Il y a maintenant quinze jours que nous sommes revenus de Sicile. La vie parisienne nous reprend avec ses activités diverses, souvent inattendues, la Sicile s’éloigne, mais elle garde la saveur d’un souvenir précieux. Avec l’âge, j’évite de négliger les bons moments vécus, à vivre. Le souvenir de notre deuxième journée à Syracuse frappe à la porte.
J’aimerais tant voir Syracuse
L’île de Pâques et Kairouan
Et les grands oiseaux qui s’amusent
À glisser l’aile sous le vent.
Voir les jardins de Babylone
Et le palais du grand Lama
Rêver des amants de Vérone
Au sommet du Fuji-Yama.
Voir le pays du matin calme
Aller pêcher au cormoran
Et m’enivrer de vin de palme
En écoutant chanter le vent.
Avant que ma jeunesse s’use
Et que mes printemps soient partis
J’aimerais tant voir Syracuse
Pour m’en souvenir à Paris.
Chanson écrite par Bernard Dimay que nous avions célébré à Montmartre en mai dernier, mise en musique et chantée par Henri Salvador.
Syracuse lumineuse et multiple. La mer de toute part éclabousse les murailles blondes de l’île d’Ortiaga. Maisons à balcon serrées les unes contre les autres, rues étroites et tortueuses protégées des tempêtes et des chaleurs extrêmes. Nous avons déjeuné sur une petite terrasse, rafraîchis par le vent de la mer qui dansait au loin entre deux murs ouvragés.
Nous avons déambulé à la recherche de la place dont nous avait parlé Maurizio. Ce fut une surprise de déboucher sur un vaste espace aux larges dalles claires, entouré de palais et d’églises d’architectures diverses. Un mur à créneaux normand, un palais espagnol, un palais italien, une église baroque-français. Maurizio avait insisté sur les innombrables invasions dont son île avait fait l’objet durant des siècles. Il en montrait une étrange fierté comme si elle avait su tirer le meilleur parti des Grecs, des Normands, des Français, en passant par les Arabes et les Carthaginois qui s’y étaient succédé. Contrairement à l’habitude, les vainqueurs n’avaient pas détruit les bâtiments construits par les vaincus.
Nous avons dégusté une glace « granito » devant la façade baroque de la cathédrale Sainte Lucie. Elle était fermée et nous n’avons pas pu voir le tableau de Caravage qu’elle conservait dans son sous-sol. Dommage ! Le peintre avait trouvé refuge à Syracuse durant plusieurs années, on peut penser que ce tableau exprimait sa reconnaissance.
En savourant ma glace à la pistache, spécialité de la Sicile, je fus frappée par la vie qui émanait de cette place aux influences multiples. À notre époque où chaque pays revendique des identités plus ou moins fabriquées de toute pièce et s’entretue pour des histoires de religion et de morceaux de territoire, j’y ai trouvé la possibilité d’une richesse conjointe et tolérante.
Nous sommes retournés à la voiture par la rue centrale bordée d’échoppes pour touristes. Beaucoup de céramiques, une autre spécialité sicilienne. Nous avons vu un poisson frétillant, aux écailles luisantes comme s’il sortait de l’eau. Je m’y connais un peu en céramique et je me suis demandé par quel miracle, il avait pu sortir aussi vivant du four. La jeune vendeuse a surpris mon regard étonné, mais elle ne parlait pas français.
Après des plongeons dans la piscine, nous avons encore passé une bonne soirée avec Marina. Son beau-frère nous avait cuisiné des cannelloni à la façon sicilienne ! Un délice aux herbes du jardin. Encore une bonne soirée de conversations passionnantes. Marina est fan d’opéra, au point d’avoir appelé sa fille Pamina en hommage à La Flûte enchantée. La Scala, Bayreuth n’ont pas de secrets pour elle. Elle est, naturellement, une inconditionnelle de Bellini, natif de Sicile.
Intarissable, elle nous a fait partager son enthousiasme.
Le lendemain, nous avons conduit Marina à l’aéroport pour son retour à Paris avant de continuer vers le centre de l’île. Elle nous avait laissé les clefs de sa maison et nous avions l’intention de retourner dormir chez elle les vendredi et samedi soir avant de repartir pour Paris.
(à suivre)
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