Je vous avais promis, cher lecteur, chère lectrice, la suite de mes aventures dans l’univers du yoga. Très à la mode en ce moment, si l’on en croit les immenses centres aux portes de Paris et de Lausanne.

Après avoir laissé sur leur tapis les soixante-dix jeunes costauds qui se nouaient et se dénouaient les membres, se pliaient et se dépliaient la colonne vertébrale dans tous les sens, j’avais trouvé sur Internet un cours pour seniors pas trop loin de chez moi. Au téléphone, le chant d’une voix féminine à l’accent américain m’avait encouragée à essayer. Les séances étaient gratuites à partir d’un certain âge, ce qui me parut, allez donc savoir pourquoi, un peu inquiétant.

Je me suis retrouvée dans une petite rue longeant les Arts et Métiers devant une modeste boutique dont la vitre était fissurée. Le réseau étoilé autour de l’impact, accentué par une peinture fluo et des fleurs de lotus, lui donnait, un petit air du San Francisco des années hippies. J’ai poussé la porte de la boutique et d’emblée, je me suis sentie en terrain plus familier que dans l’immense salle de sport municipale et ses rangées d’adeptes disciplinés qui m’avaient évoqué l’armée chinoise enterrée à Xian.

Sur le sol de l’ancienne boutique repeinte à neuf, six à sept personnes d’un certain âge attendaient paisiblement allongées sur le dos le début de la séance. Je fus accueillie chaleureusement par Michelle, laquelle me pria dans un français approximatif d’ôter mes chaussures.

Après avoir déroulé un tapis à mon intention, elle s’assit en face de nous dans la position du lotus et nous invita à respirer « comme pour remplir une jarre jusqu’au col ». L’expression m’amusa. Assis, jambes croisées, mains réunies au niveau du cœur, par trois fois, nous avons expiré un « Oum » de gorge avec l’impression, pour ma part, de me trouver au sommet du Jura et de lancer mon âme vers la plaine, à la façon des Indiens Hoppis d’Arizona.

Et nous avons commencé à peu près les mêmes exercices que dans la salle de sport, mais à un rythme bien différent, agrémentés de respirations lentes, de ballotements de pieds, de mains, de roulements de pupilles, mouvements proposés avec humour par Michelle dans un français imagé qu’elle laissait de côté sans prévenir, au profit des anglophones présents.

J’ai vite compris que l’assistance était polyglotte : un Urugayen travaillant pour Dior depuis des décennies mais incapable de s’exprimer en français, une journaliste franco-espagnole d’origine bolivienne, une Américaine, …une bretonne bretonnante. Au cœur de Paris, je gigotais dans un univers d’autant plus vaste que l’Inde s’y était installée comme chez elle.

Nous entendions les conversations de la rue, l’aspirateur de la voisine, les discussions dans la cour, et j’aimais cela. À la fin de la séance, nous nous sommes allongés en sueur sur notre tapis pour dix minutes de relaxation, immobiles, enveloppés d’une couverture, bercés par de la musique indienne.

Trois derniers « Oum ». Un salut, mains au niveau du cœur. Un sourire de Michelle. Et j’ai décidé de revenir le jeudi suivant. De nouvelles surprises m’attendaient…