• Printemps à Tougin

    Paris-Tougin, le 16 avril 2018

    Grève intermittente de la SNCF. Foutoir. Par chance, notre TGV n’a pas été annulé et nous voilà à Tougin, au calme et au soleil.

    Tom lit Harry Potter, Gilles remet en route la maison et la voiture, moi, l’ordinateur qui me conduit vers vous..

    Cet après-midi, nous irons dire un petit bonjour au Léman de votre part.

     


  • Touristes à Paris.

    Les touristes dans Paris se reconnaissent de loin. A leur comportement hésitant, flâneur ou encore programmé. On les voit arriver avec d’énormes valises, puis déambuler dans les quartiers historiques, vêtus de jeans et de tee shirts avachis.

    Dans l’ensemble, la cohabitation ne pose pas trop de problème. Pourquoi ne pas partager avec des gens venus du bout du monde cette ville où nous aimons tant vivre ? Ils nous offrent parfois de curieux  spectacles comme ces Mexicaines paradant à midi sur le Pont Saint Michel ou encore ces enfants nichés sur la grosse tête de Saint eustache.

    Mais il est désolant de les voir accumuler les selfies, tourner le dos à La Joconde, à Notre-Dame réduites à des faire-valoir de leurs petites personnes. Le passage des siècles pulvérisé par la perche à selfie. Espérons qu’au retour, Paris saura trouver une place dans leur cerveau mis en compote par la frénésie des tours opérateurs.

     


  • Les Dionysies, mars 2018

     

    Semaine des Dionysies. Spéciale Eschyle.

    J’étais trop fatiguée pour aller voir le Prométhée enchaîné. Je dois dire que je ne le regrettais pas vraiment, ayant le souvenir d’une pièce bavarde et statique. Le malheureux Prométhée ne bouge pas durant plus de deux heures, puni et enchaîné qu’il est pour avoir volé le feu aux Dieux et l’avoir livré aux hommes. Il est vrai que ces derniers n’en ont pas toujours fait un bon usage et que de nombreuses guerres en ont résulté. On m’a dit que la représentation fut un succès.

    Les Suppliantes furent moins bien accueillies. Le chœur n’était pas au point, rouage essentiel puisque c’est la parole des Égyptiennes qui supplient la ville d’Argos de leur accorder l’hospitalité, ancêtres des actuels demandeurs d’asile. Ayant pu assister à la table ronde de la BNF, j’ai appris que ces pauvres femmes menacées du pire dans leur pays n’étaient peut-être pas celles qu’elles prétendaient. Elles auraient accumulé roublardises et mensonges pour finalement contribuer à la chute d’Argos. Question d’interprétation ? Avec les Grecs anciens (et peur-être modernes) rien n’est jamais simple.

    Nous avons participé à la lecture du Café homérique du chant 22 de l’Odyssée. C’est l’histoire d’Ulysse et de ses compagnons aux prises avec les monstres Charybde et Scylla. Histoire horrifique et très amusante à déclamer. À la fin, le public fut convié à se joindre à nous. Ils ne laissèrent pas leur part aux chiens…

    Puis j’ai vu Les Perses pour la quatrième fois. La défaite mémorable des Perses dans leur tentative d’envahir la Grèce. Eschyle se fait un malin plaisir de louanger les vaincus pour mieux honorer les vainqueurs. Comment ne pas aimer la litanie des noms des guerriers, puis des morts qui ne reviendront jamais ?

    Le chœur :

    Où sont tes amis si nombreux d’autrefois ? où sont ceux qui combattaient à tes côtés, oui, Pharandacès, Susas, Pélagon, Datâmes, Agdabatès, Psammis, et ce Susicanès qui, pour te suivre, avait quitté Ecbatane ?

    Xerxès:

    Ils ont péri…


  • Hôpital Saint Louis, février 2018

     

    Visites à l’hôpital Saint-Louis sous la pluie, sous la neige, puis R.V. pour intervention. Deux heures d’attente pour enregistrement.

    Encore quatre heures d’attente le matin même, parce que le chirurgien opérait une urgence.

