• Musée de l’homme. L’homme de Néandertal

    Le trajet du 72 est certainement le plus beau de Paris. Nous sommes sortis devant la Tour Eiffel, au débouché du pont d’Iéna. Nous sommes montés dans les jardins du Trocadéro au milieu d’une nuée de touristes. L’un d’eux se photographiait avec un selfie, bras tendu en équilibre sur un muret, le dos courbé vers le précipice.

    L’esplanade était très encombrée. Nous avions réservé notre entrée au Musée de l’Homme dans l’aile ouest du Palais du Trocadéro. En fait, nous nous sommes retrouvés assez seuls dans les escaliers monumentaux qui conduisent à l’exposition sur l’homme de Néandertal.

    Nous avons perdu de vue les deux Marius (11ans) dès le passage du tourniquet et les avons retrouvés à la sortie, enchantés d’avoir comparé l’exposition à ce qu’ils avaient appris de leur maîtresse en CM2. C’est en connaisseurs qu’ils avaient déposé une appréciation sur le livre d’or électronique.

    J’attendais des petits hommes malingres et dégénérés, je vis un squelette complet mesurant presque deux mètres, des mâchoires aux dents impeccables, des reconstitutions qui montraient des géants sympathiques dont le gros nez et les arcades un peu proéminentes s’apparentaient plus à des joueurs de rugby, qu’à de pauvres êtres humains réduits à leur survie. J’ai trouvé à celui-là des petits airs d’Éric Cantonna. Il y avait bien une toute petite femme au gros ventre et aux jambes gringalettes, mais son regard de verre étincelait d’une vie plus que convenable.

    (à suivre)


  • Retour à Paris.

    À Genève, la voiture n’est pas la bienvenue. Compter une demi-heure pour cent mètres. Parkings efficaces à la condition d’y parvenir.  Présélection généralisée. On doit savoir où aller, comment y aller. Vous êtes rappelés à l’ordre à la moindre hésitation.

    Parkings aussi impeccables que des halls de palace. Pas un grain de poussière, pas une trace de cambouis ou de pneu. Comment font-ils ? Les issues vous projettent sur un trottoir qui semble n’avoir jamais vu un bout de papier ou un mégot de cigarette. Passants à l’unisson. Costumes sombres, cravates, brushing discrets. Robes de bon ton, cheveux qui coulent avec élégance sur des épaules sportives.

    La semaine dernière au Salon du livre de Genève, Frédéric Beigbeder ex noctambule-chroniqueur parisien était interviewé devant un public jeune, sérieux et attentif. Il était venu présenter son dernier livre, un hymne aux vertus apaisantes de Genève où il s’est installé avec sa famille pour la naissance de son troisième enfant. Le médiateur l’avait lancé sur Marc Lévy. Pourquoi ? Peut-être pour comparer leurs notoriétés. L’autre avait répondu :

    — Je ne veux pas être méchant, mais pour moi, il y a deux sortes de littérature. Celle qui finit bien et celle qui finit mal. Je fais partie de la deuxième catégorie, celle du Jeune Werther de Goethe. Je serais ravi qu’après avoir fermé la dernière page, un de mes lecteurs se suicide.

    Affalé sur la table, cheveux en déroute qui lui mangeaient la moitié de la figure, regard un peu perdu, je me suis dit qu’il n’allait pas faire long feu dans cette bonne ville de Genève.

    Lorsqu’hier, Lyria, le TGV suisse m’a débarquée sur le quai de la gare de Lyon et que j’ai déboulé place de la Bastille où s’achevait une énième manifestation, j’ai cru atterrir sur une autre planète. Des CRS bloquaient les avenues, des détritus jonchaient le sol, des amoureux s’embrassaient, des familles en grappes venues de province et de banlieue se lançaient des blagues.

    J’aime Genève à laquelle je dois beaucoup, mais je dois dire que ce foutoir m’a fait du bien.

     


  • Les Pertes de La Valserine, suite et fin

    Aujourd’hui, que les années ont passé, je regarde avec un regard neuf (!) le travail du temps. Je m’émerveille enfin de ces millions de lustres qui ont permis au torrent de creuser la montagne. Je pense à ces jours innombrables d’où l’homme était absent, à cette lenteur quasi éternelle pulvérisée aujourd’hui par la précipitation, par le remue ménage des hommes qui bousculent la planète jusqu’à la mettre en péril.

    La Valserine disparaît dans la roche calcaire, elle s’y perd dans des crevasses sculptées de marmites du diable. On l’entend gronder sous nos pieds. On devine que la nature ne se laissera pas détruire sans protester. On devine que le changement climatique peut s’accompagner de phénomènes incontrôlables, combien est illusoire la maîtrise de l’homme sur la terre. Fini le romantisme qui attirait les touristes de la Belle Époque, place au réalisme, … s’il en est encore temps.

