Couronne dorée fleur de lys pour galette des rois à 50 centimes – Miss  Popcake

La loi des séries ? Les jours qui rallongent ? La fin de l’épidémie de Covid ? Ce fut une semaine familiale.

Le samedi, nous étions quatre-vingts pour un goûter chez Catherine et Philippe. Uniquement les frères et sœurs, leurs enfants, et petits-enfants. Elle avait confectionné des galettes des rois. Seize en tout. Le lendemain, les meubles poussés, ils en avaient profité pour recevoir une quarantaine d’amis. Nous sommes arrivés en peu en retard. Le matin, Gilles avait récité cinq cent cinquante vers de L’Odyssée au café homérique, j’avais eu une semaine chargée et nous ne nous étions pas réveillés de notre sieste.

Première importante réunion de famille, celle de Gilles, depuis bien longtemps ! Les plus âgés étaient un peu plus voûtés, la génération d’après avait blanchi, la suivante entrait à l’université ou commençait des vies actives. La quatrième génération, une bande d’enfants se poursuivant dans les couloirs, des bébés dormant dans leur couffin représentaient l’avenir. S’y retrouver tenait de la gageure. Nous étions contents de nous voir, comme extirpés de la paralysie des trois dernières années. On s’est demandé des nouvelles des uns et des autres, avec le maigre espoir de les mémoriser. On s’est parfois promis des revoyures, sans être bien certains d’en avoir le dynamisme.

Comme le temps a passé ! Nous sommes désormais en tête de liste pour obéir à la loi de la nature, sombrer dans le souvenir et le passé. Espérons que les traces que nous laisserons seront favorables à ceux qui arpenteront le chemin de l’existence, expérimenteront à leur tour le mystère de la vie.

Jeudi, ma famille, notre génération à Livilliers. Nous avons enfin pu remettre son cadeau d’anniversaire à Marc. Fête différée deux fois à cause du Covid chez Hervé, puis chez Yves. Ce fut un lumineux déjeuner dans la véranda. Derrière les vitrages, le soleil dorait les arbres du jardin. Un déjeuner à la campagne, avec nos souvenirs et nos projets. Il n’y a pas si longtemps, nous étions une bande d’enfants dans la grande maison de Pontoise, une bande de gamins joyeux au bord du Léman. Beaucoup d’entre nous aujourd’hui disparus ressurgissaient grâce aux anecdotes qui ont jailli en savourant le menu. Celui-ci avait attendu dans le congélateur de Catherine, et Yves avait à nouveau commandé une galette des rois chez son boulanger, un peu étonné par cette initiative tardive.

Samedi, nous avons retrouvé Philippe et Catherine. Nous nous étions si peu vus à leur galette-partie ! D’abord chez eux pour un apéritif, puis dans un restaurant japonais à côté de Saint-Roch. Nous avons pu évoquer les uns et les autres, ceux que nous avions aperçus, ceux qui n’avaient pas pu venir. Il est vrai que la famille s’étend. Les uns à Singapour, les autres au Mexique, d’autres encore au Brésil. Nous avons évoqué la mort brutale d’un neveu durant son jogging, un père de trois jeunes enfants. Nous avons dégusté du foie gras poêlé aux arômes japonais et du cochon grillé. Une fois n’est pas coutume et le Covid nous avait fait faire des économies. J’ai merveilleusement bien dormi la nuit qui a suivi

Et dimanche, anniversaire de Gilles. Nous sommes allés chez sa sœur Nicole.

À 92 ans, après une grippe qui l’avait fatiguée et un peu déprimée, elle renaît. Indépendante et vive, jolie et souriante, ridée par le soleil de la plage de Wimereux, elle râle parce que ses enfants ne veulent plus qu’elle conduise. Elle nous a servi le champagne d’une main ferme. Macarons en assortiment.

Nous avons évoqué Serge, son mari, décédé l’année dernière à presque cent ans. Nous étions ravis tous les trois de parler d’un temps qui n’intéresse pas les jeunes. La vie d’autrefois à Lozembrune, des personnes disparues depuis longtemps, tout un monde qui a fait notre jeunesse. Nous avons évoqué enfants et petits-enfants, pour elle arrière-petits-enfants, sans fard, avec la sagesse de notre âge. Nicole possède un esprit un peu voltairien, en tous cas très dix-huitième siècle, une liberté de parole qui m’a frappée alors qu’aujourd’hui, le politiquement correct envahit les conversations. Au nom de la tolérance, on ne s’autorise plus les réflexions colorées. Notre époque est plus retenue et peut-être plus normative qu’autrefois. On ne dit pas, on suggère et il faut comprendre.

Nous nous sommes quittés trois heures plus tard, enchantés de notre après-midi.

Pourquoi ne pas partager des instants familiaux heureux ou malheureux qui font la trame de nos vies à tous, d’une manière ou d’une autre ?