Vous allez peut-être me demander ce que sont devenus nos voisins, « artistes en exil ». Nous les avons oubliés durant une semaine et ce fut presque une surprise lorsque samedi dernier le tintamarre de leur musique a de nouveau surgi de la cour de l’immeuble de la Ville. Non pas le doux son de la guitare ou de la flûte du Moyen-Orient, de l’Afrique, les mélopées qui accompagnent le crépuscule et l’arrivée de la nuit mais la sono caractéristique des amplificateurs numériques urbains. Un peu moins tonitruant que le samedi précédent, mais tout de même suffisant pour fermer les fenêtres. Heureusement, il pleuvait et ils ont arrêté avant minuit.

Dans notre cour, une petite dizaine de jeunes adultes ont pris le relais, fenêtres ouvertes. Pas de musiques, mais des discussions passionnées, sautes de voix, fort sympathiques d’ailleurs, mais qui résonnaient entre les murs de la cour. Passé minuit, je me suis penchée pour lancer un appel. Une jeune fille a fini par se lever et je lui ai dit le plus gentiment possible :

— Vous seriez gentils de fermer la fenêtre !

— Bien sûr, excusez-nous, on n’y avait pas pensé ! me répondit-elle et c’est gentiment qu’elle a fermé la fenêtre.

J’allais m’endormir lorsque leurs voix ont de nouveau retenti. Il est probable qu’un des convives dans la chaleur de la conversation avait rouvert la fenêtre afin de leur éviter une contamination Covid ; les jeunes remplissent désormais majoritairement les hôpitaux. J’ai fini par sombrer dans le sommeil. Quand je me suis levée vers deux ou trois heures du matin pour un besoin naturel, ils discutaient encore. Ah, le silence qui régnait durant le grand confinement ! …

Retrouvé Pierre à Saint Eustache. Nous avons discuté au bistro. Il réfléchit beaucoup. En parallèle de son travail, il peint chaque jour un autoportrait sur de tout petits formats. C’est l’occasion pour lui de s’aventurer vers des recherches d’expression, de couleurs, vers des abstractions métaphysiques, une exploration de l’abstraction et de la figuration. Cette démarche lui est devenue indispensable. Il en remplit des dizaines de carnets qu’il confectionne lui-même.

Joël Bastard fait un peu la même chose dans sa montagne. Il a exposé récemment des dizaines parmi ses centaines d’autoportraits, sous le titre : A4.

 Moi qui ne suis jamais parvenue à faire le moindre autoportrait, d’abord parce qu’avec des lunettes, ce n’est pas facile, ensuite parce que je suis trop curieuse des autres pour me regarder longtemps !

La vie a repris à Paris. Il pleut. On bouge quand même, on oublie son parapluie, on glisse sur les feuilles d’arbres mouillées, le métro est bourré, les bus roulent avec difficulté, les vélos dérapent, les voitures nous giclent sur les jambes, mais c’est tant pis, on avance. Et ce n’est pas si mal !

Pléthore d’expositions, de spectacles sont proposés. Le monde de la culture met les bouchées doubles, on se rattrape des deux années de disette. Réjouissant et dynamique, mais nous ne savons pas trop que choisir. La machine a besoin d’être remise en route. Même les retrouvailles dans les restaurants ne sont plus tout à fait pareilles.

Pour ma part, je continue de travailler. Avant ou après, avec ou sans Covid. C’est la vie !