• Derniers jours à Tougin

    Nous avons repoussé notre départ d’une semaine, pour attendre le retour d’Henricke des Pays-Bas. Ensemble, nous avons enfourné, puis défourné les pièces de l’arbre avec ce plaisir de céramistes difficile à décrire. À peu près sans casse. Nous nous sommes quittées avec la hâte de nous retrouver. J’ai tout emballé dans des couches de papier bulle pour le rapporter par le car, le TGV, l’autobus puis le métro jusqu’à mon atelier de Paris. Le paquet final de poids et de dimensions raisonnables était transportable au bout d’une poignée en faisant bien attention.

    Henriette et Lionel sont venus de Carouge pour un café suivi d’un concert sur mon piano. Ils avaient passé une partie du mois de juillet à Saas-Fee. Henriette nous a donné des nouvelles de sa famille. Je vous ai déjà parlé de sa petite-fille Flavie, qu’on a toujours connue travailleuse, volontaire et décidée. Elle a fait Sciences Po de Paris après l’école hôtelière de Lausanne. Dès son retour à Genève, un poste important dans une banque lui a été proposé. Un bel avenir, sous le regard un peu inquiet de sa grand-mère attentive à ce que le métier ne nuise pas à la vie affective de ses petites filles, médecin, avocate… Une nouvelle génération genevoise assez impressionnante.

    Lionel nous a offert une superbe sonate de Brahms, vivante, colorée, à la fois forte et fine. Émouvante ! Merci Lionel. Puis un prélude de Bach, acrobatique, qu’il dut conquérir de haute lutte contre un piano récalcitrant. Je l’ai fait accorder l’année dernière. Naguère, si doux, si clair, il est devenu sec et étouffé, sans nuances. Certaines notes ne répondent pas. La sonate de Brahms tenait du talent exceptionnel de Lionel. Organiste célèbre, il a joué dans le monde entier sur des instruments de toutes sortes. Il s’est remis ces temps-ci au piano qui lui avait valu du temps de sa jeunesse un prix de virtuosité, dans cette Mecque du genre qu’est Genève, dans la même classe que Marta Argerich.

    Nous avons été reçus chez Angiane, une voisine malgache, son mari Antoine et leurs deux petites filles, 4 et 6 ans. Une autre histoire. Très belle, venue de la banlieue d’Ivry et du 18e arrondissement de Paris, elle a fait une plongée dans le monde des riches de la région. Intelligente et raffinée, cultivée, elle cherche son chemin dans les contradictions rencontrées à chaque pas. Sensible et attendrissante, volontaire et courageuse. Un caractère !

    Comment ne pas évoquer le jardin d’Olivier et Sébastien ? Une sorte de jardin du facteur Cheval. À la fête du hameau, ils nous avaient invités à prendre le café. En allant faire les courses à pieds, on entend derrière la haie touffue, des glouglous de fontaine et d’étranges chants d’oiseaux. Des buissons de fleurs rares débordent des fenêtres de leur maison. Olivier est paysagiste. Année après année, il a construit un domaine mystérieux qui titille l’imagination et que j’aurais presque voulu garder inconnu.

    Je n’ai pas le temps de raconter l’univers contenu dans cet espace restreint, ses quantités de plantes exotiques, ses volières remplies d’oiseaux de toutes les couleurs. Dans un petit étang, des poissons rouges mesurent près d’un mètre, sur le pas de la porte un hérisson cherchait à entrer.

    Leur maison offre un refuge à vingt-six chats qu’ils soignent avec amour. Recueillis efflanqués et affamés, ils les stérilisent et leur assurent une vieillesse heureuse. Aucune odeur.

    Ce fut un café au soleil, protégé de la bise, agrémenté d’une tarte aux prunes, confiant et disert. Ils ne prennent jamais de vacances à cause des plantes et des animaux, mais ils disent qu’ils n’en ont pas besoin, qu’ils sont heureux comme ça. Ils nous ont raconté leur mariage, sur les rives du lac d’Annecy, un des premiers du genre et les réactions de l’entourage. Il y aurait encore beaucoup à raconter. Depuis 25 ans, Olivier paysage des demeures, parfois très luxueuses, à Genève et au bord du lac.

    La veille de notre départ, nous sommes allés dire au revoir au Léman bouleversé par la bise. Elle avait balayé les nuages des jours précédents. Le mont Blanc trônait, somptueux, les Aravis et les montagnes du Chablais étaient enneigées.

    Nous avons bu un chocolat chaud à la Suisse sur la terrasse du club de voile en regardant les prouesses des skysurfs, étonnés à la pensée que le lendemain nous serions à Paris.

    Effectivement, la clé tournée dans la serrure, quelques noisettes ramassées sur le trajet vers l’arrêt du car, nous avons retrouvé le monde du TGV, la gare de Lyon. Nous sommes montés dans le 29. Après avoir pris l’ascenseur sur le palier, tourné dans l’autre sens l’autre clé dans l’autre serrure, un autre devenir nous attendait.


  • Elections, fête du village, pêche à la mouche

    30 300+ Pêche Mouche Photos, taleaux et images libre de droits - iStock |  Pêche à la mouche

    Nous avons enfin un premier ministre. Il provient paradoxalement de l’ultra minorité LR, Les Républicains, parti de centre droit. La gauche, majoritaire aux dernières élections législatives, n’est pas parvenue à se mettre d’accord pour proposer une personnalité consensuelle. Michel Barnier, 73 ans, est un vieux routier de la politique européenne, négociateur du Brexit, pragmatique et tenace. Savoyard originaire d’Albertville, cette petite ville, dernière demeure de Jean-Claude, le frère de Gilles.