    Fin.

     


  • Les pertes de la Valserine

    Semaine du 24 avril au 1 mai 2018

    Les Pertes de la Valserine.

    Au début du siècle dernier, on venait de l’Europe entière admirer les Pertes de la Valserine. Enfants, nous passions chaque année sur la route qui serpentait au-dessus de la rivière cachée par des arbres. Bourrée à craquer, la voiture roulait à vive allure vers Nernier, le village de nos vacances sur le bord du Léman. Je m’en étais vanté et notre professeur de géographie n’en revenait pas d’avoir dans sa classe une élève aussi chanceuse.

    Je n’avais pas osé lui avouer que nous ne nous étions jamais arrêtés sur le petit parking et que nous  n’avions jamais descendu le raidillon qui y menait, trop impatients d’arriver ou trop préoccupés par le retour. Une fois arrivés, les baignades et les navigations nous intéressaient bien davantage que n’importe quelle merveille géologique. Depuis lors, mère et grand-mère, je passe désormais plusieurs mois par an non loin de là, sans y avoir encore mis les pieds. Peut-être afin de préserver l’impression provoquée par l’hyperbolique description de ma professeure.

    Mais voilà qu’avant-hier,  Emmanuel a eu la bonne idée de proposer cette promenade, cinq kilomètres depuis la ville de Bellegarde, à l’insatiable énergie de nos petits-enfants qui remplissent la maison pour les vacances de Pâques. Je ne fus certes pas déçue !

    (à suivre)

     

     

     


  • Printemps à Tougin

    Paris-Tougin, le 16 avril 2018

    Grève intermittente de la SNCF. Foutoir. Par chance, notre TGV n’a pas été annulé et nous voilà à Tougin, au calme et au soleil.

    Tom lit Harry Potter, Gilles remet en route la maison et la voiture, moi, l’ordinateur qui me conduit vers vous..

    Cet après-midi, nous irons dire un petit bonjour au Léman de votre part.

     


  • Touristes à Paris.

    Les touristes dans Paris se reconnaissent de loin. A leur comportement hésitant, flâneur ou encore programmé. On les voit arriver avec d’énormes valises, puis déambuler dans les quartiers historiques, vêtus de jeans et de tee shirts avachis.

    Dans l’ensemble, la cohabitation ne pose pas trop de problème. Pourquoi ne pas partager avec des gens venus du bout du monde cette ville où nous aimons tant vivre ? Ils nous offrent parfois de curieux  spectacles comme ces Mexicaines paradant à midi sur le Pont Saint Michel ou encore ces enfants nichés sur la grosse tête de Saint eustache.

    Mais il est désolant de les voir accumuler les selfies, tourner le dos à La Joconde, à Notre-Dame réduites à des faire-valoir de leurs petites personnes. Le passage des siècles pulvérisé par la perche à selfie. Espérons qu’au retour, Paris saura trouver une place dans leur cerveau mis en compote par la frénésie des tours opérateurs.

     


  • Les Dionysies, mars 2018

     

    Semaine des Dionysies. Spéciale Eschyle.

    J’étais trop fatiguée pour aller voir le Prométhée enchaîné. Je dois dire que je ne le regrettais pas vraiment, ayant le souvenir d’une pièce bavarde et statique. Le malheureux Prométhée ne bouge pas durant plus de deux heures, puni et enchaîné qu’il est pour avoir volé le feu aux Dieux et l’avoir livré aux hommes. Il est vrai que ces derniers n’en ont pas toujours fait un bon usage et que de nombreuses guerres en ont résulté. On m’a dit que la représentation fut un succès.

    Les Suppliantes furent moins bien accueillies. Le chœur n’était pas au point, rouage essentiel puisque c’est la parole des Égyptiennes qui supplient la ville d’Argos de leur accorder l’hospitalité, ancêtres des actuels demandeurs d’asile. Ayant pu assister à la table ronde de la BNF, j’ai appris que ces pauvres femmes menacées du pire dans leur pays n’étaient peut-être pas celles qu’elles prétendaient. Elles auraient accumulé roublardises et mensonges pour finalement contribuer à la chute d’Argos. Question d’interprétation ? Avec les Grecs anciens (et peur-être modernes) rien n’est jamais simple.

    Nous avons participé à la lecture du Café homérique du chant 22 de l’Odyssée. C’est l’histoire d’Ulysse et de ses compagnons aux prises avec les monstres Charybde et Scylla. Histoire horrifique et très amusante à déclamer. À la fin, le public fut convié à se joindre à nous. Ils ne laissèrent pas leur part aux chiens…

    Puis j’ai vu Les Perses pour la quatrième fois. La défaite mémorable des Perses dans leur tentative d’envahir la Grèce. Eschyle se fait un malin plaisir de louanger les vaincus pour mieux honorer les vainqueurs. Comment ne pas aimer la litanie des noms des guerriers, puis des morts qui ne reviendront jamais ?

