La descente sur Vienne était annoncée depuis un bon moment, le Danube d’une couleur bleu saphir se frayait un chemin sinueux entre les collines assombries par le soir. Montagnes ou collines ? En avion, le relief perd de sa réalité même à faible altitude. Devant nous, le large ruban qui brillait au soleil couchant semblait prendre possession de la métropole étalée dans la plaine, agglomération qui me parut un peu incongrue après les centaines de kilomètres de forêts et de clairières survolées, en Lorraine et en Allemagne.

Le temps d’attendre la valise sur le tourniquet, c’est de nuit que nous sommes sortis du métro à l’arrière du Rathaus (le Nouvel hôtel de ville, de style néogothique). De larges avenues désertes, quelques voitures, une lumière insuffisante pour lire le plan nous laissèrent perplexes après le remue-ménage de Paris. Nous nous attendions à des foules, à de la musique, à des cafés. Une jeune fille a surgi d’on ne sait où pour nous indiquer la direction de l’hôtel. Ce premier contact fut à l’image des trois jours qui suivirent : une sorte de nonchalance inventive et efficace de la part de tous.

Notre hôtel, un ancien palais, à l’époque découpé en petits appartements avait abrité Stefan Sweig avant son départ pour Berlin. Aujourd’hui, sa façade, son hall, son escalier majestueux, son intérieur moderne et confortable n’ont plus grand-chose de commun avec le logement du jeune journaliste-écrivain.

Après avoir déposé la valise, nous sommes passés devant le parvis du Rathaus où le cirque Roncalli, un cirque baroque à la hongroise, terminait sa représentation dans une débauche de lumière. Avec des cris de joie et des applaudissements, la foule s’est déversée dans le parc.

Un énorme orgue de barbarie, le beffroi illuminé du Rathaus accompagnaient cette sortie rieuse. J’ai pris des photos, ratées pour je ne sais quelle raison, et c’est bien dommage. Celle-ci est prise  le lendemain au démontage..

À la sortie du parc, de l’autre côté du Ring ce vaste boulevard circulaire que se partagent les tramways, les voitures, les cyclistes, les piétons, et qui longe monuments et palais avec une grâce incompréhensible, un public élégant entrait dans le Burgtheater, le théâtre de la cour.

 

Le café Landtmann nous tendait les bras. En pensant à Freud un habitué des lieux, nous avons commandé un goulasch sur la terrasse. Choix du soir peu judicieux. Après une petite exploration de la vieille vile, de retour à l’hôtel notre sommeil fut agité.

(à suivre)