• Rencontres

    Alternance de chaleur et de fraîcheur, à croire que le climat penche vers les extrêmes.

    Le 15 août ne laisse pas le temps comme il l’a pris. On verra ! Le conservateur de la maison de Le Corbusier à Vevey nous a dit que la carte des vents du Léman est désormais obsolète, leur direction est en train de changer… Oh,  Bise, Joran et Vaudaire, et tant d’autres zéphyrs du soir et du matin, immuables de mémoire d’hommes ! Notre monde vacille.

    Plaisir des rencontres. Nous avons reçu Pierre, Nicolle et Marie, nos amis chablaisiens, venus par le bateau depuis Yvoire. Ils ont apprécié la tranquillité du petit jardin. Comme nous sommes tous également parisiens, nous avons évoqué la circulation et les travaux de la rue de Rivoli, la rénovation de Notre-Dame, les bus qui ne traversent plus la Seine. À Paris, naturellement, nous sommes intarissables sur le Léman…

    Nous avons dégusté des filets de perches (d’Irlande !) à Tougues (France) avec des amis suisses. Autres conversations : la régate du Bol d’or, la fortune des émirs, mais aussi les travaux dans Genève. Il faut dire que nous avions mis une heure à traverser la ville. Les quais étaient bloqués par un triathlon, rues adjacentes impraticables, pas de panneaux de déviation. Nous avons fini par faire comme tout le monde, par prendre les sens interdits et nous sommes arrivés avec une demi-heure de retard à notre rendez-vous. Bien peu helvétique !

    Nous avons poussé jusqu’à Nernier, mis en émoi par une régate des vieux gréements. Trop de soleil dans la figure, nous avons reflué vers le parking. Pneu crevé ! Deux hommes se sont proposés pour nous aider. Coups de pieds dans le vilebrequin, cric placé et levé en un tour de main. Leur dynamisme faisait plaisir à voir et les femmes, fières de leurs époux semblaient ravies de l’aventure. « C’est mieux que de faire la guerre ! » dit l’un d’eux avec flegme. Ils venaient de la Vienne, au centre de la France, une des régions riches en gilets jaunes.

    Retour et retraversée de Genève. Plus d’une demi-heure pour traverser le pont de la Coulouvrenière ! Maîtriserai-je enfin ce nom aussi charmant que mystérieux ?


  • La Villa « Le Lac ». Vevey.

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    La fraîcheur est revenue, le désir de bouger avec. Pendant que Gilles jouait les Grenouilles à Argenton-sur-Creuse, Gilbert et Virginie ont passé quelques jours à Tougin, Gilbert Querré est architecte. Il fabrique en particulier des écoles de musique dans l’ouest de la France. Vous ne trouverez personne au monde de plus intarissable sur son métier. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés sur l’autoroute de Genève-Lausanne en direction de Vevey pour aller visiter une maison construite par Le Cobusier pour sa mère en 1923 sur un petit bout de terrain entre le lac, la route et la voie ferrée.

    Une merveille d’ingéniosité et de fonctionnalité ! Une toute petite maison de 64 m2. 16 m de longueur, 4 m de large. Un seul niveau avec toit-terrasse. Tout y est pensé pour vivre à deux, au plus juste par manque d’argent et tout, à sa façon, y est grandiose. La présence de l’eau et des montagnes, 11 m de fenêtres sur le lac, le jardin exposé en fonction des vents et des saisons, les éléments sont pliables, les portes coulissantes, le bonheur d’une baignoire devant le lac, cuisine et buanderie, chauffage en tuyauterie apparente. J’ai eu l’honneur d’utiliser les toilettes. Le petit bidon d’eau très en hauteur a rempli son office dans un bruit de cataracte.