    Dimanche, a eu lieu la fête du hameau. Depuis quelques années des habitants ont pris l’habitude de se réunir, début septembre, sous les arbres du square.

    Les plus anciens, Denis, Marcel et les deux Jacqueline s’occupent de l’intendance : tréteaux, plateaux, nappes, chaises. Olivier et Sébastien sont très forts dans la communication. Le bouche-à-oreille décide des taboulés, quiches, viandes froides, fromages du Jura, gâteaux, vins et eau pétillante. Des rencontres qui démarrent à midi et qui peuvent se terminer vers minuit si la température est douce

    Cependant, ce dimanche, après deux mois de soleil pratiquement ininterrompu, le temps est devenu incertain et la pluie s’est mise à tomber. Nous avons hésité à faire la quiche. Comme rien ne semblait perturber le village, après l’avoir confectionnée et enfournée nous nous sommes dirigés vers le square. Personne, naturellement ! Le bruit nous a guidés vers le jardin de Denis et Jacqueline. Les tables recouvertes de nappes bleues avaient été dressées sous la pergola. Nous nous sommes retrouvés une vingtaine, les bras chargés et décidés à passer une bonne après-midi en dépit du froid et de la pluie.

    Je crois en avoir déjà parlé, il est rare de trouver compagnie plus variée, ce qui en fait la saveur. De tous les âges, depuis Denise, ancienne institutrice de 88 ans, jusqu’au petit Vincente deux ans, en passant par les jeunes retraités, nos hôtes, et Emmanuelle, la propriétaire du chien Sacha, jeune architecte travaillant en Suisse. Les deux époux, Sébastien et Olivier. Sébastien, manutentionnaire au supermarché bio voisin, se tortillait, visage serré, car il venait de se froisser un muscle au travail. Le jardin d’Olivier, paysagiste, est un éloge aux cinq sens, glouglous de fontaine et roucoulements de colombe. J’ai déjà évoqué leur passion pour les chats. Les Anglais : Laura avec son mari Nick qui parle cinq langues couramment, plus l’arabe, l’hébreu et même le sanscrit. Jacky Chausse, nommée ainsi en raison de son magasin de souliers confortables situé dans le petit centre commercial d’à côté et son mari. À la retraite, elle n’a pas trouvé de repreneurs. Antoine, ingénieur au CERN qui vole régulièrement au-dessus du village en ULM, Céline, son épouse, jeune institutrice dans le village voisin. Et Joëlle qui possède la belle maison du fond de la rue.

    Ce fut une après-midi de conversations d’autant plus variées que nos hôtes revenaient de Saint-Malo et de Cancale où la fille de madame Péaquin a fini ses jours et ce fut l’occasion de parler de leur maison, juste en face de la nôtre, dont on nous dit depuis plusieurs mois qu’elle est vendue, puis que la promesse de vente est annulée.

    Joëlle du bout de l’impasse a laissé son sapin grandir. Il mesure désormais vingt mètres. Il nous cache le Jura, et nous prive du soleil couchant. Sujet épineux, c’est le cas de le dire, qu’on évite en général d’aborder. Par quel miracle, dimanche, a-t-on pu l’évoquer en toute sérénité ? Il semble que le problème soit en passe d’être résolu. Rien ne vaut de se retrouver en aimable compagnie.

    Les expériences sont variées, mais le village nous relie les uns aux autres avec ses joies et ses problèmes, au-delà des inévitables disputes qui surgissent régulièrement.

    Au dessert, nous nous sommes trouvé quelques points communs avec le village d’Astérix.

    Naturellement, nous avons évoqué les hérissons qui se promènent chaque nuit dans les jardins. Il paraît qu’ils se gobergent des croquettes d’Olivier et Sébastien.

    Nous sommes rentrés nous reposer vers 5 heures. Vers 9 heures, nous avons encore entendu nos voisins discuter pendant une demi-heure sous l’auvent.

    Il me faut absolument évoquer le jeune pêcheur à la mouche qui lançait sa ligne à la volée dans l’estuaire du ruisseau de Tannay. Une vingtaine d’années, perché sur un rocher, éclairé de soleil au milieu des roseaux. La grâce de ses gestes m’a émue. Je retrouvais mon enfance à Nernier, cette communion avec la nature, avec le lac, dont je suis encore imprégnée. Pêche au vif, ablettes pour de futurs brochets.

    Fils de pêcheur professionnel, il m’a donné des nouvelles du lac. Non, les cormorans ne nuisent pas aux poissons. Les poissons, perches et brochets sont toujours aussi foisonnants. Je l’ai quittée toute regaillardie.


  • Les chiens de l’impasse (suite), exposition à Evian

    HENRI LE SIDANER | HELENE BAILLY
    Nemours, Le Sidaner

    Quelques jours plus tard, je vais rendre un livre à Jacqueline C, le livre de Douglas Kennedy que je lui avais emprunté, mais que je n’ai pas lu. J’ai trop avalé de romans depuis notre arrivée. Une fois démarrés, dès que je commence à en comprendre l’intrigue, je n’ai de cesse de savoir la suite et ça me prend la tête.

    Je connais cet auteur, j’ai même signé à côté de lui au Salon du livre d’Evian. Intrigues à l’américaine, haletantes, épicées de sexe, baignées d’atmosphères urbaines suivies d’aventures dans des lieux sauvages et déserts, bourrées de personnages typés. Il vit à Paris ou à Londres, au fait des Européens friands d’américanisme. J’ai fini par prendre la décision de le rendre à Jacqueline comme on refuse d’entamer un pot de confiture, en m’excusant, en remerciant.

