’une valise ouverte, de quelques objets du quotidien, une fleur dans une bouteille en plastique. Il m’a souri et il m’a dit bonjour. Je lui ai répondu d’un salut de la main. Il a ajouté : « Prenez soin de vous ! » Je lui ai dit : « Vous aussi ! » Qui suis-je pour reconstituer son histoire ? Ils ne demandent pas de pitié. Je sais seulement qu’ils veulent exister dans le regard de l’autre. On ne peut pas se toucher, mais on peut se voir et parfois se sourire.

     


  • Coronavirus, confinement et promenades (suite 3).

     

     

    La France est maintenant confinée depuis trois semaines. De nouveaux cas se pressent dans les hôpitaux, mais depuis deux jours leur rythme baisse un peu. Une lueur d’espoir, pondérée par l’incertitude des modalités d’un futur déconfinement. Le nombre de morts continue de progresser. Aux USA l’épidémie explose, surtout à New York, le chômage aussi, des millions d’Américains se retrouvent sans la moindre ressource. Chez nous, l’État promet de couvrir une partie des salaires. En Chine, la sortie du confinement se fait au compte-gouttes, un léger rebond en a résulté.

    Autour de nous, de plus en plus de proches sont contaminés. Les plus jeunes sans trop de symptômes, d’autres en réanimation, beaucoup avec une grosse fatigue. Comment les soignants peuvent-ils tenir ? On voudrait les aider, mais le mieux est de rester chez soi pour limiter les contaminations. Une promenade est autorisée une heure par jour, à un kilomètre au plus de chez soi. Dimanche, les gens sont un peu trop sortis pour savourer une délicieuse journée de printemps et la police a sanctionné les imprudents, 135 euros, ce qui n’est pas rien. Les vacances de Pâques ont commencé. Les routes au départ de Paris ont été bloquées. D’ailleurs dans notre immeuble et dans le quartier, beaucoup étaient déjà partis juste avant le confinement. Nombreux dans notre famille sont ceux qui se trouvent au bord de la mer, ou dans des maisons de campagne. Nous avons préféré rester et nous ne le regrettons pas. L’appartement est vaste et ensoleillé, les fenêtres ouvrent sur les toits et le ciel. La ville est silencieuse. Il ne nous manque que le jardin, les primevères et les tulipes du printemps. De toute façon, nous n’aurions pas pu aller au lac ou dans la montagne.

    Dans mes promenades, j’évite d’aller du côté des Halles. Les jeunes habitués blacks discutent comme si de rien n’était, agglutinés, canettes de bière à la main devant le chevet de Saint Eustache. De plus en plus de clochards s’installent sur les banquettes du jardin. Difficile d’apprécier les arbres en fleurs, lorsqu’on louvoie entre un éternuement, des cris, une salissure suspecte sur la chaussée. Je préfère aller vers le Palais-Royal dont les galeries sont restées ouvertes.

    Une lourdeur s’est peu à peu installée à la pensée de nos proches, de ceux qui peinent dans les hôpitaux ou chez eux, à la pensée de ceux qui deviennent à moitié fous dans des logements trop petits. Le spleen alourdit parfois nos gestes, ralentit le temps, pose un voile sur le ciel sans nuage. On voudrait que tout cela se termine au plus vite. La mort ne doit, ne peut pas gagner. Nous sommes tous suspendus aux nouvelles du smartphone ou de la télévision. On espère un médicament, un vaccin, il est inconcevable qu’on ne puisse pas trouver une parade rapide quand les deux tiers de l’humanité sont confinés. Une telle patience n’est pas de mise, il faudrait agir plus vite, mais la réalité nous impose une durée incompressible. Les chercheurs travaillent jour et nuit dans les laboratoires mais les virus n’obéissent que difficilement à leurs protocoles. Il y faut du temps. Certains départements sont pour le moment plus ou moins épargnés.

    Hier le nombre de morts est reparti à la hausse.