    Une jeune fille nous a offert une tisane de la verveine du jardin sous l’auvent, pendant qu’une autre chargée des publications du musée discutait avec Gilbert qui en connaissait naturellement les plus petits détails. Le conservateur est venu à son tour s’asseoir à la table pour nous raconter les aléas de la maison depuis la mort de madame Jeanneret, la mère du « Corbu », en 1971, comment une association s’est formée pour la sauver et la mettre à la disposition du public avec l’aide de bénévoles. L’un et l’autre prodigues d’anecdotes savoureuses. Ce bijou est visité par les architectes du monde entier, surtout des Japonais. Et nous devisions protégés de la route par un grand mur, comme épargnés par l’agitation du monde, dans une familiarité avec Le Corbusier, comme s’il était avec nous.


  • Encore une semaine de canicule, cette fois-ci à Tougin.

    39 degrés, moins que les 44 degrés les mêmes jours à Paris, mais tout de même…

    Vie au ralenti. On se calfeutre pour préserver la fraîcheur de la nuit. On regarde trente fois par jour le thermomètre extérieur, intérieur. Le monde extérieur disparaît. Seul salut, la chambre du bas au fond de la maison, un peu enterrée dans ses gros murs percés d’une petite fenêtre. Siestes, lectures et mots croisés à la délicieuse température de 24 degrés. Mais les heures s’écoulent. Dilapidées ou riches d’un arrêt profitable ? Difficile à dire.

    Et lorsque soudain, après quelques orages la température baisse de plus de 20 degrés, elle nous laisse stupéfaits. On retrouve les voisins et le courage de téléphoner, de prendre des nouvelles de nos proches, comme après un mini cataclysme. On philosophe sur le changement climatique et l’annonce d’épisodes caniculaires de plus en plus fréquents, de plus en plus chauds. On respire, mais pour combien de temps ? Il paraît qu’on va s’adapter. Et moi qui apprécie tant notre climat tempéré !

    De quoi perdre ses repères ! Les sapins sur les pentes du Jura sont en train de mourir, remplacés par des hêtres. De là à ce que le Jura se couvre de pins parasols…


  • La Vie touginoise

    Le bruit des mouches a remplacé celui des rues de Paris. Tudieu, qu’elles sont collantes cette année ! Elles me chatouillent le cou, les bras, tournent autour de l’ordinateur. Mais aujourd’hui dimanche, tout est calme,

    Les travaux de l’impasse ont remplacé ceux qui sévissaient à Paris devant mon atelier et dans l’immeuble. On pourrait penser que refaire les adductions d’eau, ajouter un rond-point inutile, regoudronner les routes est une spécialité française, si la Suisse et en particulier le canton de Genève n’offrait pas depuis plusieurs années un chantier plus permanent et plus impressionnant encore. Trajectoires bouchées, déviations, aller d’un point à un autre tient du jeu de piste et dès la nuit tombée, l’autoroute s’apparente à un labyrinthe.

    Mais tout ceci ne nous empêche de mener une vie touginoise, agréable, tranquille et studieuse. Baignade au saut du lit, jardinage, courses, travail, déjeuner, café, sieste, travail, promenades, dîner à la fraîche et scrabble, quelques amis, sans parler des lectures tranquilles dans une maison que ses vieux murs gardent à une température raisonnable. Ça fait bizarre après l’agitation parisienne, le métro, les rues encombrées, les touristes plus collants que les mouches !

    Ah, prendre le temps de songer à l’existence en regardant fleurir et se faner les roses, en méditant sur le sort des escargots durant la sécheresse, celui du merle qui nous tourne autour ! Les merluchons se sont-ils déjà envolés du nid dans la haie ?


  • Comédie musicale à Nogent sur Marne.

    Tom est âgé de dix ans, ses parents travaillent tous les deux, il va donc au centre de loisirs à Nogent-sur-Marne. Non seulement il ne s’en plaint pas, mais après quelques jours de vacances, il manifeste régulièrement le désir d’y retourner.