    Nous en sommes venus à discuter des aboiements des chiens. Elle habite juste en face. Je lui ai raconté ma conversation avec Emmanuelle. Elle a sursauté :

    — Mais, ce n’est pas Sacha qui aboie, c’est le chien de la voisine.

    Un soir, je suis allée chez Emmanuelle pour m’excuser d’avoir soupçonné Sacha. Elle était au téléphone. Elle s’est interrompue une seconde et elle m’a dit, un peu énervée, comme on tourne la page :

    — Ne vous en faites pas. Que ce soit l’un ou l’autre, ça n’a pas d’importance !

    Et je suis repartie avec l’espoir que les deux chiens n’allaient pas désormais nous gratifier de concerts amicaux contre lesquels nous aurions mauvaise grâce de protester.

    Comme les jours passaient, j’ai réalisé que les chiens n’aboyaient plus, ou seulement de temps en temps en quelques jappements brefs et rieurs. La tension dans l’impasse semble avoir disparu et Michelle, la boulangère, m’a glissé incidemment qu’elle avait parlé avec notre nouvelle voisine.

    On entend encore de temps en temps des aboiements vers minuit, mais je me rendors. C’est le hérisson qui passe dans la rue.

    J’en ai modelé un en terre cuite. Je me suis bien amusée en fixant les piquants.

    Dimanche, nous sommes allés dans le Chablais. Nous avons pris Marie à Thonon et nous avons continué sur Evian, où nous avons déjeuné chez Pierre et Nicolle avec le lac pour horizon.  Les hirondelles volaient autour du clocher animant les toitures roses orangées de la ville. Jean-Marc nous a rejoints au café avec un délicieux gâteau de Savoie.

    Nous sommes allés ensuite à l’exposition conjointe d’Henri Martin et du Sidaner. C’est ce dernier qui m’intéressait, il avait continué durant le 20e siècle une peinture de la réalité, à l’écart des inventions du cubisme, du surréalisme, de l’abstraction, peignant des tables de fin de repas dans sa maison et dans sa cour de Gerberoy. Il avait aménagé le rempart et ses terrasses successives en cascades de fleurs. Il se plaisait à en honorer ses amis. Le plaisir de recevoir et de peindre.  Sensible.

    Au retour, nous nous sommes arrêtés à Thonon chez les parents de Jean-Marc. Quelle joie de les voir si vivants malgré leur grand âge ! Jean-Marc nous a montré deux grands tableaux de Vegetti, ses dernières acquisitions : Des Maisons dans l’eau et Le Glacier du Tour au-dessus du village. Deux grands paysages, inquiétants et puissants. Enrico Vegetti est contemporain des peintres que nous venions de voir.

    J’ai connu Vegetti dans mon enfance à Nernier. Je l’ai évoqué dans La Petite fille du lac.

    D’ailleurs le matin, j’y étais retournée. Un pèlerinage dans le passé confronté aux changements du présent. Mais c’est une autre histoire.

    Les Maisons dans l’eau. Enrico Vegetti.


  • Sacha, Jarvis et compagnie

    Berger des Shetland : caractère, éducation, santé, prix | Race de chien

    Il y a toujours eu des chiens dans l’impasse. Quand les enfants étaient petits et que nous y habitions toute l’année, on en a compté jusqu’à une dizaine, des petits, des bergers allemands, des chiens de chasse, des corniauds, de tout. J’ai même connu une famille qui en possédait trois, de ces petits chiens au nez camus dont les poils tombent sur les yeux. Quand le dernier, Ulysse, est mort, ils ont eu tant de chagrin qu’ils n’ont plus voulu en avoir d’autres. Ils les avaient remplacés par un chat, Dent d’Oche, auquel il manquait une patte arrière à la suite d’un accident de voiture. Un chat, si fort et bagarreur qu’il semait la terreur dans l’impasse. On disait juste aux enfants de ne pas l’approcher, car il pouvait leur sauter à la figure sans raison. Il faisait partie du paysage.

    Mais voilà ! Les Farabolini sont partis dans la vieille ville en laissant la place à une infirmière et sa petite fille de six ans environ. Quelques années auparavant, Praslon avait vendu sa maison à Laurence.

    Laurence est une jeune et jolie architecte qui travaille en Suisse. 50 minutes de trajet à l’aller comme au retour pour se rendre à son agence de Lausanne. Son copain est danois et vit à Copenhague, elle se trouve donc souvent loin de son amoureux, de ses parents, de son pays. Elle a fini par acheter un grand caniche gris pour combler sa solitude. Jusqu’à l’arrivée de sa voisine, Sacha restait dans la cour, lui aussi faisait parti du paysage. Il avait toujours été d’usage à la campagne d’empêcher son chien d’aboyer et Sacha avait pour seul collègue, Jarvis, le chien de Nick, élevé à l’anglaise qui se contentait de nous sauter dessus pour nous saluer avec jovialité.

    Tout allait bien. Quelle ne fut pas notre surprise en juillet de trouver l’impasse sans dessus dessous, sonorisée par des jappements, des gémissements, des aboiements intempestifs ou permanents, nuits et jours, au petit matin comme durant l’après-midi. Deux chiens se répondaient et s’invectivaient. Le deuxième, une sorte de colley irlandais en plus rustique et probablement plus sonore, appartenait à la nouvelle propriétaire de la maison Farabolini

    Une après-midi, alors que je revenais de ma promenade sur l’ancienne voie ferrée, j’ai vu trois policiers s’introduire dans la rue. Un chien a aboyé sur leur passage. Ils sont entrés chez Michelle, notre voisine directe. Michelle travaille dans une boulangerie et se lève à quatre heures du matin.

