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ARTISTE & ÉCRIVAIN

NEWS

  • Semaine du 28 octobre au 4 novembre 2025

    Grenoble.

    Exposition d’Alina Szapocznikow.

    L’automne à Tougin.


ŒUVRE RÉCENTE

  • Parapluies, céramique. (détail)

    Les Parapluies. Céramique (détail). 20 x 30 cm

Céramiques
Exposition Macon

CHRONIQUES

Au fil des semaines

  • Grenoble. Alina Szapocznikow, Tougin.

    par

    Martine de Rosny

    |

    28 octobre 2025

    Ce matin, réveil à Tougin. Comme c’est étrange de se retrouver dans ce monde d’oiseaux ! La volée de moineaux est partie. Où ? Mystère ! Elle a laissé la place aux merles, aux mésanges et bien d’autres que je ne connais pas, affairés. Une mésange enfile sa tête dans le nichoir, histoire de voir. Les merles, gras et dodus se partagent le jardin, tout cela pépie tranquillement, dans la vigne vierge de toutes les couleurs, jaune, rouge, rose, ocre. Ils volettent du prunus défeuillé par la tempête de la semaine dernière, à l’arbre de Judée déplumé, aux haies encore vertes. Comme ils sont différents des moineaux chamailleurs ! On dirait qu’ils se saluent au passage.

    Hier nous avons passé une soirée paisible devant un feu de cheminée à jouer au scrabble. Je me suis endormie rapidement, ce qui ne m’était pas arrivé depuis longtemps. Le soleil bas sur l’horizon a éclairé la cuisine et le petit déjeuner. Il illumine la rousseur des feuilles sur le sol du jardin.

    Maintenant Gilles répare les dégâts causés par les souris sur les fils électriques du frigidaire. Le piano m’attend, j’ai essayé hier la fantaisy n° 3 de Mozart et je me réjouis de m’y atteler. Je vais emballer l’autre moitié de la céramique « Au bord de l’eau » pour la ramener à Paris et l’émailler. Nous allons couper les holtas et les grandes marguerites jaunes, ce soir nous sommes invités chez Hilary qui nous promet sa fameuse soupe. Bien d’autres projets encore. Bref, nous sommes loin de l’exposition d’Alina Szapocznikow, il y a trois jours.

    Les trajets entre Tougin et Grenoble deviennent difficiles pour Gilles, le contournement de Genève, une autoroute quasi urbaine desservant Annecy et Chambéry, les approches de la métropole de Grenoble. Nous avons inauguré de commencer par Grenoble en train et de continuer sur Tougin où est garée la voiture. Ca a très bien marché. Noé nous a invités à goûter dans son studio d’étudiant, Ève avait convié notre neveu Patrick et son épouse Marie à dîner dimanche soir et nous avons évoqué les vacances de sa famille autrefois à Nernier, les repas de sa grand-mère, ma mère. Ce fut une soirée chaleureuse et confiante.  

    J’avais lu des articles sur l’exposition d’Alina Szapocznikow, une femme sculpteur dont je n’avais jamais entendu parler, très tentants. Nous sommes allés avec Ève, Emmanuel et Marius, dans le musée de la ville, un bâtiment exceptionnel de clarté, de déambulation, à l’image des plus grands musées du monde.

    D’emblée, la puissance et l’expression y trouvaient leur place. Les grands formats s’y dilataient à l’aise. Des excroissances de corps, proches de l’abstraction, en béton, en bronze. Des dessins et des monotypes en noir et blanc. C’était d’autant plus impressionnant que l’auteur dont on voyait des photos très agrandies, sur les murs et qu’on entendait interviewer était une jeune femme petite et fine, au corps solide certes, mais aux cheveux bouclés et au sourire de petite fille.

    De salle en salle, le propos déjà tragique devenait terrible. Elle avait été internée à 16 ans à Auschwitz, rescapée elle avait rejoint la Pologne, sa patrie, et avait fini ses jours à Paris.

    Elle avait alors beaucoup pratiqué le moulage sur son propre corps, des bouches, des seins, ses jambes, pour en faire des œuvres fortes combinant les matériaux de pierre et le polyester.

    C’est alors qu’elle avait eu un cancer du sein. Elle avait dessiné sa douleur après qu’on eut excisé la moitié de son corps envahi par des tumeurs. Elle avait dessiné son corps mutilé, la cicatrice qui s’étendait de l’épaule jusqu’au sexe. Elle les avait transcrits sous la forme de grands morceaux de polyester envahis de déchets. Horrible !

    Elle avait alors moulé le corps de son fils, pour exprimer que malgré sa mort, la vie devait continuer.

    J’ai du mal à digérer ma visite. Éros et Thanatos. Et pourtant, je ne la regrette pas. Alina est maintenant un peu comme une sœur, nous en avons tous eu de ces proches dont il faut dépasser la douleur au nom de la vie, comme une nécessité pour dépasser ses propres souffrances.

    Le plus terrible est la tendresse qu’on ne pouvait s’empêcher de ressentir à son égard.

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