Die Dreigroschenoper in der Inszenierung von Robert Wilson am Berliner EnsembleOn nous réunit dans une salle du ministère des Affaires culturelles, austère bâtiment administratif. On était loin des dorures du Palais-Royal à Paris. Respectueux des productions de la RDA, de la qualité de sa musique, du théâtre de Bertold Brecht, de Kurt Weil et son Opéra de quat’sous, influencés par des intellectuels français proches du marxisme, comme Aragon ou Jean-Paul Sartre, nous prîmes place autour d’une grande table qui n’aurait pas déparé dans une MJC de quartier et nous avons salué le ministre.

Fougeron, en habitué des voyages à l’est, prit la parole en notre nom. Après quelques compliments d’usage, il nous engagea à nous présenter les uns après les autres. Nous fîmes un tour de table. Les honneurs et les compétences défilaient, à la satisfaction du ministre et de ses adjoints, qui voyaient là de futurs ambassadeurs qualifiés pour leur demande de reconnaissance internationale. Quand vint mon tour, il y eut un léger silence. Les huiles se demandaient depuis le départ ce qu’une jeune femme de moins de trente ans sans qualité particulière faisait dans leur cénacle, me considérant tout au plus comme une de leurs élèves. En fait, entre mes activités de professeur dans deux MJC, dans un institut pour enfants en difficulté et mes réalisations en matière de sculptures monumentales et de vitraux, je remplissais largement les conditions de ce voyage. Je surpris des regards étonnés. Et le tour de table se poursuivit. Musiciens, écrivains, journalistes dont les propos étaient traduits avec le plus grand soin.

Avec le recul et la chute du mur de Berlin, la démarche me semble aujourd’hui intéressante. Lorsqu’elle n’est pas au service de la propagande, la culture est un moyen efficace de dialogue. En tous cas, il émanait de cette réunion la volonté de dépasser les incompatibilités entre les deux blocs. On n’en était plus au temps des intellectuels français pris au piège des salamalecs staliniens.

(à suivre)