    Enfin mon front est entaillé et je ressors complètement groggy. Je reviens huit jours plus tard. Encore de l’attente. Je dois retourner vendredi prochain. Je m’attends à attendre… La vie est une longue patience !

    Je n’ignore plus rien du dernier interview sur le Point de Bernard Tapie, des bobos des uns et des autres, du danger de se mettre au soleil, de se faire tatouer, des conséquences désastreuses de certains piercings, des casseroles d’eau bouillante et des retours de flammes de barbecues…


  • Trappes. L’Opéra des enfants (suite et fin)

    Naturellement, je me suis sentie concernée lorsque deux journalistes du journal Le Monde publièrent à l’automne un livre sur la ville de Trappes. Mon frère Hervé habite l’agglomération de Saint-Quentin en Yvelines depuis une quarantaine d’années. Son épouse est également impliquée dans des associations locales. Ils me prêtèrent le livre que j’ai lu d’une traite et je n’y ai pas trouvé trace de l’Opéra des enfants.

    Écriture journalistique, phrases courtes, un art du suspense à travers le récit historique d’un village de grande banlieue devenu au fil des années une ville-dortoir pour émigrés. Un livre destiné à retenir l’attention, avec des images-chocs de voitures brûlées et des célébrités plus ou moins sulfureuses, Anelka, Djamel Debbouze, Omar Sy… Les auteures ont interviewé des responsables politiques, des commerçants, des personnages hauts en couleur. Chiffres et pourcentages à foison portent sur un a priori : Trappes serait devenue un repaire d’islamistes radicalisés, une couveuse à terroristes, l’équivalent de la ville belge de Molenbeek.

    Réalité ou cliché ? Il faut éviter de se voiler la face, la violence peut se développer sous des apparences pacifiques. Mais beaucoup de conditionnels peu argumentés et surtout une absence de regard sur le quotidien des familles présentes dans la salle du théâtre de Saint Quentin m’ont paru étranges. La joie sans artifices qui jaillit de ces opéras ne peut pas mentir. Les évoquer aurait fait preuve de la part des auteures d’une salutaire résistance vis-à-vis des fondamentalistes musulmans, ennemis de toute musique, plutôt que de passer sous silence ces spectacles fédérateurs d’une joyeuse et savoureuse diversité

    Fin.

    Illustration : Mairie de Trappes.


  • Trappes. L’Opéra des enfants (suite)

    L’Opéra des enfants se déroule depuis dix ans avec une bonne humeur qui ferait oublier le travail précédant la représentation. Dès la rentrée scolaire, la partition est distribuée dans les écoles primaires des communes de Saint Quentin en Yvelines dont fait partie la ville de Trappes. Durant de longs mois, les professeurs de musique veillent à ce que le texte soit assimilé, que les notes soient justes, que le rythme devienne précis et dynamique et ce n’est pas une mince affaire. Le chef de l’orchestre vient régulièrement en vérifier la qualité. On dit que dans les cours d’école, dans les squares, depuis les fenêtres des appartements on entend chanter la Flûte enchantée, Carmen ou d’autres grands airs suivant les années. À l’approche de la représentation, les élèves sont transportés en cars jusqu’au théâtre pour les répétitions. Imaginez des centaines d’enfants de sept à douze ans à gérer. Il y faut de la fermeté et de l’autorité.

    Imaginez également le travail de l’orchestre, un orchestre de jeunes auquel on demande plus de rigueur que d’habitude, sachant que le spectacle repose beaucoup sur lui.

