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Dominant l’Elbe, la vue sur Dresde était superbe. J’aurais dû apprécier sa courageuse reconstruction, mais je détournais le regard d’une ville qui se remettait tant bien que mal de son saccage par les bombes au phosphore des Alliés à la fin de la guerre. Barres alignées sans charme, places trop étendues et désertes. Quelques palais baroques, en partie restaurés témoignaient tragiquement de son ancienne beauté.
Attablés autour d’un goulasch simple, mais savoureux, la conversation était surtout menée par les huiles de notre groupe. James Pichette attirait le regard, brun de peau, nez courbé, yeux perçants sous des sourcils de jais. Devant l’étonnement des jeunes, il jeta, comme on lance une obole :
– J’ai du sang sioux dans les veines, qui vient de ma grand-mère.
Il blaguait en écoutant ses compagnons évoquer des anecdotes cocasses sur leurs précédents voyages à l’est. À mon retour, j’entendis son nom dans la bouche de plusieurs de mes amis de Réalités Nouvelles, salon d’inspiration abstraite. Ayant commencé à peindre pendant la guerre dans les maquis savoyards, il avait en 47 travaillé sur les décors de Cinecitta avant de rejoindre des groupes de peinture-jazz à New York. Il tranchait sur ses compagnons. Assurance US, associée à cette liberté d’allure particulière aux polyglottes et aux bourlingueurs. Que faisait-il en RDA, à une époque où malgré le triomphe des premiers pas sur la lune, l’Amérique, empêtrée dans la guerre du Vietnam, marquait le pas par rapport à l’URSS de l’ère Brejnev ?
On nous conduisit l’après-midi à l’École des Beaux-Arts de Dresde. On nous fit visiter des ateliers où des étudiants apprenaient à peindre et à sculpter des modèles musclés dans un confort inconnu des Beaux-Arts de Paris. On nous fit l’éloge d’une sélection commencée dès l’âge tendre donnant ses chances aux talents sélectionnés jusque dans le moindre village. Les dortoirs et la cantine proches des ateliers évoquaient un monastère ou un pensionnat militaire. Les professeurs nous accueillaient avec une extrême courtoisie et les élèves penchés en silence sur leur travail nous jetaient des regards furtifs. On m’avait prévenue. La censure y était reine. Dans le but de recueillir quelques confidences, certains d’entre nous s’étaient munis de revues du genre Paris-Match, dont les Allemands de l’Est étaient très friands et qu’ils lisaient clandestinement.
(à suivre)
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Le groupe d’une dizaine de personnes s’est constitué dans l’entrée. Je sus par la suite que la plupart se connaissaient, vieux routiers des relations avec le bloc soviétique : André Fougeron, peintre de la réalité sociale, professeur à l’École des Arts Décoratifs, Guy de Bosschère, un poète et essayiste, spécialiste des relations est-ouest, une journaliste dont je ne me souviens plus le nom, James Pichette…, tous en vue à cette époque. Quelques jeunes manifestaient un scepticisme contrastant avec la superbe de leurs aînés ; nous n’étions pas loin de mai 68. Pour ma part, je planais, incapable de décrypter quoi que ce soit dans cet improbable compagnonnage que je devais à une modeste participation en tant que professeur de dessin aux activités d’une MJC de quartier.
Comment était-ce possible ?
Au petit matin, changement à Karlmarxstaad dans une gare évoquant l’après-guerre de mon enfance : entrepôts délabrés, bâtiments en ciment noirci, peinture écaillée. Cette usure semblait hors du temps, comme stabilisée par un fonctionnement à la fois pragmatique et efficace. Je suis montée accompagnée d’une nuée de travailleurs dans un tortillard en direction de Dresde. Personne dans la voiture ne remarquait ma présence. J’étais pourtant vêtue à la manière occidentale de l’époque, vareuse à gros boutons et pantalon pattes d’éléphant. Fatigue matinale ou volonté de ne rien voir ? Une zone industrielle a défilé devant ma fenêtre, antédiluvienne, la fumée sortait de hautes cheminées noires de suie, les usines en briques désagrégées et ferrailles rouillées fonctionnaient comme par une routine déconnectée du temps.
A la demande de Laure…
Retour sur septembre, la foire de Crête (suite et fin)
Sous une tente abritée du soleil, à deux pas des volailles et des cochons, plusieurs dizaines de paysans, casquettes sur la tête discutaient de leurs productions, des prix, des soucis communs, des bonnes histoires de l’été, avec passion mais sans effusions. Visages longs ou ronds, sérieux ou rieurs, nez et bouches aux formes marquées, corps râblés ou longilignes, droits ou voutés, ils échappaient avec truculence à l’uniformisation citadine.
Nous avons obéi à la tradition qui veut qu’on se disperse pour déambuler dans la foire en toute indépendance. Nous nous sommes donc laissé couler dans le flot. Sous les tentes colorées ou à même le sol sur des tréteaux s’étalaient des objets hétéroclites le plus souvent destinés aux paysans de la montagne. Difficile de deviner l’usage de certains ustensiles, de certaines machines ! Leur point commun ? Une solidité à toute épreuve, pas de chichis, pas de plastique, mais du bois et de l’acier pour les couteaux, de la corde de chanvre, du fer galvanisé haute qualité, tout à l’avenant. Les marchands ne faisaient pas l’article, ils n’en avaient pas besoin. Le produit parlait pour eux. Nous en avons profité pour acquérir deux couteaux de cuisine, les nôtres, vieux de cinquante ans avaient tendance à branler du manche.
Vous voulez acheter une vache ? Il vous la faut de caractère paisible, mamelles volumineuses et abondamment veinées, ses pis ne doivent surtout pas traîner par terre. Ne pas négliger leur forme afin qu’ils soient adaptés à votre machine à traire.
Le vent de côté était favorable à un départ tranquille, sans changement de bord devant la ligne.