Hier, samedi, les rues étaient bondées, remplies surtout de jeunes heureux de déambuler en groupe. Leur bonne humeur un peu inquiète faisait plaisir à voir après tous ces jours moroses. On ne pouvait pas parler de liesse, mais derrière les masques soigneusement portés on devinait une certaine détente. Contrairement au samedi précédent, les magasins accueillaient des clients, disséminés dans l’espace imparti, mais déterminés. Devant le fameux magasin d’alimentation G. Detout (sic), une longue file d’attente laissait penser que l’espoir de fêter Noël en famille restait tenace. Il est vrai que les courbes de la pandémie continuent de baisser et que le seuil exigé par le gouvernement pour libérer les contraintes de déplacements semble péniblement se dessiner.
Pourtant, le bilan des États-Unis et du Canada après le thanksgiving day est catastrophique. L’idée de supprimer le couvre-feu en France durant les deux nuits de Noël et de la Saint-Sylvestre n’est peut-être pas très judicieuse, même si l’on sent un besoin urgent de décompresser, de retrouver le sens de l’autre, de lutter contre une perte de dynamisme que le télétravail ne compense pas.
Hier, une manifestation pour les libertés de la presse a encore dégénéré en violence à Paris comme en province. À Paris, cinq cents jeunes vêtus de noir et cagoulés ont brulé des voitures, cassé des vitrines sur son passage en raids éclair. Ils maîtrisent trop la technique de la guérilla urbaine et de l’esquive pour ne pas avoir été entraînés par des professionnels. La police arrête des agités qui font les malins, mais pas le noyau dur et peut-être international de ces entreprises de déstabilisation. La police est coincée entre la dénonciation de ses propres violences et la violence des black blocs. On dirait qu’elle n’a pas mis en place de réelles stratégies contre ces débordements. Policier, un métier difficile et pourtant garant de la démocratie et du respect de ses lois.
Anne Sylvestre est morte, quelle tristesse ! Elle avait accompagné de sa poésie l’enfance d’Ève avec ses Fabulettes. Nous l’avions entendu à l’Olympia dans son répertoire pour adulte. Elle chantait avec des mots simples la difficulté de vieillir, d’être une femme libre. Elle chantait le bonheur d’un instant, l’amour partagé ou non, toutes les formes d’humanité et de rencontres qui font la vie. Jamais aigre, elle nous prenait dans ses bras, comme autrefois sa guitare, elle chantait sans courir après la notoriété, juste par fidélité pour elle-même et pour son public.
Les hommages qui ont entouré sa mort m’ont un peu gênée. Pour ma part je la voyais et l’entendais plutôt comme une amie qui vivait et souffrait comme nous tous. Je l’imaginais dans sa famille, parmi ses proches, allant faire ses courses, s’activant dans sa cuisine et son jardin. « Une grande dame », a-t-on dit à la télévision. Peut-être… Serait-ce cela une grande dame ? Elle a défendu l’avortement, les homosexuels, les femmes, avec des mots durs lorsqu’elle sentait la liberté attaquée, et en même temps avec une douceur et une mélodie qui anéantissait toute haine.
Pour moi, elle n’est pas tout à fait morte et je vais réécouter ses disques pour rattraper les périodes où je m’en suis privée.
Commentaires récents