Foutu clavier ! En prévision d’une journée chargée, j’avais presque fini de taper ma chronique. Ce matin, par je ne sais quel mystère, quelle distraction, je me suis aperçue qu’elle n’était pas enregistrée. Tout s’est volatilisé. Impression triste, un peu comme de rater un rendez-vous. Voilà qui a dépendu d’une fraction de seconde, d’une petite poussée de la pulpe du doigt sur un petit carré d’ordinateur en plastique ! Comme il est loin le temps du stylo, de la feuille de papier ! Il fallait alors réfléchir à deux fois avant d’écrire. Aujourd’hui, on lance en vrac ce qui vient à l’esprit, puis on trie, organise, peaufine, ce qui sur papier se traduirait par un manuscrit avec ratures, digressions, flèches d’inversion, telles qu’un transcripteur ne pourrait s’y retrouver. Et c’est cette élaboration qui s’est envolée d’un clic ! De plus, des travaux de rénovation dans l’immeuble mitoyen me mettent la tête en bouillie, nous avons tous connu cela un jour ou l’autre.

Je vous évoquais l’alternance entre Tougin et Paris. Je vous disais que l’adaptation est plus facile dans le sens Tougin-Paris. Pris dans l’agitation, dans le tourbillon parisien, on s’adapte vite, les temps de déplacement comblent les vides, on a toujours quelque chose à faire, et quand bien même, les terrasses de café vous offrent des instants de détente, de convivialité disponibles à toute heure de la journée. Il est plus facile de remonter les plantes depuis la cour de l’immeuble que de débarrasser le jardin des herbes qui ont profité de notre absence, plus facile que de tailler les haies, de couper les fleurs fanées, de replacer les tables, les chaises et les parasols, plus facile aussi d’entretenir un appartement qu’une maison à étage dont les insectes, en particulier les araignées ont pris possession.

À Tougin, le calme doit se conquérir, les voisins se retrouver, les soirées sans télévision se réapproprier, le silence s’apprivoiser. Et l’adaptation est plus longue ! Il en résulte une sérénité, le plaisir de prendre le temps, de goûter l’instant, d’écouter la nature, le chant des oiseaux, de sentir le vent sur sa peau, de parler avec son voisin, de réfléchir à la vie, au passage du temps, à l’alternance des saisons, à ceux qui ne sont plus, ainsi qu’à l’avenir. À Paris, on subit et on n’a guère le temps de réfléchir.

Samedi, un vacarme infernal s’est répandu sur le quartier. Un grand immeuble voisin, appartenant à la Ville de Paris sert d’accueil provisoire à des migrants, femmes seules avec enfants, la plupart venues d’Afrique. Il accueille aussi des artistes en exil venus de Syrie, d’Afghanistan et d’ailleurs. Ils font la fête régulièrement à coup de sonos assourdissantes. La police est intervenue. Une demie heure plus tard, la musique reprenait. Comment concilier le devoir d’accueil et la paix des résidents ?

Je suis allée protester. Comprenait-il le français ? Les yeux du garçon se sont écarquillés. Il s’est mis à transpirer. Par la suite, je me suis souvenue que, sur une terrasse arborée, luxueusement aménagée, non loin de là, on entend parfois une musique techno tout aussi bruyante et qu’elle avait peut-être pris le relais des migrants après le passage de la police.

Des conciliabules ont eu lieu le lendemain dans la cour sur l’origine de ces bruits. A suivre.

Et je repense au silence qui régnait sur la ville durant le confinement…