Il y a quelques années dans le triangle à la jonction de la rue du Louvre et de la rue Montmartre, une sorte de mini square a été aménagé avec une dizaine d’érables, des bosquets, des bancs et un kiosque à journaux, peut-être à l’initiative du 2e arrondissement à l’époque la seule mairie écologiste de France avec Grenoble. Arrondissement le moins vert de Paris, le plus petit espace de trottoir disponible y a été planté d’un arbre. Des murs végétaux ont été encouragés sur quelques façades aveugles. Un immeuble au coin de la rue du Sentier croule sous une végétation luxuriante en une cascade plutôt inquiétante. Dorénavant, dans ce quartier du centre aux rues étroites, de presque partout on peut voir une tache de verdure.

Samedi après-midi, l’autobus tardait et je suis allée à pied prendre le métro à Grands Boulevards. Il y avait foule dans les rues, des queues interminables devant certains magasins, et dans le petit square que la mairie peine à maintenir propre, des jeunes prenaient le soleil. La différence avec le dimanche précédent m’a frappée. Ces jeunes, tous sans masques grignotaient ou discutaient avec un sérieux qui n’était pas de leur âge. Comme je sortais mon smartphone pour les photographier, un garçon a levé les yeux vers moi de dessous la visière de sa casquette.  Il y avait dans son regard un quelque chose de las et d’inerte. J’ai soudain réalisé combien les confinements et les restrictions sanitaires étaient nuisibles à leur vitalité. Arrivée sur le boulevard de Montmartre, ses restaurants, son musée Grévin, ses théâtres fermés depuis des mois, les files de voitures circulaient entre les trottoirs presque vides. Il s’en dégageait une tristesse délétère.

De retour à la limite du couvre-feu, le quartier semblait plus mort encore, de sorte que le soir j’ai été surprise de voir à la télévision des images de foule le long de la Seine. Une multitude s’était répandue sur les quais ensoleillés, une foule si compacte que le lendemain dimanche,  la police a dû intervenir et l’évacuer vers le quai supérieur.

Depuis, le gouvernement envisage de fermer Paris en fin de semaine, comme à Nice et à Dunkerque où les bilans sanitaires sont catastrophiques. Ces deux villes peuvent avoir pâti de carnavaleux clandestins. On ne connait toujours pas l’impact des promeneurs des Buttes-Chaumont sur la remontée de l’épidémie en novembre, ne serait-ce pas plutôt le froid et le confinement en intérieur qui en serait la cause ? Toujours est-il qu’Anne Hidalgo, notre maire, renâcle. Elle plaide contre l’inhumanité d’une telle mesure, on peut la comprendre. Les jeunes de la rue de Montmartre semblaient atteints d’une maladie peut-être plus invalidante que la Covid. Heureusement, la jeunesse possède des ressources que les innombrables catastrophes des temps anciens n’ont jamais tout à fait entamées.

J’imagine la complexité des discussions entre les scientifiques, les médecins et les politiques au sein des commissions chargées de décider des restrictions sanitaires !