Quinze jours de temps pourri. Pluie toute la journée. Quelques éclaircies.

Des inondations ont ravagé l’Europe, surtout l’Allemagne et la Belgique. Près de 200 morts. Des glissements de terrain. Le Léman est monté de 40 cm, du jamais vu. Pendant ce temps, le nord-ouest des USA et du Canada est en proie à des incendies qui détruisent des villes entières, conséquences de sécheresses extrêmes. Des températures à près de 50°. Le climat de la terre se détraque. Est-il encore temps de renverser la vapeur ? J’en doute. Le volant de manœuvre a déjà probablement dépassé les possibilités humaines. On pourrait tout juste limiter les dégâts, ce qui demanderait une sagesse que la surpopulation, les différences de niveaux de vie, la violence qui en résulte, la prolifération des armes, l’excès de communication internet et ses informations incontrôlables, l’incapacité de s’astreindre à des obligations à long terme rendent difficile pour ne pas dire impossible. Nous pouvons seulement apprendre à nos enfants à réfléchir par eux-mêmes, à résoudre les problématiques du quotidien au jour le jour, à ne jamais perdre de vue la solidarité et l’affection seules antidotes à la déshumanisation.

Le milliardaire Richard Branson a décollé, ce dimanche 11 juillet. Le vaisseau a réalisé un saut au-dessus de l’atmosphère, pour quelques minutes en apesanteur. Son but était de promouvoir un tourisme dans l’espace. Entre 200 000 et 400 000 euros le billet, bilan carbone gigantesque. Pendant ce temps-là, la famine sévit dans de nombreux pays et les réfugiés climatiques sont de plus en plus nombreux.

Noé et ses amis ont un peu marché dans le Jura, s’extirpant comme ils le pouvaient des fondrières, ils sont allés visiter Nyon. Ils ont surtout retenu le prix exorbitant de l’immobilier et le luxe des voitures en Suisse. A les entendre, la visite au château de Voltaire tournait plus sur la fortune du philosophe, de ses gains par des martingales astucieuses, que sur le développement de Ferney et l’affaire Callas. Par la suite, Julien est arrivé avec Thomas et son ami Gaël. Ils ont visité Genève. Les enfants en sont revenus également épatés par le nombre de Lamborghini et de Ferrari aperçus dans les rues et les parkings.

Puis la bise a soufflé. Elle a tordu les arbres, hurlé dans les fenêtres et chassé les nuages. Ce matin, le calme est presque de retour. Les enfants sont à l’école d’escalade. Gilles traduit son grec, gratouille son jardin, arpente les ruelles de Tougin vers le Carrefour Market, sac de provision au bout du bras. Julien a installé son bureau pour travailler à distance. Je retrouve mon clavier.

Et je repense à la journée d’hier chez Agnès et Wilfrid. Nous étions onze autour de plusieurs tables mises bout à bout dans leur cour. Ils ont acheté cette maison il y a deux ans, une très vieille maison au centre du bourg, accrochée à la muraille. Elle étale ses niveaux et ses jardins sur quatre étages. Nous y étions agréablement à l’abri de la bise, réunis par l’amitié. Armand et Lise, leurs enfants, 17 et 12 ans, Maria la Péruvienne, le filleul de Nogent-sur-Oise, l’ami du Creux du Loup, Julien et les deux garçons Thomas et Gaël. Les trois grands venaient de réussir brillamment leur bac, ils attendaient leur affectation pour la rentrée, manifestement passés à l’âge adulte, contrairement à Noé et ses amis quelques jours plus tôt aux réactions encore adolescentes. Un an, ça compte à cet âge ! Lise, seule fille parmi tous ces jeunes, écoutait plus qu’elle ne participait. Comme elle était jolie avec ses grands yeux noirs, sa tignasse brune qui descendait sur ses épaules, son corps souple et délié !

On a beaucoup évoqué le travail de costumière de Maria. Elle a travaillé pour les plus grands théâtres, en particulier pour la Comédie française. Elle a raconté les commandes, la conception, le stress qui l’accompagnait en permanence, l’angoisse de ne pas finir à temps, l’esprit critique lors des premières représentations. Elle a été contrainte d’arrêter à la suite de problèmes de santé, mais elle ne le regrette pas. Elle l’avait même plus ou moins anticipé. Désormais, elle fait des sculptures en toute liberté et expérimente des techniques sophistiquées auxquelles je n’ai pas compris grand chose. En principe, on se reverra à l’atelier à Paris, cet automne. Je m’en réjouis à l’avance.