    Et la manécanterie au travail sur le livret depuis six mois, menée par une chef de chœur au dynamisme exceptionnel. Et les solistes prestigieux, qui se donnent avec enthousiasme. Sans compter les décors, les costumes, les lumières et le travail des bénévoles pour l’organisation et la billetterie des deux représentations. Un service d’ordre dans la salle qui remet gentiment et fermement à leur place les frères et sœurs agités. Et j’en passe…

    (à suivre)


  • Trappes. Opéra des enfants (suite)

    Opéra des enfants 2018

    Le spectacle réunit les écoles des communes de Saint Quentin en Yvelines, un orchestre, des solistes de l’Opéra de Paris ainsi qu’une manécanterie, à l’origine celle de Radio France, aujourd’hui locale après de longues années de formation, un metteur en scène, souvent un assistant parmi les plus fameux d’Europe. Je me souviens tout particulièrement d’Hansel et Gretel, opéra romantique datant de 1893. C’est l’histoire, tirée d’un conte de Grimm, de deux petits enfants abandonnés dans la forêt mourant de faim et luttant victorieusement pour ne pas être mangés par une sorcière qui les avait attirés dans une maison de pain d’épice remplie de friandises.

    À la fin, les quatre cents enfants se sont élancés en farandole dans la salle, montant les escaliers, se glissant dans les coursives, descendant et remontant, frôlant les familles, sérieux, souples, visages en attente. Sans vraiment s’en douter ils transmettaient un message de paix, la volonté de résister à l’adversité par l’intermédiaire de ce conte immémorial et de sa musique. La farandole comptait une cinquantaine de nationalités différentes issues du monde entier. Une sidération avait saisi le public et l’émotion nouait les gorges. Quand les enfants retournèrent à leur place et après que l’orchestre envoya ses derniers accords, il y eut un silence. Quand les applaudissements éclatèrent comme un trop-plein de vie, ils durèrent une bonne dizaine de minutes. On aurait dit que personne ne pouvait se résoudre à les interrompre. Enfin, la salle se vida. Saris, boubous, voiles, robes légères, jeans et costumes s’unirent sur l’esplanade du théâtre de Saint Quentin en Yvelines dans la lumière du soleil.


  • Musique à Trappes

    Opéra des enfants 2018

    Plusieurs fois par an, nous allons écouter des concerts de musique de chambre à l’École de musique et de danse de Trappes. Ils sont organisés par une association dont mon frère Hervé est aujourd’hui président.

    A chaque fois, nous renaclons devant le trajet : métro, quarante minutes de RER, marche à pied depuis la gare de Trappes, autobus lorsqu’il pleut ou qu’il fait trop froid. Une fois partis, nous ne le regrettons jamais. A chaque fois et comme à l’improviste surgit un miracle d’émotion. Il faut dire que ces concerts sont exceptionnels : des musiciens à la renommée internationale, une acoustique et un confort parfaits, une qualité instrumentale digne de la Philharmonie de Paris, avec de surcroît une simplicité d’approche et un naturel à peu près inconnus dans la capitale. Les rencontres organisées par les bénévoles à l’issue des concerts ont même fini par créer des liens amicaux avec les musiciens : Marianne Piketty responsable des programmes, Xavier Phillips, Eric Le Sage et bien d’autres…

    Une fois par an, nous allons écouter le fameux Opéra des enfants monté par la même association au Grand Théâtre de Saint Quentin en Yvelines. Il faut le voir pour le croire… ! 350 enfants et plus, alignés sur le fond de scène, en chemises blanches ou multicolores chantent Hansel et Gretel, Carmen, La Flûte enchantée, des créations écrites spécialement par les plus grands compositeurs actuels, devant les familles un peu inquiètes au début et toujours enthousiastes à la fin. Français de souche, Pakistanais, Africains, Antillais, Asiatiques…, tous sont réunis autour de la musique classique, père, mère, frères et sœurs, bébés, environ un millier de personnes, de cette banlieue dite « difficile » dont les journaux parlent le plus souvent en termes pessimistes.

    (à suivre)


  • Byron et Delacroix à la maison de Balzac (suite)

    paris, fev 18

    Danièle Sarrat aurait dû nous lire sa traduction de La Fiancée d’Abydos, mais elle s’était brisé le genou huit jours auparavant en skiant. Elle fut remplacée par plusieurs lecteurs, dont Gabriel Matznef.

    Il s’avança derrière le bureau avec simplicité, à la différence de Michel Butor que j’avais vu il n’y a pas si longtemps à la même place jouer les personnages importants. Quand ce fut son tour, il lut la traduction en mettant l’accent sur le texte dans le strict respect de l’auteur, exercice difficile en première lecture. Il trébucha sur quelques liaisons sans se troubler. Son long corps appuyé sur sa canne, il transmit sans pathos et presque avec ferveur le texte de Byron.