    Il nous parlait depuis longtemps de la comédie musicale préparée pour la fin de l’année. Il mimait des animaux, dansait sur des rythmes étranges et chantait des mélopées bizarres. Seuls les parents et les grands-parents étaient conviés à la représentation, nous avions de longue date réservé le dernier vendredi de l’année scolaire,

    Ce fut une réussite ! Dans une vaste salle polyvalente datant des années 30, pourvue d’une grande scène surélevée, nous avons assisté à la plus jolie des comédies musicales jouées par des enfants. Les masques étaient superbes, les costumes dignes des grands spectacles, la musique imaginative, les chœurs chantaient juste et les danseuses en rythme s’en donnaient à cœur joie. En fond de scène, des gazelles courraient dans la savane sur laquelle brillaient le soleil, la lune et les étoiles. Une quarantaine d’enfants participait à l’aventure. Spectacle foisonnant sans temps mort.

    En fait, le metteur en scène était un professionnel qui gagnait sa vie comme animateur (sur la photo, derrière Tom). Tout avait été fabriqué avec les moyens du bord : les masques en carton, des chapeaux surmontés de grandes têtes d’animaux, lions, girafes, singes, phacochères, éléphants, les costumes à partir de vêtements bariolés trouvés dans les renfiles. Les paroles préenregistrées par les enfants permettaient un montage astucieux et une rare aisance gestuelle. Le play-back était parfaitement synchronisé. On se doutait pourtant que le centre de loisirs n’avait pas pu s’offrir de micros portables. Deux spots fixes et colorés sous lesquels les acteurs passaient aux moments adéquats éclairaient l’action avec astuce.

    Et les enfants… ? Heureux ! À la fin, le metteur en scène les présenta un par un au public avec modestie et simplicité. Ils avaient passé huit mois à préparer ce spectacle. Chacun avait choisi son rôle. Vous dire le plaisir ressenti par tous, y compris les maîtresses d’école qui avaient collaboré tient de la gageure. Il s’y mêlait bonheur et fierté. Qu’on ne vienne pas nous dire que tout était mieux autrefois et que les enfants d’aujourd’hui laissés à eux-mêmes sont devenus stupides. En tout cas pas au centre de loisirs du Val de beauté !


  • Le restaurant de la Tour Eiffel (suite)

    Après avoir eu tout le loisir d’observer l’impressionnante ossature du pilier nord-ouest, nous avons fini par entrer dans la cabine de l’antique ascenseur.

    Au premier étage, nous avons aussitôt été dirigés vers notre table. Surprise ! C’était la meilleure place, devant les vitres, côté Seine, dans l’alignement du pont d’Iéna. Un serveur s’est présenté. « Je m’appelle Nicolas, et je suis là pour vous rendre cette soirée la plus agréable possible ». Il nous fit l’historique des lieux qui allaient fermer en septembre et évoqua le Jules Verne, le restaurant étoilé du troisième étage qui allait rouvrir bientôt. Ses yeux brillaient de fierté.

    La salle était climatisée. Après une coupe de champagne, nous avons pu savourer un menu concocté par un grand chef, tout en observant Paris. La chaleur avait un peu clairsemé la foule habituelle, et la Seine coulait indifférente aux bateaux-mouches et aux petites vedettes qui la parcouraient dans des gerbes d’écume. Au dessert, le soleil qui descendait sur le mont Valérien nous atteignit et nous sommes sortis sur la plate-forme. Un souffle d’air nous permit d’admirer sans transpirer la vue sur 360°. Nous étions tranquillement assis dans un fauteuil lorsqu’un groupe de quatre africains (ou afro américains) est arrivé. Taille moyenne : 2 m pour les hommes, 1,80 m pour les femmes, poids moyen : 150 kg pour les hommes, 100 kg pour les femmes. On ne peut pas vraiment dire qu’ils étaient gros, ils étaient énormes. Sur leur trente-et-un, vêtus de blanc, d’un blanc étincelant sur leur peau sombre. Des panamas blancs, des chaussures blanches, de l’or en bracelets, en colliers, en bagues. Ils se photographiaient les uns les autres avec des démonstrations enthousiastes. Ils se regroupèrent pour un selfie. Mais de toute évidence, ils débordaient du cadre. Je me suis levée pour leur proposer une aide qu’ils acceptèrent avec un étonnement qui m’étonna. Plutôt que le « cheese » habituel qui fait grimacer, je les fis rire et m’écriais « one, two, three… ». La photo fut plus que réussie. Ils furent ravis. Le sujet ne manquait pas d’intérêt !

