La France est maintenant confinée depuis cinq semaines. L’épidémie se stabilise. Le rythme des hospitalisations est désormais satisfaisant pour les capacités de réanimation, mais au moindre relâchement elle risque d’exploser de nouveau. Il faudra pourtant bien déconfiner et recommencer à travailler. Les dégâts économiques sont déjà considérables. Dimanche à la télévision, le Président de la République a annoncé la date du 11 mai pour une reprise sélective des activités. Hier soir, le Premier Ministre et le ministre de la Santé en ont évoqué les modalités.

Pas d’espoir de traitements validés dans un avenir proche, ni de vaccin dans l’année. Un moment, on a cru que les personnes fragiles et âgées resteraient cloîtrées jusqu’à Noël. Devant les conséquences dramatiques d’un tel abandon affectif dans les maisons de retraite, le gouvernement a reculé. Le déconfinement se fera davantage par des choix et des précautions raisonnables que par des décisions autoritaires. L’essentiel demeure, que les hôpitaux tiennent le coup.

Mes promenades dans Paris sont autant d’aventures malgré les rues désertées. Sur les quais sous la passerelle des Arts, par je ne sais quel mystère deux cabriolets de sport rétro, l’un rouge, l’autre blanc évoquaient des temps insouciants. Devant le Pied de Cochon, deux clochards discutaient des mérites respectifs des drogues, l’un vantait les amphétamines. J’ai demandé à photographier leur chien, un très beau berger belge qui dormait au soleil. Ils en parurent très contents et ravis de me dire quelques mots. Comme j’arrivais au Pont Neuf, plutôt que de traverser la Seine, j’ai continué sur le quai vers l’Hôtel de Ville et j’ai téléphoné à Nicolle. Elle a ouvert la fenêtre et nous nous sommes donné des nouvelles des uns et des autres. Quel plaisir de la voir ainsi que Pierre, en chair et en os !

Sortir n’est pas une mince affaire ! Check list :

  • Imprimer l’attestation.
  • La remplir en cochant la case adéquate, et la signer. Prévoir un quart d’heure de plus pour l’heure de sortie en raison des préparatifs.
  • Trouver et enfiler une veste adaptée à la température, très variable selon l’heure, de 13 à 24°
  • Retrouver le mobile que j’oublie partout et le glisser dans une poche souvent trop petite pour son nouveau format
  • Prendre les clés à côté de l’évier de la cuisine, nettoyées la veille à l’eau savonneuse.
  • Prendre un masque tout en sachant que je n’aurai pas le courage de le porter en permanence.
  • Imbiber un tampon démaquillant d’alcool à 90°, le glisser dans une pochette en plastique pour éviter de m’abimer les doigts.
  • Mettre mes chaussures, stockées à l’entrée.
  • Désinfecter la porte, puis l’appel de l’ascenseur, puis les boutons d’étage, puis l’ouverture de la porte en bas, enfin, celui de la porte-cochère, laquelle heureusement, s’ouvre toute seule. À chaque fois avec l’impression d’avoir oublié quelque chose.
  • La sortie me laisse par surprise sur un trottoir cette année exceptionnellement ensoleillé, dans une rue vide et silencieuse, aujourd’hui un peu plus animée.

Le retour n’est guère plus facile. Je sors le tampon de son fourreau et je désinfecte tout de nouveau. Sitôt dans l’appartement, je cours me laver les mains, je lave les clés, je dépose le masque, je jette l’attestation dans la corbeille à papier et je retire ma veste. C’est alors que je m’aperçois que j’ai oublié d’ôter mes chaussures. Il me faut bien constater que mon plan n’est jamais parfait et qu’il est illusoire de croire maîtriser l’épidémie à 100 %. Inch Allah !

Tout ceci pour vous dire que le virus, toujours présent dans les faits, à la télévision, dans nos pensées, nous obsède à tel point qu’il est difficile de trouver de véritables moments de détente.