Cette année les premiers et huit mai tombaient un lundi. Ajoutés au grand pont de l’Ascension, au lundi de Pentecôte, le mois de mai fut un mois de grandes vacances. Ruée sur les bords de mer, dans les lieux touristiques. Imaginez les embouteillages de la rentrée.

Paris aurait pu être désert. Mais l’Europe a déferlé sur les rives de la Seine, un tourisme assez inattendu. Peu de groupes, des quantités de petites familles venues parfois de très loin. Des touristes venus d’Inde et c’est plutôt nouveau, probablement la conséquence de son boom économique. Des Chinois sont de retour, mais ceux-là déambulent en famille et semblent appartenir à une classe plus aisée et cultivée. Des Russes ? Peut-être, mais moins bruyants qu’avant le Covid. Une tour de Babel en mouvement. Dans les quartiers du centre, on n’entend guère parler français.

Dans le métro très encombré, la cohabitation est malaisée. Ils n’ont pas les automatismes des habitués. Leurs valises encombrantes menacent mes jambes fragiles, mais leur bonne humeur et leur plaisir font pardonner quelques maladresses. Ils me rappellent nos aventures avec les enfants dans New York ou Londres, il y a bien longtemps.

Le tourisme devient problématique dans beaucoup de lieux que nous avions vus autrefois peu fréquentés. Il faut désormais plus ou moins réglementer la foule, comme au mont Saint Michel, au zoo de Beauval. Ces marées humaines deviennent dangereuses.

Les temps changent. Le Covid a changé les mentalités. On veut profiter de la vie.

Un reportage à la télévision sur Washington. Soixante pour cent des travailleurs ont déserté les bureaux. Des immeubles entiers sont désormais inoccupés. Chacun préfère rester à la maison en télétravail. Les directions cherchent par tous les moyens à les faire revenir avec des salles de sport, de jeux, des lieux de repos, mais pour le moment rien n’y fait.

Il est vrai que lorsque nous avons été voir Ève à Bethesda, ou Julien à La Roya, j’ai le souvenir d’énormes bouchons quotidiens sur des autoroutes à huit ou dix voies convergeant vers Washington DC ou San Diego et je me disais que le bien être des belles maisons sur leurs yards tondus au brin d’herbe près se payait par des heures d’embouteillage. L’american life ne m’avait pas paru si merveilleuse que ça.

Un mode de vie qui avait de plus en plus gagné les métropoles françaises, toutes proportions gardées. Le télétravail avait juste un peu changé les habitudes. Des open-offices avaient été emménagés dans les centres urbains. Des buildings entiers remplis d’ordinateurs disposés en rangées serrées. Depuis ma fenêtre, je me demandais pourquoi ces gens faisaient tous ces trajets, sur des routes embouteillées ou dans des RER bondés, juste pour brancher une clé USB et communiquer par Internet. Je ne les voyais pas parler à leur voisin et j’estimais la situation peu conviviale, en tous cas étrange.

Le Covid a tout changé. Maintenant on travaille chez soi. Les prix de l’immobilier ayant chassé les familles de Paris, elles se sont installées en province dans de plus grands logements avec nature et jardins. Que leur réserve l’avenir ? Sauront-elles réinventer des relations locales ? Écoles, santé, tout s’y délabrait, il faudra remettre en route un tissu social qui coûtera cher. S’ennuieront-elles dans leurs belles maisons, loin de la vie agitée de Paris, surtout en hiver ? On ne sait pas.

Aujourd’hui dans les immeubles en face de chez nous, les open-offices sont vides. On y fait des travaux, dans quel but ?

Autre conséquence du Covid. On ne trouve plus personne pour travailler dans les métiers pénibles de la restauration, de la santé, de l’entretien. Où sont-ils passés ? De quoi vivent ceux qui les ont assurés jusque durant l’épidémie ? Le chômage est au plus bas. Les temps changent.

On dirait que les Français ont goûté aux grandes vacances perpétuelles, en tous cas à une vie meilleure. Ils refusent de repousser l’âge de la retraite. Les plus réalistes sont de plus en plus inquiets pour l’avenir. On vit sur des montagnes de dettes. Historiquement, ce n’est pas fameux.

Le grand week-end de la Pentecôte a rempli le jardin des Halles d’une foule de jeunes venus de banlieue. Pique-niques, cercles d’amis assis sur les pelouses, la bonne humeur régnait sous un soleil clément. On se serait cru sur une plage urbaine. Une sorte de parenthèse d’insouciance, de paix et de rires malgré les menaces qui planent au niveau mondial. Carpe diem.