    Des jours ont encore passé. Je pensais à autre chose avec l’arrivée de la famille et une succession d’apéritifs. Quand le bruit a de nouveau retenti dans mes oreilles, je suis allée me renseigner auprès de la nouvelle voisine, puis de Michelle et de Laurence.

    Vingt zous ! Un spectacle de désolation ! Elles ont toutes les trois le cœur en marmelade ! L’une ne peut plus dormir, l’autre, m’a-t-elle dit, se sent mal accueillie par le village et Laurence pleure !

    J’aurais voulu leur dire d’adopter un chat, c’est moins bruyant et plus câlin, mais les deux voisines n’ont rien voulu savoir et j’ai fini par apprendre qu’une nuit un hérisson était passé devant leurs portails mettant les deux chiens en transe. Michelle était descendue protester en chemise de nuit et le lendemain, Philippe, son mari, a appelé la police.

     Je vous raconterais la suite la semaine prochaine, s’il y a du nouveau…

    En attendant nous n’avons toujours pas de gouvernement…

    D’ici là, je voudrais vous dire combien le passage de Julien et de son fils Thomas a été délicieux. J’en suis encore attendrie. Il nous faut changer d’hébergeur et Thomas prend en charge le nouveau site.


  • Famille, lectures, amitiés

    Une semaine agitée. D’abord, Ève, Emmanuel, Noé et Marius. Ils sont allés visiter une fromagerie du côté de Métabief qui les a beaucoup impressionnés. Le samedi, Julien, Laure et Thomas sont venus pour une nuit en revenant des lacs italiens (par le tunnel du Grand-Saint-Bernard afin d’éviter les deux heures d’attente de celui du Mont Blanc). Une soirée tous ensemble et les Grenoblois sont repartis, les parents reprenaient le travail le lundi, les enfants avaient hâte de se reposer des vacances et de retrouver leurs amis. Julien, Laure et Thomas ont repris la route le lendemain matin.

    Julien et Thomas reviendront jeudi pour trois-quatre jours. Par le train, c’est moins fatigant. Pour le moment, tout est calme. Je reprends mes petits modelages d’animaux (cf : Banksy) et nous dévorons les livres empruntés à la bibliothèque municipale. Gilles, Salman Rushdie (qu’il ne parvient pas à terminer), de mon côté Sylvain Tesson, Un été avec Homère, traductions de Jaccottet et de Philippe Brunet avec lequel Gilles travaille depuis de nombreuses années.

    Sylvain Tesson enfourche son dada, c’est le cas de le dire, un hommage aux vertus du monde judéo-chrétien et l’idée d’un mur à créer contre l’Islam. Les valeurs viriles des héros d’Homère le remplissent d’enthousiasme. Naturellement, cela m’a fait penser aux Jeux olympiques désormais terminés. Les jeux paraolympiques qui vont démarrer le 8 septembre ne suscitent pas le même engouement. Il paraît que Paris s’ennuie et les débats politiques reprennent de plus belle. Nous n’avons toujours pas de gouvernement.

    Julien a lancé son fils sur une réactualisation du site. Cette version est trop ancienne et mes textes ne sont plus suffisamment en sécurité. Quand ça marche, les nouvelles techniques sont épatantes, mais sur cet ordinateur les bugs se sont accumulés, ce que je déteste. Je ne peux pas réfléchir en même temps à ce que j’écris et aux ruses pour les résoudre. J’ai cru devoir interrompre ces chroniques jusqu’à notre retour à Paris en septembre. Finalement, Gilles a miraculeusement trouvé sur internet un spécialiste qui habite dans le village. Il a changé le disque dur, mais il a fallu recharger toutes les applications ! Julien a réactualisé WordPress et me voilà de nouveau avec vous. Je vais me pencher avec Thomas sur la nouvelle présentation en septembre. Je les remercie tous.

    Le passage de l’écriture à l’imprimerie n’a pas dû se faire facilement, il aura probablement fallu beaucoup d’erreurs avant d’arriver à la bible de Gutenberg ! Je me dis aussi que ce nouveau support est fragile. C’est pourquoi je transfère ces chroniques en versions imprimées, à raison d’un volume par année. On verra bien ce qu’il en adviendra plus tard.

    Le temps a changé. Après des orages, la bise s’est mise à souffler et la température a baissé.

    La Vierge du 15 août ne laisse pas le temps comme elle l’a pris, dit le dicton.

    J’aime la lumière de l’arrière-saison. Les sons aussi sont différents, plus cristallins et plus légers. 

    Hier soir, Françoise Gardiol-Lieberherr. Apéritif dehors, dîner à l’intérieur. Formation d’ethnologue, une de ces femmes écrivains-voyageuses suisses que rien n’arrête. Afrique, Amérique du Sud, Asie centrale, elle a labouré la planète et malgré l’âge espère bien continuer. Une bonne soirée !


  • Jeux olympiques

    Londres : voici les trois nouvelles oeuvres de Banksy dont le message interroge

    Le village est désert. Tous partis. Nous lisons, nous travaillons.

    Je viens de finir le modelage d’un grand arbre en plusieurs pièces, un travail acrobatique, avec le risque qu’il craquelle au séchage. Je ne disposais pas d’une base suffisamment souple. On verra bien !