    Nous sommes redescendus en espérant prendre le 72, mais une fois traversé le pont d’Iéna au milieu d’une foule bigarrée dont un couvent de religieuses indiennes en costume de Mère Thérésa, l’autobus annonçait un retard de près d’une heure. Nous nous sommes dirigés le long du quai vers le métro de l’Alma, impatients de rentrer nous reposer et de nous rafraîchir à l’écart de la foule.

    Ces temps-ci, Paris est envahi par une nuée de touristes, pas toujours des plus discrets. Nous avions été contraints par les dates, mais malgré cela et contre toute attente, nous avions pu profiter agréablement de cette soirée anniversaire sur la Tour Eiffel.


  • Au restaurant de la Tour Eiffel. Le 29 juin

    Canicule. Nous avions rendez-vous au pied de la Tour Eiffel pour fêter au restaurant, avec un an de retard, nos cinquante ans de mariage. Cinquante  ans, comment est-ce possible ? Je ne pensais pas vivre jusque là, et encore moins résister à cette terrible institution !

    Réservation six mois à l’avance. Quoique fréquente à cette époque nous ne pouvions pas prévoir cette chaleur exceptionnelle ; nous n’avions pas eu le choix, le restaurant va fermer pour rénovation fin août et nous devions partir début juillet.

    Gilles, autobus bloqué par la Gay Pride est venu en vélib, et je me suis contentée de traverser le Champ de Mars à pied. Contentée ? Par 36° à l’ombre, l’expédition tenait de l’exploit. J’ai louvoyé sous les ombrages, levé des nuages de poussière, contourné des groupes de touristes avachis sur les pelouses desséchées. À l’approche, des nuées d’Africains, grappes de tours Eiffel dans chaque main, se précipitaient et faisaient le siège de tout ce qui bougeait encore. Une pauvre femme se débattait au milieu d’une dizaine de grands gars qui hurlaient à qui mieux mieux. J’ai failli aller la libérer, puis j’ai pensé que cela ne me regardait pas. Surtout, j’ai vu en Égypte les passagères de notre bateau prendre trop de plaisir à ce genre de situation. J’ai fini par apercevoir Gilles au pied du pilier sud-est, comme convenu. En fait nous devions suivre la file commune à tous les visiteurs ; ce fut long dans la chaleur un peu atténuée par des brumisateurs.

    Le passage des premiers sas de sécurité ne fut pas de tout repos. Les employés retenaient une amie en boubou, faisant mine de ne pas la reconnaître, pour ensuite l’embrasser avec moult exclamations une fois passé le contrôle. Pas d’exception !

    (à suivre)


  • Coupe du monde féminine de foot.

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    Étrange de les voir galoper sur la pelouse dans des stades bondés ! Il faut s’y faire. Par tradition, la vision de la femme est statique, alanguie sur un divan, ou assise au chevet des malades. Aujourd’hui de plus en plus active à tous les niveaux, elle occupe des postes importants, de moins en moins soumise aux dictats masculins. Mais on n’avait  pas vu venir les footballeuses !

    Il y a bien des années, quand Michael, le fils de nos amis Sally et Roger de San Francisco, a épousé une pratiquante de soccer, on nous a fait comprendre qu’il s’agissait de l’élite. Je la devinais mince et forte, musclée et dynamique. Elles arrivent aujourd’hui sur les écrans de nos salons toutes aussi belles et décidées les unes que les autres. Elles nous réjouissent l’âme avec un je-ne-sais-quoi de féminité épanouie.

