Dans Cholet, nous avons cherché une pâtisserie. L’affaire était délicate. Le gâteau devait rester dans le coffre de la voiture jusqu’au soir et la température avoisinait les 28°. Une rue déserte, une place de parking, la boulangère me proposa une drôle de tourte aux prunes avec une large ouverture ronde en guise de cheminée « Ce qu’il vous faut ! Plus elle chauffera, meilleure elle sera ! Une spécialité locale. » Elle rayonnait de fierté.

Quel plaisir de retrouver Danielle Morellet et son fils Frédéric ! Gilles put visiter l’atelier et les salles d’exposition de François que j’avais eu le privilège de voir avec Jean-Marc quelques mois auparavant. À son tour, guidé par Frédéric, il put se réjouir des jeux sur les nombres, des facéties sur la notion de tableau, du refus de se prendre au sérieux, une sorte de philosophie à la fois hédoniste et respectueuse de l’autre. Son grand cercle de néons, accroché au plafond, répandu sur le sol,  intitulé Lamentable m’a de nouveau fascinée.

Une promenade dans le jardin éclairé de cyclamens roses, des croquettes pour chiens lancés aux poissons de l’étang et nous avons discuté autour d’une tasse de thé. J’aime ce sentiment de liberté qui les entoure. J’aime la respiration d’une conversation qui s’improvise sans préjugés. Danielle avait été une pianiste de premier plan, elle avait prénommé son fils Frédéric à cause de Chopin. Chopin et Ravel, ses deux amours, après François naturellement. Et Frédéric de dire « j’ai risqué de m’appeler Maurice… ». Pourtant pas mal non plus…

Il nous fallait partir. Frédéric s’apprêtait à faire ses quotidiennes longueurs dans la piscine, Danielle malgré son étonnante forme (92 ans) pouvait se sentir fatiguée d’une journée bien remplie, Anne-Marie et Arnaud nous attendaient à Saumur et nous nous sommes quittés avec regret. Quand nous reverrons-nous ? Et je pensai à François Morellet, à cette curieuse suspension du temps qu’évoque son œuvre, il me semblait que je la vivais au premier degré.

(à suivre)