    Je pense à Banksy. Fort de ses dessins de street art relayés dans les médias du monde entier, il nous réserve depuis une semaine une surprise quotidienne à Londres. Une série d’animaux peints en silhouette noire dans des situations énigmatiques. Un bouquetin perché sur une colonne, deux éléphants qui s’appellent avec leur trompe de fenêtre à fenêtre, des pélicans qui pêchent au-dessus d’une poissonnerie. Un loup hurle à la lune dans une parabole, œuvre aussitôt volée (la cote de Banksy est au plus haut). La plus drôle, des singes qui font des acrobaties, pendus par les mains à un rebord de mur. Une allusion aux Jeux olympiques ? Si critique, il y a, elle est légère. J’aime l’esprit de cet artiste, son ironie, sa liberté.

    Les Jeux olympiques se terminent dans une allégresse généralisée. Réussite sur toute la ligne ! Peu de problèmes dans les transports comme on l’avait craint, il est vrai que les Parisiens ont fui. Peu de problèmes techniques sur les sites. Beaucoup d’épreuves se sont déroulées dans Paris même : sur le champ de Mars, sur l’esplanade des Invalides, dans le grand Palais…, devant un public heureux de visiter la capitale par la même occasion. Une belle euphorie, dit-on, a régné sur la ville. Après le marathon féminin du matin, le même ouvert à tous a lancé durant la nuit plus de 20 000 anonymes depuis l’Hôtel de Ville jusqu’à Versailles et retour dans une atmosphère de bonne humeur. La température malgré quelques pics n’a pas perturbé les épreuves, de nombreux records du monde ont été enregistrés. Les Français ont battu leur record de médailles. Malgré les pronostics pessimistes, tout s’est bien passé.

    La cérémonie de clôture au stade de France a réuni 70 000 personnes hurlant d’enthousiasme autour d’un parterre de 4 000 athlètes, entraîneurs, volontaires, porteurs de drapeaux comme un énorme adieu à la quinzaine de jours consacrée à l’effort, à la solidarité, aux valeurs de l’olympisme. Comme durant la cérémonie d’ouverture, beaucoup de clins d’œil à la culture d’aujourd’hui, urbaine, woke, gentiment transgressive des valeurs classiques, et surtout bruyante.

    Je dois dire qu’au bout d’un certain temps, j’ai été obligée de couper le son. Une sorte de mélopée sidérale envoyée en continu par un orchestre au turbin, amplifiée par des procédés numérisés, sans queue ni tête, un peu comme celle des documentaires à la télévision, m’a fatigué les oreilles. À part la belle et sincère interprétation de Zaho de Sagazan (24 ans) de Sous le ciel de Paris dans le jardin des Tuileries, les chansons ressemblaient à des cris plutôt qu’à de la musique.

    Pour terminer, un montage nous a transportés à Los Angeles où auront lieu les prochains jeux. Sur un podium à Palm Beach, des chanteurs poussaient des hurlements plus frénétiques encore. Devant eux, une stripteaseuse remuait de grosses fesses et de gros seins, comme la promesse d’une montée en kitch.

    Comment ne pas tirer un coup de chapeau à ceux qui se sont moqué des critiques et qui ont cru jusqu’au bout à cet événement sportif ? Une parenthèse enchantée, lit-on dans la presse.

    Si le danger de ces fêtes collectives est peut-être le besoin d’adrénaline qu’elles créent, susceptible par la suite de lancer des mouvements beaucoup moins pacifiques, ne mégotons pas. Ces jeux ont montré un dynamisme réconfortant, une volonté de paix internationale.


  • Jeux olympiques

    Natation aux JO 2024 : Marchand en légende, un bilan historique

    Quelques jours délicieux ! Une petite bise nous caresse la peau et traverse la maison de part en part. Les nuits sont fraîches. Un fort vent descend du Jura chaque soir lançant le chant des peupliers et du grand sapin, la danse des faucons crécerelles. Encore quelques repas du soir dans les jardins. Pour l’un d’eux, en haut de la ville. Nous avons vu le soleil se coucher sur le Mont Blanc. Sa pyramide a rosi, puis rougi avant de disparaître dans la brume et le crépuscule.

    — Le Mont Rose, a dit Lise en riant.

    Nos amis passent leurs vacances de l’autre côté des Alpes, en Italie dans leur village familial, sur le versant sud du Mont Rose. Ils recevaient leurs parents et ce fut une agréable soirée, à évoquer entre autres la Nièvre où je suis née pas loin de chez eux. Trois générations réunies autour de chansons. Wilfrid prend des cours. Il est baryton-basse.

    Comme nous étions loin des Jeux olympiques ! Il a d’ailleurs dit :

    — Ces grandes manifestations ne sont pas pour moi. Je ne m’y sens pas à ma place !

    J’ai opiné de la tête, je crains également la foule…

    Et pourtant ! La cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques retransmise à la télévision a fait un tabac dans le monde entier. Pour la première fois en extérieur, les athlètes ont descendu la Seine dans une armada de bateaux. Des tableaux historiques ont animé la Conciergerie, le Pont Neuf, la passerelle des Arts, le Musée du Louvre, la tour Eiffel, avec des danses et des chansons. Une foule incroyable a hurlé sa joie le long des quais, dans les jardins du Trocédéro. J’ai déjà parlé de la bouleversante prestation de Céline Dion. La fête s’est terminée à la nuit tombée dans le jardin des Tuileries. La flamme olympique a quitté la Seine au pont des Arts, passant de main en main. Nadal, Zidane et d’autres ont couru d’un pas souple et tranquille dans l’allée du jardin désert, suivis par la caméra. Le bassin des petits bateaux était recouvert d’une plate forme sur laquelle une vasque était suspendue à une montgolfière. Le dernier porteur a mis le feu à la vasque et le grand ballon doré s’est élevé dans le ciel de Paris, nimbé de lumière.