    Le chœur :

    Où sont tes amis si nombreux d’autrefois ? où sont ceux qui combattaient à tes côtés, oui, Pharandacès, Susas, Pélagon, Datâmes, Agdabatès, Psammis, et ce Susicanès qui, pour te suivre, avait quitté Ecbatane ?

    Xerxès:

    Ils ont péri…


  • Hôpital Saint Louis, février 2018

     

    Visites à l’hôpital Saint-Louis sous la pluie, sous la neige, puis R.V. pour intervention. Deux heures d’attente pour enregistrement.

    Encore quatre heures d’attente le matin même, parce que le chirurgien opérait une urgence.

    Enfin mon front est entaillé et je ressors complètement groggy. Je reviens huit jours plus tard. Encore de l’attente. Je dois retourner vendredi prochain. Je m’attends à attendre… La vie est une longue patience !

    Je n’ignore plus rien du dernier interview sur le Point de Bernard Tapie, des bobos des uns et des autres, du danger de se mettre au soleil, de se faire tatouer, des conséquences désastreuses de certains piercings, des casseroles d’eau bouillante et des retours de flammes de barbecues…


  • Trappes. L’Opéra des enfants (suite et fin)

    Naturellement, je me suis sentie concernée lorsque deux journalistes du journal Le Monde publièrent à l’automne un livre sur la ville de Trappes. Mon frère Hervé habite l’agglomération de Saint-Quentin en Yvelines depuis une quarantaine d’années. Son épouse est également impliquée dans des associations locales. Ils me prêtèrent le livre que j’ai lu d’une traite et je n’y ai pas trouvé trace de l’Opéra des enfants.

    Écriture journalistique, phrases courtes, un art du suspense à travers le récit historique d’un village de grande banlieue devenu au fil des années une ville-dortoir pour émigrés. Un livre destiné à retenir l’attention, avec des images-chocs de voitures brûlées et des célébrités plus ou moins sulfureuses, Anelka, Djamel Debbouze, Omar Sy… Les auteures ont interviewé des responsables politiques, des commerçants, des personnages hauts en couleur. Chiffres et pourcentages à foison portent sur un a priori : Trappes serait devenue un repaire d’islamistes radicalisés, une couveuse à terroristes, l’équivalent de la ville belge de Molenbeek.

    Réalité ou cliché ? Il faut éviter de se voiler la face, la violence peut se développer sous des apparences pacifiques. Mais beaucoup de conditionnels peu argumentés et surtout une absence de regard sur le quotidien des familles présentes dans la salle du théâtre de Saint Quentin m’ont paru étranges. La joie sans artifices qui jaillit de ces opéras ne peut pas mentir. Les évoquer aurait fait preuve de la part des auteures d’une salutaire résistance vis-à-vis des fondamentalistes musulmans, ennemis de toute musique, plutôt que de passer sous silence ces spectacles fédérateurs d’une joyeuse et savoureuse diversité

    Fin.

    Illustration : Mairie de Trappes.


  • Trappes. L’Opéra des enfants (suite)

    L’Opéra des enfants se déroule depuis dix ans avec une bonne humeur qui ferait oublier le travail précédant la représentation. Dès la rentrée scolaire, la partition est distribuée dans les écoles primaires des communes de Saint Quentin en Yvelines dont fait partie la ville de Trappes. Durant de longs mois, les professeurs de musique veillent à ce que le texte soit assimilé, que les notes soient justes, que le rythme devienne précis et dynamique et ce n’est pas une mince affaire. Le chef de l’orchestre vient régulièrement en vérifier la qualité. On dit que dans les cours d’école, dans les squares, depuis les fenêtres des appartements on entend chanter la Flûte enchantée, Carmen ou d’autres grands airs suivant les années. À l’approche de la représentation, les élèves sont transportés en cars jusqu’au théâtre pour les répétitions. Imaginez des centaines d’enfants de sept à douze ans à gérer. Il y faut de la fermeté et de l’autorité.

    Imaginez également le travail de l’orchestre, un orchestre de jeunes auquel on demande plus de rigueur que d’habitude, sachant que le spectacle repose beaucoup sur lui.

    Et la manécanterie au travail sur le livret depuis six mois, menée par une chef de chœur au dynamisme exceptionnel. Et les solistes prestigieux, qui se donnent avec enthousiasme. Sans compter les décors, les costumes, les lumières et le travail des bénévoles pour l’organisation et la billetterie des deux représentations. Un service d’ordre dans la salle qui remet gentiment et fermement à leur place les frères et sœurs agités. Et j’en passe…

    (à suivre)