Ève et sa famille. Henriette et Lionel Rogg.
Maison vide. Ève et sa famille de retour de Bretagne sont venues passer quelques jours à Tougin. Ils sont repartis ce matin. Et comme toujours, il faut reprendre le fil du travail, retrouver le silence de la maison.
Je lave des piles de draps et le bruit de la machine à laver remplace les appels, le bavardage de Marius toujours prêt à défendre une cause plus ou moins tordue, la préparation des repas, les allers et venues pour des promenades improvisées. 19, 17, 15 ans, ils frisent tous les trois les deux mètres et ne sont plus des enfants. Il faut s’adapter. De part et d’autre. Ce n’est pas toujours facile, mais lorsque la confiance se met en place, la liberté de parole participe à une aventure affectueuse où chacun prend sa part. Tellement agréable ! Il est plus que jamais indispensable de cueillir les instants de respiration en ces temps de Covid, de dérèglement climatique et de conflits incessants.
La planète flambe. Des températures exceptionnelles ont allumé des feux au Canada, en Californie, en Grèce, en Algérie, en Espagne, en Turquie, en Sibérie, etc. Des millions d’hectares de forêts, des milliers de villages, de maisons ont disparu dans les flammes. En parallèle, des inondations tout aussi exceptionnelles déstabilisent les sols provoquant des coulées de terrain qui emportent tout sur leur passage. Le changement ne pouvant plus être nié, plutôt que d’agir — d’ailleurs, le peut-on encore ? — on préfère l’assimiler à une nouvelle ère climatique sans relation avec la présence humaine. C’est tellement plus simple !
Hier, les talibans sont entrés dans Kaboul comme dans du beurre, après avoir repris la campagne, puis toutes les villes d’Afghanistan. On ne sait pas s’ils vont instaurer un régime de terreur comme en 1994 avant que les USA ne les chassent pour complicité dans l’attaque des tours de Manhattan. Femmes en burka, interdites d’école, charia, tribunaux arbitraires. L’argent, avec ou sans eux, provient des plantations de pavot qui inondent la planète d’héroïne, une économie florissante. En retirant leurs troupes, les Américains leur ont laissé la place, ne voulant pas continuer d’alimenter une corruption qui ne permettait pas aux Afghans de se prendre en charge.
L’aéroport de Kaboul est pris d’assaut dans la crainte d’un massacre généralisé. Ces exilés vont-ils grandir la cohorte des réfugiés plus ou moins pris en charge par les organisations internationales, déstabilisant à leur tour les régimes démocratiques par la tentation de politiques autoritaires, inefficaces et liberticides ? Les talibans ont-ils compris qu’ils vont avoir besoin de toutes les bonnes volontés ? J’en doute.
J’apprends la mort de Geneviève Asse, peintre abstrait, elle a juxtaposé des surfaces de bleus pâles séparées par des lignes incertaines sur des toiles de toutes dimensions, un art secret qui a assez vite trouvé son public. Pourquoi donc ne puis-je éviter de me fondre dans une nature, dans des lacs, des roseaux, de retrouver la texture d’une peau, le mouvement d’une foule alors que l’art contemporain se cherche dans le concept, ou le militantisme. Fausse route ? C’est possible ! Mais j’ai besoin de la sensualité partagée entre la réalité, la main et le regard.
Hier, nous avons reçu nos amis Henriette et Lionel Rogg, organiste et compositeur de renommée internationale. Après le déjeuner dans le jardin (condition requise, en raison du Covid), avec enfants et petits-enfants, il a bien voulu jouer sur mon piano. Celui-ci, qui n’a pas été accordé depuis plusieurs années – il hiberne dans une maison sans chauffage – a tout de même fait bon ménage avec Liszt et un pianiste bienveillant. Ce fut un petit miracle musical de vie et d’amitié. Henriette nous a dit que Lionel n’acceptait que rarement de jouer à l’extérieur de chez lui, en dehors des concerts. Il prépare un programme pour cet automne. Nous reviendrons l’écouter depuis Paris.
Ce matin, le soleil brille, mais un vent froid souffle nous rappelant que le 15 août est passé.
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