    Certaines scènes en ont choqué certains, peut-être un peu trop kitchs,  en particulier un Festin de Bacchus proposé par Philippe Katherine. Bedonnant, nu et peint en bleu, barbu, cheveux hirsutes sous une couronne de fleurs, il émergeait d’un amas de raisins et de fleurs devant un alignement de convives présidés par une femme obèse coiffée d’une large tiare, très woke. Pourquoi les évêques de France y ont-ils vu une parodie de La Cène de Léonard Vinci ? Ils ont protesté le lendemain dans la presse. Dans la conciergerie en flamme, une grande Marie-Antoinette, tête posée sur ses cuisses, a également déplu aux descendants des rois de France. Ils avaient peut-être oublié que leur ancêtre Philippe d’Orléans avait voté la mort du roi…

    Et maintenant, les athlètes battent des records dans un enthousiasme généralisé. Les Français accumulent les médailles comme jamais auparavant. Paris est en fête, les épreuves de province font le plein. On a oublié que la France n’a plus de gouvernement, que tous les projets de loi sont stoppés. On ne veut pas savoir que les USA sont en risque aggravé de récession, qu’il en a suivi un lundi noir sur les bourses du monde entier. On danse, on chante !

    On croyait la France amorphe et pessimiste, elle se révèle jeune et dynamique. Je me souviens de la déclaration en avril d’un spécialiste de la sécurité  dans C’est à vous, une émission politique. Il avait dit sur un ton d’une extrême gravité.

    — Il est encore temps d’annuler la cérémonie en plein air. C’est de la folie !

    La réponse du ministre de l’Intérieur fut immédiate :

    — Comment ne pas soutenir cet événement magnifique, la joie, l’effort, la solidarité internationale, quand le monde entier risque la guerre et perd ses repères ? C’est du défaitisme !

    Pour ma part, je me pose des questions. Je ne peux m’empêcher de penser aux Jeux de Munich en 1936, au triomphe des Serbes lors de la coupe du monde de foot précédant de peu la guerre des Balkans, aux jeux de Pékin et à Poutine dans les tribunes avant l’invasion de l’Ukraine.

    Je suis plus sensible aux efforts et aux victoires du quotidien. Cette recherche des records, cette exaltation des foules me font un peu peur. Si je me réjouis, c’est du sport dans les villes et les villages. Les levées au petit matin, les progrès durement gagnés, le plaisir des matches, que les équipes gagnent ou perdent. L’argent engagé dans ces énormes manifestations me semble assez incompatible avec l’esprit du sport. Mais j’espère me tromper et je souhaite de tout cœur que les Jeux de Paris participeront à la paix dans le monde.


  • Rencontres. Ouverture des Jeux Olympiques

    Rencontres variées. D’abord autour d’un apéritif dînatoire dans le jardin avec les amis britanniques du voisinage qui ont participé l’automne dernier à la lecture des poètes romantiques anglais. Jill, Hilary, Nick, Tony et Laura. Ils partaient tous en vacances le lendemain ou le surlendemain sauf Nick. Son épouse, Laura, partait au petit matin pour une équipée à cheval dans les Alpes du Chablais. Hier, il nous a dit qu’elle avait parcouru trente kilomètres la première journée. Il s’attendait à la voir revenir le postérieur en compote.

    Ce fut une soirée charmante à la fraîche avec le plaisir d’entendre leur point de vue sur notre hameau et sur le monde, ce qui les avait amenés à Tougin. Ils ont eu la gentillesse de parler français, je bafouille l’anglais et ne le comprends pratiquement pas. Une bonne soirée, à savourer à la nuit tombante ces petits riens qui nous différencient. Ah, cet humour british qui met à distance les sujets épineux ! Ils semblaient très fiers du résultat de leur dernière élection.

    Et vendredi, nous devions rejoindre nos amis suisses, Bernard et Nelly, sur la terrasse du quai d’Hermance de l’autre côté de Genève. Ils avaient traversé un hiver difficile entre fractures et convalescences. Ils pensaient qu’Alain, la tête quelque peu embrumée dans son Ehpad, ne pourrait pas bouger, mais il s’était réveillé en forme et avait décidé le matin même avec son épouse Laurette de nous rejoindre. C’est tous les six réunis que nous avons pu déguster des ombles chevaliers à l’ombre des platanes devant le lac. Bien sûr, ce n’est plus comme avant, mais il reste nos souvenirs et nos conversations, en particulier l’amusante rivalité lémanique entre Suisses et Français.

    Depuis plusieurs années, les Suisses ont le vent en poupe, tout leur réussit. La fédération helvétique est devenue un pays de Cocagne géré avec sagesse par une démocratie directe. On s’y presse pour y travailler, pour en acquérir la nationalité. Déjà dans mon enfance à Nernier, les Suisses de la rive droite du Léman étaient plus riches que les Savoyards de la rive gauche. Ils ne se privaient pas de nous le faire savoir, comme la juste conséquence de leur travail et de leur mérite. Dans ce même temps, nous les Français, les considérions avec un rien de condescendance, jugeant leurs attitudes et leur mode de vie plutôt moralistes, nous glorifiant de la grandeur et l’histoire de notre pays, les uns comme les autres allégrement dans le déni du quotidien.

