Séjour à Tougin un peu maussade, à part quelques belles journées.

Déjeuner à la buvette de Versoix au bord d’un lac très calme. Ce n’était pas la quiche du couronnement, mais celle de la ferme d’à côté. Pas mauvaise non plus, plus tranquille certainement !

La qualité de vie des Suisses saute aux yeux. Très peu d’avions au-dessus de la tête. Quelques travailleurs profitaient de la pause de midi sous un soleil un peu voilé. Un rêve !

Et pourtant, lorsque nous ne restons que quelques jours, je m’ennuie un peu. Après avoir savouré le silence des premières nuits, m’être émerveillée du va-et-vient des mésanges dans le nichoir, avoir rencontré nos voisins autour d’un café ou dans la rue, mes activités commencent à me manquer. Je n’ai pas le temps de m’imprégner de la montagne, de préparer un travail à long terme. Heureuse de revoir des amis certes, mais c’est trop rapide pour retisser un lien après six mois d’absence.

Gilles a déraciné autant de pissenlits que possible, coupé l’herbe. J’ai marché le long de l’ancienne voie ferrée. Il restait quelques traces de neige sur le Jura. Nous avons pu faire renouveler nos passeports en dix minutes, prises d’empreintes comprises, alors que les rendez-vous sont à plus de trois mois dans la région parisienne et impossibles à Paris. La souriante et jolie employée de la mairie n’avait pas grand-chose de commun avec le visage fermé des policiers barbus de la préfecture barricadée derrière ses doubles portes au bord de la Seine.

Là-bas tout le monde nous plaint d’habiter Paris. J’évite de leur dire que pour ma part ce n’est pas indispensable. Naturellement quand les touristes sont trop nombreux et par temps de canicule, Tougin me paraît un havre de fraîcheur et de paix et j’adhère sans restriction au programme électoral de Pierre Dac qui proposait de déplacer Paris à la campagne.

En fait, son vœu commence à se réaliser, puisque Paris se vide de plus en plus de ses habitants, lesquels s’installent dans les petites villes de province y faisant monter les prix de l’immobilier à une vitesse vertigineuse. L’épidémie de Covid et le confinement ont donné aux jeunes le goût du télétravail et du jardinage. On peut se demander d’ailleurs pourquoi ils n’y ont pas pensé plus tôt.

Au retour, la grande affaire fut la retransmission du couronnement de Charles III d’Angleterre. Cet homme m’étonne. Une enfance pourrie de petit prince sensible, martyrisé dans une pension très dure, marié pour la bonne cause à une femme qui ne lui convenait pas, une mère inamovible, un divorce difficile, un nouveau couple avec une femme aussi haïe que la première était adulée, la mort brutale de la femme délaissée, un fils qui raconte des horreurs sur la famille, une belle-fille dont on ignore si elle tire les ficelles d’une bronca contre la monarchie britannique, un frère englué dans le scandale Weinstein et j’en passe…

Et le voilà à 74 ans, couronné « en » l’abbaye de Westminster, saluant la foule immense depuis son balcon, entouré de son fils héritier et sa famille, accompagné de la femme qu’il aime, qui lui rend son amour avec un soutien sans faille. Elle a su à force de patience et de service à la royauté se faire admettre. Il a su l’imposer avec la même patience. Juste un peu tatillon et énervé sur des choses sans importance, il tient bon dans les tourmentes et la médiatisation de son existence.

Son rôle est symbolique, les rois n’ayant aucun pouvoir en Angleterre, mais on sent qu’il s’attache à cette fonction, peut-être pas comme un guide, mais plutôt comme le représentant d’un monde qui a changé et qui doit composer avec les aléas de la vie actuelle tout en gardant le cap de valeurs essentielles comme l’amour et la famille, la terre et le plaisir de vivre. Drôle de bonhomme !

Peut-on se fier aux images d’Epinal soigneusement triées et montrées à la télévision ? Qu’y a-t-il de vrai dans ce tralala doré ? Est-ce si nécessaire de faire rêver les gens ?