Le groupe d’une dizaine de personnes s’est constitué dans l’entrée. Je sus par la suite que la plupart se connaissaient, vieux routiers des relations avec le bloc soviétique : André Fougeron, peintre de la réalité sociale, professeur à l’École des Arts Décoratifs, Guy de Bosschère, un poète et essayiste, spécialiste des relations est-ouest, une journaliste dont je ne me souviens plus le nom, James Pichette…, tous en vue à cette époque. Quelques jeunes manifestaient un scepticisme contrastant avec la superbe de leurs aînés ; nous n’étions pas loin de mai 68. Pour ma part, je planais, incapable de décrypter quoi que ce soit dans cet improbable compagnonnage que je devais à une modeste participation en tant que professeur de dessin aux activités d’une MJC de quartier.
On nous emmena dans un restaurant qui surplombait Dresde. Rendez-vous huppé de la bourgeoisie d’avant la guerre, on nous fit comprendre avec discrétion, mais non sans une certaine fatuité qu’il était réservé à l’élite de la ville. À nos yeux d’occidentaux, il avait plutôt des allures de cantine d’entreprise. Un Autrichien issu de la diplomatie, personnage ambigu, se chargeait à demi-mot de nous guider dans la lecture des apparences. Avec le recul, je me demande si cet homme ne comptait pas un peu sur nous pour fuir vers l’ouest.
(à suivre)
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