    Une relation teintée d’admiration et d’agacement réciproques nous a toujours liés avec un humour rafraîchissant, pimentant une amitié de plusieurs décennies. D’ailleurs, Bernard et Nelly installés dans la montagne en France bénéficient de la double nationalité. Vendredi, les vicissitudes électorales nous avaient rendus prudents et la fatigue a un peu freiné nos blagues. Nous avons regardé accoster, puis passer le grand bateau de la CGN observé les mouvements des voiliers, les lumières changeantes du Léman, notre amour à tous.

     Quand nous nous sommes séparés, Alain a dit paisiblement avec son accent suisse un peu traînant :

    — Nous n’avons pas beaucoup causé !

    Bernard a hoché la tête.

    Et nous nous sommes séparés en mijotant déjà une revoyure avant la fin de l’été.

    Nous n’avons pas traîné en route, car Gilles voulait installer l’ordinateur pour suivre la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques. Nous n’avons pas la télévision à Tougin.

    Ce n’est pas que nous sommes fans de ce genre d’événements hypermédiatisés. Nous avions souffert de ses préparatifs. Nous avions fui Paris où il était de bon ton de claironner qu’en cas de référendum auprès de la population, le non l’aurait largement emporté.

    Bien nous en a pris ! Confortablement installés dans le silence du village, nous avons pu savourer la déambulation des athlètes sur la Seine, fiers de leur joie, apprécier les tableaux successifs. Le plus touchant fut l’Hymne à l’amour chanté par Céline Dion sur la Tour Eiffel. Victime d’une maladie dégénérative, elle n’avait pas chanté en public depuis quatre ans. Voix retrouvée, dans un fourreau blanc cousu de mille perles scintillantes, elle a déclaré sa flamme au monde entier avec une authenticité, une force inégalée, même par Edith Piaf.

    Il pleuvait des cordes. Les ponchos en plastiques, les parapluies transparents brillaient sous les lumières comme un défi à l’adversité, n’entamant en rien la joie générale. Un grand cheval mécanique a glissé au galop sur la Seine, lumineux fantôme porteur d’histoire.

    Mais, il y a trop à raconter, j’arrête là. Je continuerai la semaine prochaine…


  • Dîner à Genève. USA.

    Ici, tout est différent. La couleur du temps compte beaucoup ; pour aller se baigner, pour mettre ou non le couvert dans le jardin, pour arroser les fleurs. Quand il pleut on ne voit personne, quand il fait trop chaud non plus, mais aussitôt le nez dehors, on connait tout le monde et on demande des nouvelles de chacun.

    Ce n’est pas un endroit touristique, bien que la montagne et le lac en offrent les avantages. Nos voisins partent quand nous arrivons. Angiane, Antoine et leurs deux petites filles en Bretagne, Jacqueline et Marcel en Slovénie dans leur famille, Jill et son mari au Portugal. Hilary a l’intention de partir samedi pour Paris afin d’assister à l’ouverture des Jeux olympiques. Nous qui les fuyons ! Nous faisons tout à l’envers.

    Je joue du piano dans le silence et je travaille quand c’est le temps des vacances. J’aime méditer le soir sur la chaise longue du jardin en regardant défiler les nuages. À Paris, on court toujours.

    Le manège des oiseaux nous passionne. Le couple de merles a fait quatre petits cette année. Ils sont déjà grands, mais bien maladroits.

    Il m’arrive encore de regretter le métro, les sourires des Parisiens, cette vie qui ne s’arrête jamais, mais je m’habitue, je prends mon temps. Nous avons dévalisé la bibliothèque municipale et nous lisons. Pour ma part, un peu trop parfois et la tête me tourne.

    J’ai retrouvé Enricke dans la ville haute. Elle termine d’aménager son deuxième atelier de céramique. Elle m’a de nouveau proposé de cuire mes pièces dans son four.

    Henriette nous avait invités au restaurant devant la Comédie. Quel plaisir, hier, de les voir et de retrouver Genève.

    Nous y allons de moins en moins, car la circulation y devient impossible. Mais Henriette, qui connaît sa ville et nous l’a fait visiter au cours des années dans ses recoins les plus secrets, nous a assurés qu’en fin de journée et au mois de juillet, il n’y avait pas de probléme.

    En effet, après celui des pistes de l’aéroport, nous avons eu la surprise de nous enfiler dans un nouveau et luxueux tunnel. Un ou deux kilomètres sous la ville du Grand-Saconnex nous ont amenés en quelques minutes devant le Palais des Nations. Un trajet astucieux par les Charmilles nous a ensuite conduits vers le pont de la Coulouvrenière  et Plainpalais.

    Miracle ! En moins d’une demi-heure, nous sommes passés de notre hameau rustique du pied du Jura à la place Neuve, ultra civilisée avec son musée Rath, son Grand Théâtre, son conservatoire de musique, sa Comédie, les superbes immeubles aristocratiques de la vieille ville sur la muraille de la Treille. Derrière les grilles majestueuses du Parc des Bastions, une petite foule de tous âges s’agitait avec lenteur autour des grands échiquiers tracés sur le sol, bougeant avec détermination les pièces blanches et noires au milieu du silence passionné des observateurs.

    — La plus belle place du monde, d’après Stendhal, nous a dit Lionel quand nous les avons retrouvés sur la terrasse du Lyrique.

