Un début d’année tristounet. Le variant omicron fait une avancée fulgurante, on dirait que nous allons tous devoir en passer par là. Heureusement, les hôpitaux se remplissent moins vite que lors des précédentes vagues. On ne sait pas encore si c’est à cause des vaccinations, d’une moindre dangerosité ou des deux à la fois. Masques dans la rue, télétravail, pass vaccinal, gestes barrières, amis contaminés, le moral est en berne.

Nous avons annulé presque toutes les rencontres prévues entre les deux fêtes. Après des tests le matin même, Julien, Laure et Thomas ont pu venir déjeuner le premier janvier. Ève avait prévu un réveillon à Grenoble. Par acquit de conscience, à deux heures de l’arrivée des amis, elle a fait faire un autotest à Marius. Positif ! Annulation en catastrophe, dîner à quatre et repas au congélateur.

Naturellement, nous espérons tous la fin de la pandémie pour 2022.

Je reprends la pièce sur Byron que j’étais allée voir au Théâtre de poche la semaine dernière, écrite et présentée par Sylvain Tesson :

… Sylvain Tesson, s’était dressé, le verbe haut, hérault d’un écrivain dans lequel il se reconnaissait. Il donnait parfois la parole à un personnage au visage terreux, William Mesguich, émanation de lord Gordon Byron pour lire « Le pèlerinage de Child Harrold » et d’autres textes, hélas un peu trop tronqués pour qu’on puisse se laisser emporter par leur fleuve étincelant.

Le fond de l’affaire était la reconquête de la Grèce et de l’hellénisme contre l’Empire ottoman. Byron qui y avait laissé sa fortune, n’avait pas combattu, mais sa célébrité avait fini par faire lever l’Angleterre d’abord, puis l’Europe vers une victoire finale.

Sylvain Tesson incita la salle à se joindre à un combat réactualisé contre l’Islam d’aujourd’hui. « Nous lèverons une armée de penseurs, de poètes, de combattants et nous la nommerons Missolonghi ! »

Il termina sous des applaudissements frénétiques. On vint lui offrir des bouquets de fleurs.

J’avais dû m’éclipser quelques minutes à cause d’un chat dans la gorge. De retour, craignant de faire du bruit, j’étais restée debout au fond de la salle. C’est ainsi qu’après avoir vu défiler les spectateurs, j’ai fini par retrouver Denis.

— C’est curieux, ce n’était pas le même ton que l’autre fois ! Moins brillant, mais plus convaincu ! me confia-t-il.

En fait, Denis connaissait personnellement la famille Tesson. Il avait un peu contribué au texte que nous venions d’écouter. Évoquant la traversée à la nage de Byron du détroit des Dardanelles, autrefois nommé Hellespont, il me dit :

— L’Hellespont n’est pas à l’est, mais à l’ouest, entre la mer de Marmara et la mer Égée. Ce soir l’erreur était corrigée.

J’aime écouter ce genre d’anecdotes. Elles offrent un ton familier au spectacle.

Il me présenta Stéphanie, la sœur de Sylvain, la fille de Philippe Tesson. Ces deux derniers sont propriétaires du Théâtre de poche-Montparnasse et responsables d’une programmation réputée intéressante. En 2019, nous y avions vu une pièce de Tennessee Williams lors d’une soirée mémorable racontée dans une de ces chroniques.

Nous avons parlé avec joie de son amie Émilie Chevrillon et des Contes de Ionesco que celle-ci a si heureusement mis en scène à la Huchette. Elles préparent ensemble Les Chaises du même Ionesco.

Un buffet attendait les invités de cette dernière séance, mais Denis s’excusa. Je crois qu’il ne voulait pas avoir à retirer son masque. Je n’ai pas traîné non plus, peut-être à tort. J’avais hâte de retrouver ma famille réunie pour Noël.

 Les joies et les soucis du quotidien sont peut-être finalement aussi acrobatiques que les exploits d’un lord anglais en voyage, entouré d’une armada de serviteurs. Cela m’a tout de même fait du bien d’entendre Sylvain Tesson défendre un destin exceptionnel, comme une respiration dans un monde trop formaté, souvent à la merci d’ukases moraux, lesquels pour n’être plus victoriens, n’en sont pas moins plats et ennuyeux.