    Le match d’hier France-Brésil fut un peu laborieux, mais on a gagné ! Je ne pouvais m’empêcher d’encourager les Bleues avec des mots dans le genre : « Va-z-y ma cocotte ! » ou «  Bravo, les minettes ! », tout en me reprochant ce vocabulaire débile. Aurais-je lancé aux footballeurs : « Va-z-y mon coco ! «  ou « Bravo, mon minet ! » ? En fait, peut-être que oui !

    Gilles me dit qu’elles sont encore à l’abri des puissances de l’argent, qu’il faut attendre pour voir comment elles résisteront…


  • Dans le métro, le 15 juin 2019.

     

    Paris, un samedi ordinaire. Le matin, deux étranges conférences sur les correspondances de Madeleine Follain, la fille du peintre nabi Maurice Denis, d’une part avec son mari, le poète Jean Follain, d’autre part avec le poète rescapé du génocide arménien, Armen Lubin. Par volonté féministe, elle ne vivait pas avec son mari, et n’a guère rencontré cet ami contraint de supporter une existence horrible dans un sanatorium horrible, crucifié par une tuberculose osseuse de la colonne vertébrale. Elle entretenait avec eux des lettres pleines de vie, d’anecdotes savoureuses dont il ne reste que celles qui lui étaient adressées. Ange gardien dirait l’un, bonne poire dirait l’autre, elle tirait son plaisir de cette très riche correspondance.

    Après un déjeuner rapide, mais passionnant avec des participants à la conférence, je me suis rendue à l’atelier par le tram du boulevard extérieur. Il a le mérite de rouler à l’air libre sur une pelouse entre les arbres.

    Le soir, je suis rentrée par le métro en pestant contre la foule qui s’y pressait. Comme si la RATP ne pouvait pas faire l’effort de mieux accueillir la masse de banlieusards et de touristes du samedi ! À la station Richelieu-Drouot, il se fit un remue ménage et la rame ne redémarra pas. J’entendis des voix « Pickpockets ! Regardez dans vos sacs, dans vos poches ! » Au début les étrangers ne comprenaient pas, mais entendant répéter le mot et voyant les gestes autour d’eux, ils ouvrirent fébrilement leurs sacs à dos, opération malaisée dans cet espace bondé. Les coudes s’entrechoquaient, la situation s’éternisait. Je décidai de m’éclipser et je me glissai comme je pouvais vers la porte avec l’étrange impression de fuir comme une voleuse.

    Les issues du quai étaient bloquées et des policières en civil fouillaient deux jeunes filles. Ces pickpockets sont facilement repérables, longs cheveux bruns, faux air bourgeois, on les voit en groupe écumer le métro à longueur de journée. Assez arrogantes lorsqu’elles ne « travaillent » pas, elles crient fort, s’étalent sur les sièges comme si elles étaient seules au monde. Mais ce jour-là, j’ai eu la surprise de leur voir un tout autre visage. Une policière disait gentiment, mais fermement  à l’une d’elles :

    — Tu as essayé ? N’est-ce pas que tu as essayé ?

    On pourrait donner dix-huit ans à ces filles délurées, mais devant la jeune policière, queue de cheval blonde, jean élégant, la voleuse se métamorphosa en une petite fille d’une douzaine d’années, au visage candide et embêté, un peu comme une pensionnaire coincée loin de chez elle en mauvaise posture. Elle ne semblait pas avoir peur, probablement consciente de ne rien risquer. Mais curieusement, je ne pus m’empêcher de penser qu’elle sollicitait la protection, et surtout l’amitié, de la belle policière. Elle répondit par un hochement de tête, un « oui », décidé et grave qui me laissa perplexe, comme si elle voulait impérativement lui faire savoir qu’il ne dépendait pas d’elle de se trouver du côté des voleurs.

