Le Street Art Fest se déroule jusqu'au 4 juillet dans l'agglomération grenobloise. (CAPTURE D'ÉCRAN FRANCE 3 / Florine Ebbah)

Le temps est toujours aussi incertain. Réveil au soleil, quelques heures plus tard le Jura se charge de gros nuages noirs qui se vident sporadiquement comme des seaux d’eau.

Heureusement les garçons, Thomas et Gaël (11ans) ont pu bénéficier d’une semaine plus sèche pour leur stage d’escalade. Ils sont ravis. Le soir, scrabble, rami, mais surtout leur jeu électronique, le switch, encore un truc qui peut les tenir immobiles, les yeux vrillés sur l’écran pendant des heures sans que jamais ils ne se lassent.  Une addiction contre laquelle Julien lutte vaillamment et on l’espère victorieusement.

Nous sommes allés à Thonon déjeuner chez Marie. Quel plaisir de se retrouver entre compères, Pierre et Nicolle Christin, JMH, Hélène Gestern, sans enfants dans les pattes. Une belle liberté de parole ! A évoquer nos travaux de peinture et d’écriture, nos vies d’adultes, les souvenirs de rencontres, d’expositions, de lectures, de théâtre dans cette cour qui me fait penser à Roméo et Juliette. Pouvoir parler de Metoo sans périphrases, effleurer la politique dans le respect de chacun. Se permettre des jugements sans la crainte de se voir mis au pilori. Nous avons l’intention de nous retrouver à l’occasion de la foire de Crête … si elle a lieu, il est question de l’annuler.

En effet, contre toute attente le Covid flambe.  On espérait un été serein, comme l’année passée. Hélas, la souche surgie en Inde lors de l’énorme infection du printemps dernier s’est répandue d’abord au Royaume-Uni, puis dans les pays ayant ouvert leurs frontières au tourisme pour d’évidentes  raisons économiques : le Portugal, l’Espagne… Contre toute logique, on avait espéré y échapper, mais aujourd’hui  la courbe des contaminations monte quasiment à la verticale. Les vaccinodromes désespérément vides se sont soudain remplis à la suite d’une annonce du gouvernement exigeant un pass sanitaire pour entrer dans beaucoup de lieux publics. Quoique 75 % de la population soit favorable à cette mesure, une minorité continue à s’opposer à la vaccination au nom de la liberté et de la démocratie. Comprenne qui pourra !

Nous sommes allés à Grenoble vendredi pour voir Ève et sa famille et pour acheter de la mousse à la découpe afin de changer les coussins du salon. Ils avaient fait leur temps. Nous avions trouvé ce canapé d’occasion à la Renfile il y a presque cinquante ans. Côté écologie, nous sommes assez imbattables et dignes de poser les pieds dans une ville pionnière en la matière. L’herbe y pousse dans les rues sans beaucoup d’entraves, lui donnant parfois des allures de Tchernobyl.

Je voulais aussi voir ses façades de street art. Des artistes spécialisés venus souvent du monde entier sont financés par les copropriétés. Une fois choisis sur book par une association, ils sont presque totalement libres de leur sujet. Ces grands pans de mur peints offrent  une expression difficile à négliger. Un article illustré de photos m’avait intriguée. Peu à peu Grenoble et son agglomération sont devenus un des principaux centres européens de cette nouvelle forme d’art qui se veut éphémère bien qu’on ne sache pas trop comment ils vieilliront. Un festival s’en est suivi avec des rencontres diverses. Les nouvelles façades semblaient évoluer, partant d’images de BD agrandies et d’un expressionnisme proche des films de science-fiction, vers plus d’originalité.

En effet, un curieux trompe-l’œil déformait un immeuble le torsadant vers le ciel, l’ampoule et les deux poissons ne manquaient pas d’intérêt et même de charme. Les petites fenêtres servaient de prétexte à des reliefs inattendus et judicieux. J’ai été impressionnée par la qualité de l’exécution. Les artistes travaillent dans des nacelles télécommandées, projettent  la nuit des photos pour la mise en place. Logistique bien rodée, impossible de ne pas admirer l’exploit. Mais après un certain temps, je me suis prise à penser que je n’aimerais pas voir tous les jours en sortant de chez moi ces voitures entassées, cette ampoule électrique, cette baleine suspendue sur 20 mètres de haut. Il me semble que mon espace et le plaisir de laisser mon regard s’attarder sur les montagnes environnantes, sur les passants, sur cette poésie de l’instant qui est ma raison d’exister, en seraient véritablement perturbés.

De retour à Tougin, il m’a fallu toute une nuit pour me détendre. Heureusement, Thomas et Gaël, leurs bonnes bouilles, leurs blagues, un petit mot à la fenêtre de ma nouvelle voisine malgache m’ont remis le cœur et l’esprit en place.

Ils sont partis ce matin et la maison paraît bien vide. Je vais installer mon atelier de peinture, continuer la mise en forme de ces chroniques. Mon dos me laisse tranquille.