La passerelle des Arts s’anime un peu.

 

Cent-quatre-vingt-six morts ont été comptabilisés dans les hôpitaux et dans les maisons de retraite, ce samedi. Le plus petit nombre depuis le début du confinement. La carte d’un éventuel déconfinement annoncé pour le 11 mai est publiée tous les soirs, en fonction de l’avancée du virus et du taux d’occupation des hôpitaux. En vert les départements qui pourront être libérés, en rouge ceux dont les conditions sont défavorables, en orange ceux dont on ne connait pas encore le sort.

De toute façon, les plages resteront interdites, ce qui suscite de nombreuses protestations, surtout du côté des professionnels du tourisme. La montagne restera-t-elle interdite aussi ? En fait, tout se décidera en fonction des nouvelles admissions en urgence, car on s’attend à une nouvelle vague de contaminations lors de la reprise du travail, le principal danger provenant des transports en commun.

Nous, Parisiens vulnérables par l’âge, nous ne savons pas à quelle sauce nous allons être mangés. En principe, il ne sera pas possible de dépasser les cent kilomètres autour du lieu de confinement. Donc pas d’installation à Gex avant la deuxième semaine de juin. Si la chaleur s’installe, ce sera difficile à supporter. Au lieu de mourir du coronavirus, nous risquerons de périr de la canicule… ! On verra bien ! À vrai dire, nous vivons comme en apesanteur hors du temps. Les semaines se suivent dans une sorte de torpeur. Besoin d’air. Bien sûr nos conditions sont infiniment meilleures que les celles des familles confinées dans des petits appartements et nous aurions mauvaise grâce à nous plaindre. La seule idée de mourir de cette sale maladie nous cloue le bec. Le sujet numéro un des conversation tourne autour des masques.

Les masques ! On dirait que faute de pouvoir évoquer le virus dont on ne connait rien à part la jolie image de boule fleurie apparue dès l’origine sur nos écrans, on se rabat sur eux. Ils sont l’objet d’innombrables et interminables discussions entre médecins, entre politiques, entre commerçants, entre tout le monde.

On a commencé par critiquer le gouvernement de ne pas avoir de stocks. Roseline Bachelot, ministre de la Santé du temps de l’alerte du H1N1, en avait acheté des millions. Le virus ayant mystérieusement disparu, elle eut à subir à l’époque, une avalanche de moqueries. Le stock fut écoulé durant les années qui suivirent et non renouvelé. Aujourd’hui, invitée dans tous les forums, elle fait figure de papesse. Le gouvernement pris de court commença par déclarer que les masques ne servaient à rien. Devant la levée de boucliers des spécialistes, il annonça des commandes dans les plus brefs délais. Effet de la bureaucratie, ou surenchère internationale, les masques commandés à la Chine ne sont pas arrivés. On reprocha à nos dirigeants d’avoir menti. C’était pour éviter la panique, répliquèrent-ils, ils étaient réservés au personnel soignant. En fait, ils manquèrent cruellement dans les maisons de retraite qui furent entraînées dans une hécatombe funeste.

On commença à distinguer les masques chirurgicaux qui protègent le voisinage des FFP2 qui protègent de l’entrée et de la sortie du virus, ces derniers étant destinés aux centres de réanimation. Tout un chacun se posait la question du masque fait maison. Utile, pas utile ? On trouvait sur le Net des « tutos », tutoriels publiés par des hôpitaux. Mais la masse d’informations contradictoires nous laissa plus ou moins perplexes. En particulier, l’impossible lavage journalier en machine, à 60 degrés pendant une demi-heure.

Pourquoi n’a-t-on pas lancé en urgence une production industrielle de masques homologués ? Mystère. Une fois de plus, l’Élysée, comme dans la crise des gilets jaunes, comme dans la grève qui a suivi, n’a pas su communiquer. Y a-t-il eu de graves erreurs ? On le saura à la fin de l’épidémie quand on pourra comparer le nombre d’infections et de morts dans tous les pays du monde. Et encore, qui dira la vérité ?

En attendant, on voit sur le nez des passants des masques d’un bleuté classique, d’autres fleuris, d’autres noirs, à liserés, de forme aérodynamique ou en bec d’ornithorynque, à élastique ou noués. Certains les portent, d’autres non. On s’en couvre seulement la bouche. On le laisse tomber sous le menton. On le tient à la main. Pour ma part, ils ont pour effet de couvrir mes lunettes de buée. Je le mets ou le retire donc selon la densité de passants que je croise. Il faudrait en changer tous les jours. Impossible ! Je place mon masque chirurgical en quarantaine pendant une semaine. Bref, tout le monde bricole et tout le monde a un avis sur ce qu’il faudrait faire.