    Descendus sur le quai, des Chinois regardaient la scène avec stupéfaction. Le métro n’était pas encore reparti lorsque j’ai pu monter les escaliers vers la sortie.


  • Côte d’Or en famille. Suite et fin

     

    En fait, aujourd’hui, de retour à Tougin, puis à Paris, j’éprouve quelques difficultés à me souvenir dans le détail de ces quelques jours à Magny-Lambert. Mais je peux vous assurer que mes craintes se sont avérées injustifiées.

    La maison était véritablement magnifique. Un très grand salon, chaleureux, avec cheminée et flambée de bois, une très grande cuisine moderne où Julien nous mitonna avec les enfants de succulents repas, crêpes fourrées, gratin, quatre quarts aux poires, gâteau au chocolat, etc., de quoi prendre quelques kilos. Nous avons savouré nos petits déjeuners à l’intérieur sur la grande table de bois verni et les dîners sur la terrasse devant une colline ensoleillée et paisible. Un ou deux tracteurs, une ou deux voitures par jour. Le ballet tranquille des vaches qui trottinaient d’elles même vers la trayeuse. J’ai tout juste aperçu un fermier qui se rendait à la minuscule mairie submergée par les trente-six panneaux d’affichage de la campagne des Européennes. Les enfants ont sauté indéfiniment sur la trampoline tout en discutant. Que pouvaient-ils donc se raconter,.. leurs histoires d’école ?

     

     

    Nous avons roulé vers le site d’Alésia (30 km tout de même !), réaménagé depuis notre dernier passage. Nous avons laissé les enfants et petits-enfants visiter le musée et la reconstitution du camp gaulois. Passionnant, nous ont-ils dit.

     

     

     

    Nous sommes allés le lendemain visiter l’abbaye de Fontenay, lieu cistercien, remis en état et superbement entretenu par des cousins des Montgolfier, amis de nos enfants, ce qui les a laissés muets. On a vu l’église, la beauté dépouillée de ses piliers et de ses voûtes, le dortoir où, au Moyen-Age, les moines dormaient au sol tout habillés sur une paillasse et dont le manque d’hygiène était une ascèse… Dans la vaste forge, ils ont pu observer un énorme marteau actionné par une grande roue de bois entraînée par un mince filet d’eau. Le gravier du cloître et des jardins étincelaient de blancheur dans le soleil. Les buis étaient impeccablement taillés, il s’en dégageait une sorte de perfection, peut-être un peu anachronique. En tous cas, à passer devant la maison d’habitation des propriétaires, on devinait que la restauration de cette abbaye leur était une heureuse vocation.

     

    Il serait trop long de détailler la visite à Montbard du musée Buffon. Nous avons eu la surprise de découvrir que les familles Buffon et Daubenton étaient amies et que le premier avait attiré le second à Paris. « Lumières » s’il en était, naturalistes, coauteurs de L’Histoire naturelle des animaux et créateurs du Jardin des Plantes à Paris.

     

     

     

     

     

    Sur la route du retour, pas facile de trouver les Sources de la Seine… Le lieu appartient à la Ville de Paris, sorte d’autopromotion de Napoléon III par Haussmann, ce qui expliquait leur présence dans nos manuels scolaires. La grotte artificielle et les statues qui symbolisaient une féminité généreuse et aquatique bien typée de la fin du dix-neuvième siècle n’en étaient pas moins charmantes.

     

    Oui, ce furent quatre jours heureux, savoureux  dans une campagne superbe, mais étrangement déserte. Après avoir traversé le Jura et pris le TGV quelques jours plus tard, nous avons débarqué gare de Lyon sur les rives de cette même Seine, un tantinet abasourdis par le bruit et la foule dont nous avions perdu l’habitude.

    Fin.