Nous avons quitté un village tranquille. À Tougin, on se dit des petits bonjours de jardin à jardin. On demande des nouvelles des uns et des autres. On parle de télétravail, de vaccinations, des conséquences du confinement sur les examens des enfants, de la chaleur au début de mars, du froid d’avril, des tomates qui sont en retard. Les pommiers ont abondamment fleuri. Il reste des plaques de neige sur le Jura. On regagne sa maison dans le chant des oiseaux. On désherbe. Le jardin a retrouvé ses allées. Les pivoines et les rosiers sont sur le point d’éclore.
Mais il fallait repartir. Nous avons déposé la voiture au parking, pris le car. Nous sommes montés dans le TGV et…, et nous avons débarqué à Paris !
Comment est-ce possible ? Nous étions partis le lendemain du déconfinement. Nous avions observé un changement, certes, davantage de monde dans les rues, une foule gare de Lyon, mais difficile de deviner ce qui nous attendait au retour.
Où étaient donc tous ces gens durant la pandémie ? Ils garnissent les terrasses de cafés par dizaines de milliers, ils rient, ils boivent, beaucoup de jeunes, mais aussi des familles. Ils déambulent par paquets d’amis, paquets de parenté, de communautés, on dirait qu’ils découvrent la vie. Hier un concert a été organisé à Bercy. Cinq mille participants ! Amassés devant le podium où se produisait le groupe Indochine, sono à crever les tympans, debout pendant deux heures, après avoir fait une heure de queue pour vérification des tests sanitaires. Tous sautaient, levaient les bras en l’air, frénétiques, heureux.
D’où vient que certains ont besoin de s’entasser par milliers pour être heureux, alors que d’autres louent des rbnb dans des îles bretonnes désertes ?
Ni l’un ni l’autre ne me convient. Les foules denses me font peur, je crains toujours un mouvement incontrôlé. À la rigueur, je me trouverais plus en sécurité sur la scène, même avec le risque de se faire siffler, ou de recevoir des projectiles. Quant à la solitude dans une nature magnifique, cela va quelques jours, mais bien vite, je me languis de ne pas pouvoir partager mes émotions, mes aventures.
L’autre jour, je photographiais la foule de la rue Montmartre. Un monsieur d’un certain âge m’ayant vu faire me lança avec bonne humeur : « Bonjour le Covid ! » Je lui ai répondu : « Pour ma part, le confinement me convenait assez bien ! » Il eut un silence de surprise et hocha la tête. « Moi aussi ! » approuva-t-il en riant.
Je sais que des familles entassées dans des appartements, en arrêt de travail dû à la pandémie, ou en télétravail ont beaucoup souffert du confinement, pour ma part ce ne fut pas une trop mauvaise période.
Le métro est de nouveau plein, les embouteillages encombrent les rues, les motos roulent sur les trottoirs, les autobus sont en retard, le bruit de la circulation me casse à nouveau les oreilles, les mégots jonchent les trottoirs devant les bureaux, le jardin des Halles est envahi par une marée de pique-niqueurs abandonnant sur les pelouses des monceaux de barquettes et de bouteilles en plastique.
Dimanche dans le métro, personne ne parlait français. Il faut croire que les touristes n’attendaient que ce moment pour revenir faire leurs selfies en tournant le dos aux monuments.
Le confinement, c’était le bon temps ? Soyons honnêtes, je suis heureuse de voir de nouveau les amoureux se bécoter, les jeunes rire et flirter aux terrasses de café. Je suis heureuse de voir la vie revenir à grands pas. Je suis heureuse d’avoir entendu, samedi dernier, un jeune musicien de rue jouer sur sa guitare un air de Django Reinhart avec une joie, un entrain et un dynamisme dont nous avions perdu l’habitude. D’ailleurs, depuis notre retour, le soleil est de la fête.
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