  • Coronavirus, confinement et promenade (suite)

     

    La France est maintenant confinée depuis quinze jours. Une promenade est autorisée une heure par jour, à un kilomètre de chez soi au maximum. Je sors le matin, il y a moins de monde c’est-à-dire presque personne.

    Mercredi dernier. Je descends la rue du Louvre jusqu’à la Seine, son flot s’écoule serein. Aucun bateau, aucun de ses objets flottants qu’elle charrie habituellement. Sous la bise du nord, elle s’est teintée d’un vert pâle céladon. Elle a abandonné sur les berges une boue gris clair trouée çà et là par le vide un peu plus sombre des pierres descellées par la crue. Des barrières en interdisent l’accès. Le quai, le Pont des Arts sont déserts. Seul, un clochard sur un banc. Sous ses couvertures, entouré de bouteilles et de sacs, il fuit mon regard. La cour Carrée est fermée, je continue jusqu’aux guichets du Louvre. Pas un chat, je tourne vers la place du Carrousel.

    Vous n’imaginez pas la beauté de cet espace désert entre les deux ailes du Louvre dans cette matinée  ensoleillée. À droite la pyramide de Pei, à gauche l’Arc de triomphe du Carrousel, extraordinaire cadeau offert par de tristes circonstances. Seuls, deux gardiens de part et d’autre de l’esplanade promènent leurs chiens muselés, indifférents à ma présence. J’ai poursuivi ce jour-là vers les coursives du Palais-Royal. Le bruit d’une toux m’a fait rebrousser chemin. Rue du Beaujolais, le Grand Véfour (fermé naturellement, voir photo), remonté vers la rue des Petits Champs, Louis XIV sur son cheval au centre de  la place des Victoires dont je n’ai pas eu besoin de contourner l’arrondi. Ce fut une belle promenade. Bizarre de pouvoir marcher au milieu des rues, de ne plus entendre la rumeur de la ville !

    D’ailleurs le lendemain, alors que je tournai à l’angle de la rue Étienne Marcel devant le chantier (à l’arrêt) de la Grande Poste, une merlette à deux mètres de moi m’a regardée de son petit œil rond sans bouger du trottoir. J’ai dû l’éviter ! C’était comme si j’avais vu un colibri installé comme chez lui au milieu du Sahara. Les oiseaux vont-ils revenir à Paris ?

    Chaque jour possède sa petite histoire. Vendredi, j’ai essayé de me rendre au jardin des Halles. Au retour, une jeune fille s’était immobilisée pour téléphoner dans un passage étroit. J’ai cherché par des gestes à lui faire comprendre qu’elle devait circuler. Comme elle ne réagissait pas, je lui ai crié par trois fois, de plus en plus fort : « Eh, jeune fille ! » Elle a fini par lever la tête et sans bouger davantage, elle a dit : « Qu’est-ce qu’il y a ? »  Je lui ai répondu : « Je voudrais passer et respecter la distance de sécurité d’un mètre. Vous êtes jeune, et je suis âgée. » « Ah bon, fallait le dire ! » répliqua-t-elle avec une certaine irritation. Je lui ai dit, perplexe : « Vraiment, vous n’aviez pas compris ? » « Non ! » a-t-elle répondu un peu plus aimablement, et elle a libéré le passage… Après trois semaines d’épidémie… !

    Ce matin, devant le Conseil d’État, un homme d’une soixantaine d’années, manifestement coincé loin de son pays, m’a tenu un petit discours à distance dans une langue que je n’ai pas pu identifier, il en est surgi le seul mot « confinement ». Il en avait par-dessus la tête !

    J’ai sonné à la porte de mon voisin, un Brésilien que nous croisons de temps en temps dans l’escalier. On ne sait jamais, je lui ai tendu une carte de visite en la frottant ostensiblement avec un coton imbibé d’alcool à 90. Il parle très mal le français. Il est tout de même parvenu à me proposer de faire nos courses en même temps que les siennes. Je lui ai dit que nous allons rue du Mail, lui va au Franprix de la rue du Louvre. Puis avec des mots rudimentaires, il m’a expliqué qu’il est représentant de Ricard pour toute l’Europe, le Brésil et Haïti et qu’il travaille en télétravail pour résoudre les problèmes soulevés par l’épidémie. « Votre famille est au Brésil ? » Il m’a répondu : « Oui, ma femme est à Sao Paulo ! ». In petto, j’ai pensé que Ricard est connu pour faire du forcing et imbiber le tiers monde d’alcool. Mais il était si gentil, que je n’ai pas pensé plus loin. En période d’épidémie, la morale n’est peut-être plus tout à fait d’actualité.

