La France est maintenant confinée depuis trois semaines. De nouveaux cas se pressent dans les hôpitaux, mais depuis deux jours leur rythme baisse un peu. Une lueur d’espoir, pondérée par l’incertitude des modalités d’un futur déconfinement. Le nombre de morts continue de progresser. Aux USA l’épidémie explose, surtout à New York, le chômage aussi, des millions d’Américains se retrouvent sans la moindre ressource. Chez nous, l’État promet de couvrir une partie des salaires. En Chine, la sortie du confinement se fait au compte-gouttes, un léger rebond en a résulté.

Autour de nous, de plus en plus de proches sont contaminés. Les plus jeunes sans trop de symptômes, d’autres en réanimation, beaucoup avec une grosse fatigue. Comment les soignants peuvent-ils tenir ? On voudrait les aider, mais le mieux est de rester chez soi pour limiter les contaminations. Une promenade est autorisée une heure par jour, à un kilomètre au plus de chez soi. Dimanche, les gens sont un peu trop sortis pour savourer une délicieuse journée de printemps et la police a sanctionné les imprudents, 135 euros, ce qui n’est pas rien. Les vacances de Pâques ont commencé. Les routes au départ de Paris ont été bloquées. D’ailleurs dans notre immeuble et dans le quartier, beaucoup étaient déjà partis juste avant le confinement. Nombreux dans notre famille sont ceux qui se trouvent au bord de la mer, ou dans des maisons de campagne. Nous avons préféré rester et nous ne le regrettons pas. L’appartement est vaste et ensoleillé, les fenêtres ouvrent sur les toits et le ciel. La ville est silencieuse. Il ne nous manque que le jardin, les primevères et les tulipes du printemps. De toute façon, nous n’aurions pas pu aller au lac ou dans la montagne.

Dans mes promenades, j’évite d’aller du côté des Halles. Les jeunes habitués blacks discutent comme si de rien n’était, agglutinés, canettes de bière à la main devant le chevet de Saint Eustache. De plus en plus de clochards s’installent sur les banquettes du jardin. Difficile d’apprécier les arbres en fleurs, lorsqu’on louvoie entre un éternuement, des cris, une salissure suspecte sur la chaussée. Je préfère aller vers le Palais-Royal dont les galeries sont restées ouvertes.

Une lourdeur s’est peu à peu installée à la pensée de nos proches, de ceux qui peinent dans les hôpitaux ou chez eux, à la pensée de ceux qui deviennent à moitié fous dans des logements trop petits. Le spleen alourdit parfois nos gestes, ralentit le temps, pose un voile sur le ciel sans nuage. On voudrait que tout cela se termine au plus vite. La mort ne doit, ne peut pas gagner. Nous sommes tous suspendus aux nouvelles du smartphone ou de la télévision. On espère un médicament, un vaccin, il est inconcevable qu’on ne puisse pas trouver une parade rapide quand les deux tiers de l’humanité sont confinés. Une telle patience n’est pas de mise, il faudrait agir plus vite, mais la réalité nous impose une durée incompressible. Les chercheurs travaillent jour et nuit dans les laboratoires mais les virus n’obéissent que difficilement à leurs protocoles. Il y faut du temps. Certains départements sont pour le moment plus ou moins épargnés.

Hier le nombre de morts est reparti à la hausse.