    Eux aussi étaient arrivés en avance. Lionel en avait profité pour montrer à Henriette l’église dans laquelle à l’âge de dix ans il avait commencé à jouer de l’orgue par la grâce d’une femme dont il se souvenait avec émotion. Depuis, il a fait son chemin dans le monde entier, comme exécutant et compositeur et ce furent des évocations qui ajoutèrent à la saveur des plats. Merci, chère et fidèle Henriette. Le temps ne fait que bonifier une précieuse amitié. Nous avons évoqué nos activités présentes et passées, les parcours de nos petits-enfants, même arrière-petits-enfants pour eux deux, nous félicitant d’avoir jusque-là pu conserver dynamisme et projets, malgré les pépins de santé inhérents à nos âges. Il faisait bon, une petite brise nous caressait la peau. Avant de partir, je suis allée tourner dans ce restaurant historique, sorte de prolongement du Barman du Ritz, le roman que je viens de finir.

    J’aurais pu m’éterniser sur les coups de théâtre américains qui ébranlent ces jours-ci le monde entier.

    Un attentat a miraculeusement épargné Donald Trump, la balle est passée à un centimètre de son crâne, lui arrachant seulement un petit bout d’oreille.

    Le retrait de Joe Biden, l’actuel président des États unis et candidat pour les élections de novembre prochain. Il avait montré des faiblesses cognitives inquiétantes ces derniers temps. Il laisse la place à Kamala Harris, sa vice-présidente, une femme, qui plus est métissée.

    Sans compter, chez nous en France, l’incapacité de nos nouveaux députés de proposer un Premier ministre. Le précédent se contente de traiter les affaires courantes.

    Nous en sommes réduits, stupéfaits, à nous interroger sur un avenir bien incertain.


  • Anniversaire

    Installation à Tougin. Chasser la poussière et les toiles d’araignée, débroussailler le jardin, dégager l’espace devant la porte, sortir la table et les chaises, arracher les mauvaises herbes du gravier, rabattre la vigne vierge, viendra un jour où nous ne pourrons plus.

    Temps variable. Par deux fois, nous avons pu nager dans le Léman. La première fois, ce fut un délice dans une eau à 21°, nous avions retrouvé nos muscles et cette agréable souplesse d’après le bain. La deuxième fois, un violent orage ayant repoussé l’eau de surface vers le large, le lac était si froid que nous aurions pu couler et nous sommes vite retourné sur la terre ferme.

    Nous avons dévalisé la bibliothèque de la ville. Gilles a pris Le Carnet d’or de Doris Lessing, moi, des nouvelles de Virginia Woolf, deux livres d’Andrée Chédid. Sans nous consulter, nous avons tous les deux pioché dans la littérature féminine.

    Et les enfants sont arrivés, Ève, Emmanuel et Marius. Enfants ? Cinquante ans et plus, Marius 18 ans. Comme le temps a passé ! J’ai l’impression que c’était hier lorsqu’Ève jouait avec les enfants de l’impasse. Ils avaient imaginé un cirque, invité le village à leur spectacle sous les arbres du parc. Aujourd’hui, son fils Romain termine sa dernière année d’université, Noé attend ses résultats de concours d’entrée dans les écoles d’ingénieurs et Marius se repose avant d’entrer à l’université. C’est la vie ! dit la sagesse populaire.

    Heureux de nous retrouver, nous avons parlé de tous et de chacun toute la soirée. Après une nuit reposante, ils sont montés au mont Mourex, une ultime colline au pied du Jura avant la plaine du Léman. Pas bien haute mais dont le sommet offre une vue époustouflante sur les crêtes du Jura et la chaîne des Alpes. Lieu immémorial, méditatif et druidique épargné par la foule et les touristes.

    Ils ont fêté mon anniversaire. Avec un jour d’avance. Emmanuel avait un rendez-vous à Grenoble, le lendemain, il a pris le car à côté de chez nous puis le train à Bellegarde. Un trajet particulièrement romantique lorsqu’il longe le lac du Bourget et ses roselières en face de l’abbaye de Hautecombe

    Un anniversaire qui comptera ! Marius a confectionné avec son père un gratin aux ravioles ainsi qu’un clafoutis aux abricots.  Ils m’ont offert des livres dont ce fameux roman Le Barman du Ritz durant l’occupation allemande. De quoi lire pour un moment ! Il faudra pourtant que je retourne assez vite à la bibliothèque puisque Christophe m’a dit qu’il apporterait ses dernières poésies. Gilles m’a offert du parfum.

    Oui, un bel anniversaire avec d’affectueux SMS. Le soir, ils sont montés au-dessus de Vesancy pour voir les feux d’artifice du 14 juillet au bord du lac, au pied du Salève et du Jura. Je ne les ai pas accompagnés, inquiéte de ne pas voir mes pieds et les bouses de vaches dans l’obscurité. Particularité locale : le 2 août, c’est la partie suisse qui s’illumine.

    Je n’ai volontairement pas commencé par évoquer la politique française. La nouvelle gauche, majoritaire d’un chouïa de députés, ne parvient pas à se mettre d’accord sur le nom d’un premier ministre. C’est donc le précédent, Gabriel Attal, démis de ses fonctions, qui assure la continuité des institutions, tous projets stoppés. Difficile d’être optimiste. On dirait que les réseaux sociaux ont brouillé la survenue de personnes compétentes au profit de personnalités médiatiques éloignées des réalités. On verra comment la France va réagir et défendra la sagesse de son vote. Lu sur France info :

    – On a sauvé leurs fesses, qu’ils se bougent !

    L’ancien président des Etats-Unis, Donald Trump, candidat aux élections de novembre prochain, a échappé de justesse à un attentat. La balle lui a arraché un bout d’oreille.