    On vit au jour le jour, en songeant à ceux qui meurent dans les hôpitaux, en espérant échapper à ce triste sort. Pour ma part, je pense à tous ces jeunes soignants, livreurs qui se mettent en danger pour sauver les personnes de mon âge et cela me pose des questions. Si dans l’antichambre de l’hôpital, je devais laisser la place à un plus jeune au risque de mourir, je me demande quelle serait ma réaction. J’aimerais pouvoir l’accepter sinon de bon cœur, du moins avec une certaine fatalité et peut-être avec l’impression d’être utile à quelque chose…


  • Le 24 mars 2020. Coronavirus, confinement et promenade.

     

     

    La France est confinée depuis lundi dernier midi. Nous n’avons plus le droit de sortir sous peine d’amende sauf pour des raisons impératives notifiées dans une liste téléchargeable.

    On doit porter sur soi l’attestation dûment signée, avec sa ou ses cases cochées. Un bref déplacement est autorisé quand il est « lié à l’activité physique des personnes ». Philippe (78 ans) s’est vu sanctionné hier parce qu’il marchait et qu’il ne courrait pas. Il faut savoir que les policiers sont actuellement perturbés car ils ne bénéficient pas de masques de protection. On peut le comprendre. Hier, je suis partie tranquillement sur des trottoirs déserts vers le Louvre  et je suis passée devant le Ministère de la Culture.

    Il m’a fallu le confinement et le coronavirus pour observer plus attentivement la résille de sa façade. Évoque-t-elle symboliquement l’importance de l’écriture, du dessin ? Difficile à dire. À l’époque, j’avais été scandalisée, car elle avait recouvert de son dessin superflu et tarabiscoté une façade de style art nouveau extrêmement harmonieuse. J’apprends aujourd’hui que, poursuivi par les héritiers de l’architecte d’origine, l’état a été condamné, mais que les modalités de sa restauration n’ont pas pu être mises en place. Espérons qu’elle sera effectuée plus tard.

    Un groupe de trois personnes ne respectait pas la distance de sécurité. Ils ont pris l’ascenseur du parking, comme si de rien n’était. Après tout, c’était peut-être des gens confinés ensemble…

    Dans la bise froide, je me suis dirigée vers le Conseil d’État et je suis remontée par la galerie est du jardin du Palais-Royal. À cent mètres de distance l’un de l’autre, deux sans-abri blottis dans leur sac de couchage m’ont regardée passer avec inquiétude, ils ne voulaient manifestement pas que je les approche. Des bouteilles d’eau et des vivres leur avaient été distribués. Des hôtels vidés des touristes auraient été réquisitionnés, mais certains préfèrent rester dehors.

    De l’autre côté des grilles, l’herbe et la mousse poussent dans les allées, la fontaine continue sa chanson et le jardin semble nous tendre désespérément des bras interdits. Je me suis écartée d’une joggeuse et je suis remontée vers la rue des Petits Champs. Bizarre de pouvoir marcher au centre de cette voie d’ordinaire très passante ! Je me suis écartée de la ventilation de la Banque de France ; on ne sait jamais, elle pouvait transporter les miasmes d’un stakhanoviste infecté. J’ai encore croisé (de loin) des joggeurs. Une femme en tricotant des jambes criait dans son téléphone. Comme j’étais sous le vent, j’ai retenu ma respiration.

    Sur le terre-plein central de la place des Victoires, une petite famille s’était installée avec des sacs à dos par terre. Le père chronométrait ses enfants d’une dizaine d’années. Ils faisaient à toute vitesse le tour de la statue équestre de Louis XIV. Les cheveux des enfants métis formaient une boule qui triplait le volume de leur tête ajoutant à leurs rires une note d’optimisme.

