mdr-blog-20170103Retour sur septembre, la foire de Crête (suite et fin)
Nous nous sommes tous retrouvés dans le jardin de Marie. Nous étions une vingtaine réunis dans cette cour arborée qui évoque un décor de théâtre à l’italienne, avec sa fontaine et la chanson de l’eau, les balcons successifs qui montent jusqu’au toit, la tour de guet et la véranda fleurie dont les vitrages reflètent les arbres et le ciel. Chacun a sorti de sa besace, qui des beignets de pomme de terre, qui des saucisses, qui de la viande séchée, qui du vin de Savoie, qui des boules de pain au levain. Ce fut un repas convivial où se propagèrent les nouvelles qu’on n’avait pas pu partager au Café des Marronniers. On se retrouvait avec une sérénité qui tenait beaucoup à une complicité savoyarde et à la qualité des saveurs.
Cédant à l’inconnu, nous avions acheté une « tomme crayeuse », enrobée de poudre blanche et plus molle que la tomme classique. Un peu inquiets du fumet qu’elle dégageait,  nous avions prévu les saucisses en rechange. A tort ! Elle eut beaucoup de succès.
Nous nous sommes quittés en prenant rendez-vous pour l’année suivante. Gilles et moi  sommes allés récupérer la voiture dans le jardin de nos amis, lesquels avaient également sacrifié à la tradition et fait leur tour de foire. Nous avons échangé nos impressions et nous leur avons laissé des saucisses de Morzine. Ils en avaient certainement fait ample provision pour l’hiver, mais ils eurent la gentillesse de ne pas sembler le remarquer. Les meilleures choses ayant une fin, il nous a bien fallu rentrer et affronter la traversée de Genève.
La taille imposante de la tomme nous permit d’en rapporter au pied du Jura. Son bouquet s’était encore épanoui dans le coffre de la voiture. Et c’est dans nos petits souliers que le lendemain, invités à l’apéritif chez nos voisins  nous leur en avons offert un morceau conséquent. Avec la même stupéfaction, nous avons vu ces rejetons de paysans s’extasier, l’engloutir en moins de temps qu’il ne faut pour le dire et se pourlécher les babines à grand renfort d’exclamations.
À chacun sa petite madeleine de Proust !
Fin