    Quel étrange personnage ! Écrivain, essayiste et chroniqueur à l’érudition impressionnante, aux mœurs contestées, son esprit sans cesse sur le qui vive assume un  dandysme à la fois éternel et d’un autre âge. J’aime qu’il me baise la main. Élégant, de haute taille, tête plutôt petite, crâne chauve et précieux, sa minceur laisse soupçonner qu’il a passé sa vie à avoir faim. Il est l’auteur d’un petit livre remarquable sur les régimes de famine que s’était imposé Lord Byron, cet autre dandy aux mœurs non moins sulfureuses.

    G.M. m’expliqua qu’il avait glissé dans un escalier à Naples et qu’il était tombé sur l’arrière du crâne. Ses cervicales en avaient été ébranlées. Il n’avait certes rien de cassé mais une fragilité du dos s’en était suivie, justifiant la canne d’ébène et d’argent sur laquelle il s’appuyait, même au repos. Dandy jusqu’au bout des ongles en dépit d’un visage un peu fatigué. « On critique les hôpitaux italiens, mais j’y ai été très bien soigné ! » me dit-il de sa voix un peu lente, séduisante, sans leurs accents ironiques habituels. Peut-être à tort, j’imaginais la scène se déroulant dans l’escalier de marbre d’un palais napolitain.

    J’ai traversé la Seine sur le pont Bir Hakeim. La neige fondue dégoulinait du métro. Sur la petite île allongée qui la coupait en deux comme une épine dorsale, des promeneurs admiraient le spectacle du fleuve glissant sur les berges. J’ai continué jusqu’au carrefour de La Motte-Picquet où j’ai déjeuné d’un sandwich attablée au soleil en regardant défiler les passants qui  marchaient d’un pas guilleret.


  • Delacroix et Byron à la Maison de Balzac.

    bibliothéque Balzac

    Ce samedi, la réunion des Études byroniennes avait lieu à la Maison de Balzac.

    La neige avait un peu fondu, mais les trottoirs restaient glissants. Une quantité de poignets et de jambes cassées encombraient les hôpitaux. C’est avec la plus grande prudence que j’ai franchi les cinq cents mètres qui séparent le Trocadéro de la maison de Balzac. Comment savourer le soleil, les yeux fixés sur ses chaussures? Un soleil bien rare durant ces trois mois de pluie, de brume et de nuage ! Il m’a enfin réchauffé le corps et l’âme, lorsque je me suis arrêtée devant le portail. Comment font les Nordiques pour s’en passer durant la moitié de l’année ?

    Le gardien du musée m’a accueillie avec un sourire. Sous son regard attentif, j’ai descendu l’escalier vers le jardin. Puis dans la maison, j’ai franchi les volées menant deux étages plus bas à la bibliothèque. Descente ö combien émouvante, lorsqu’on sait que l’écrivain aussi travailleur que dépensier l’empruntait pour semer ses créanciers. Honoré de Balzac avait choisi cette maison sur la pente de Chaillot à cause de ses deux issues en haut rue Raynouard, en bas sur une ruelle

    Dans la bibliothèque ensoleillée, la présentation de la conférence avait déjà commencé. Elle fut passionnante. La conférencière, ancienne directrice du musée Delacroix évoquait l’inspiration puisée par Delacroix dans les écrits de Byron. Un régal de références, de précision et d’érudition mises en valeur par une clarté qui nous laissait imaginer que nous étions des familiers des deux génies. Son ouverture et sa modestie autorisaient toutes les questions sans craindre de paraître ignares.

    Il émane de cette salle au plancher couleur d’ambre, aux poutres claires une atmosphère de paix et de travail tout à fait particulière. Tout le monde vous le dira. Le soleil caressait le sol y traçant des fenêtres allongées comme si le jardin cherchait à s’y introduire pour nous annoncer la venue du printemps.

    (à suivre).