    J’ai touché le digicode de notre porte-cochère avec une inquiétude qui ne m’a pas quittée dans l’ascenseur. Après avoir ouvert la porte, je me suis précipitée vers l’évier pour me laver les mains et les clés le plus longuement possible. Serai-je aussi scrupuleuse après plusieurs semaines de confinement ?


  • Coronavirus et élections.

    Feu rouge, rues désertes, patinettes entassées. A l’image de cette photo Paris est à l’arrêt. Dimanche, j’ai voulu me dégourdir les jambes, mais le jardin du Palais-Royal était fermé. Des jeunes, inconscients, agglutinés, assis au soleil sous les arcades m’ont aussitôt fait fuir. J’ai repris ma déambulation en slalomant pour garder la distance recommandée par le monde médical.

    Le Coronavirus, Cov 19, est en train d’exploser. La semaine dernière, après beaucoup d’hésitations nous avons encore pu écouter Sandrine Bonnaire lire les poésies de notre ami Joël Bastard au Bataclan. Nous nous étions assis au fond de la salle en retrait, sans voisins, et nous sommes partis aux premiers applaudissements. Spectacle d’inauguration (le dernier, vu les circonstances…) du Printemps des poètes, placé sous le signe du Courage. Le Bataclan !… Il semblait encore vibrer du silence terrifié des victimes des terroristes, tapies entre les rangées de fauteuils ou derrière le bar, réfugiées dans les toilettes, ensanglantées, blessées ou mortes. Je ressentais encore l’horreur planer sur cette salle remplie de cette même jeunesse vivante et curieuse, sur laquelle, le 13 novembre 2015, s’était déversée la haine dans une ivresse de mort. Une lecture de Féderico Garcia LLorca, avec la voix rauque de Denis Lavant : Las cinco de la tarde, le chant funébre du torero Ignacio Sanchez. Pas gai, mais très beau.

    Mercredi, Les Méditations de Lamartine à la Sorbonne au cours de Jean-Marc Hovasse. Lecture émouvante de L’Isolement (d’actualité), du Vallon et bien sûr du Lac. La poésie, nourriture de vie.

    Nous avons ensuite tout annulé : concert, dîners, réunions, avant même les déclarations de jeudi du président de la République. Nous mettons maintenant en place les conditions de ce confinement qui risque, si l’on en croit les nouvelles de Chine, d’être beaucoup plus long que la quinzaine (renouvelable) évoquée par Emmanuel Macron. Pour le moment chacun se replie sur ses problèmes. Beaucoup de familles parisiennes partent dans leurs maisons de vacances, à la campagne ou dans les îles bretonnes. Nous, nous préférons rester à Paris où la couverture sanitaire est plus efficace. Nous nous trouvons largement dans la tranche vulnérable.

    Nous avons voté pour les municipales en prenant toutes les précautions nécessaires. Les mêmes politiques qui jugeaient ces élections indispensables sont aujourd’hui ceux qui les condamnent à grands cris médiatiques. Il est pourtant plus qu’urgent de passer à autre chose ! Le deuxième tour est reporté sine die.

    Nous pratiquions déjà depuis une dizaine de jours les préconisations désormais obligatoires, mais comment savoir si un virus, cet ennemi minuscule et invisible n’a pas traîtreusement franchi la barrière de nos narines et ne s’est pas installé, peinard, dans nos bronchioles ? Mieux vaut prendre toutes les précautions et ne pas trop y penser. Nous sommes tous dans le même panier et si pour le moment nous n’utilisons pas encore les moyens de communication au-delà de nos familles proches, nous n’en songeons pas moins à tous les autres, les amis, les voisins, le personnel soignant, ceux qui travaillent pour assurer notre quotidien de confinés, avec un sentiment de solidarité omniprésent dans cette nouvelle solitude peut-être riche d’enseignement. Qui vivra verra… (!)