Nous avons sauté dans le TGV mercredi dernier. Trois heures plus tard, nous avons ouvert le portail du jardin sous la pluie. Les herbes avaient poussé, les oiseaux gazouillaient et la maison nous attendait sans aucun des problèmes que nous avions craints.

A Paris, mon frère Yves nous avait dit qu’il n’avait pas installé de VMC (ventilation forcée) dans sa maison de Belle-Ile parce que c’est une cause fréquente d’incendie. Il préférait laisser des fenêtres entrouvertes derrière les volets. Nous avons vu sur internet qu’en effet leurs moteurs devaient être souvent vérifiés. La nôtre avait tourné pendant cinquante ans sans un regard.

Nous avons aussitôt téléphoné à notre voisin Marcel pour qu’il l’arrête. Il ne s’est pas fait prier. La bise, ce vent semblable au mistral, peut attiser et réduire en cendre des pâtés de maisons en un rien de temps.

Mais le printemps très pluvieux cette année nous avait laissé craindre des dégoulinades de condensation. Le lendemain de notre arrivée, Gilles a couru chez Leroy Merlin pour lui trouver une remplaçante. Il était temps, une partie de la boite est tombée en poussière lorsqu’il l’a ouverte.

 C’est ainsi que nous avons réalisé combien le temps avait passé, que l’époque où jeune ménage nous avions emménagé était désormais fort loin. Le jardinage nous le rappelle, la terre est basse lorsqu’il faut arracher les mauvaises herbes, les marches des escaliers de notre vieille maison de plus en plus hautes. Et pour Gilles, se glisser dans le grenier, décrocher et remplacer la VMC ne coulait plus de source.

S’il nous fallait en prendre conscience, les visiteurs de la maison d’en face s’en sont chargés. Madame Péaquin est morte cet hiver. Elle s’est éteinte paisiblement dans son sommeil. Elle vivait en Epahd. Depuis une vingtaine d’années, sa maison était inoccupée, mais Jacqueline sa voisine, ouvrait les volets chaque matin, et chaque soir les refermait. Denis tondait le jardin, arrachait les mauvaises herbes et chaque printemps installait géraniums et dahlias. Une maison fantôme qui nous évoquait sa propriétaire invisible, mais éternelle.

Sans descendance, de lointains cousins en ont héritée et l’ont aussitôt mise en vente. Finis madame Péaquin, son mari, leurs chiens, leur jardin potager, leur collection de glaïeuls, leurs histoires sur le vieux Tougin, leur guéguerre contre les ballons des enfants, les airs d’opéra qui résonnaient dans la vignette. La maison est en vente. Juste devant la nôtre, de l’autre côté de la rue.

Il y défile quantité de visiteurs, l’agent immobilier nous a dit que le marché reprenait, les banques prêtent à nouveau. Nous avions craint qu’il ne s’y construise un petit immeuble, il nous a rassuré. La zone est en espace naturel. Mais entre des petites familles et de jeunes retraités, j’ai vu arriver un homme, touffe de cheveux sur un crâne rasé, des anneaux dans les oreilles, bottes pointues et blouson de cuir noir, la quarantaine passée, visage barricadé. Il s’est attardé dans le grand garage donnant sur la vignette et le bois de peupliers. Mon sang s’est figé quand j’ai réalisé que ce pourrait faire un superbe lieu pour quelque orchestre de rappeurs bourrés d’énergie !

Je me suis remis le cœur en place en évoquant avec Jill sa lecture de Byron à l’ONU devant l’ambassadeur de Grande-Bretagne, à la suite de notre aventure du mois d’octobre dernier dans l’école de musique de la ville. Elle m’a dit qu’Hillary avait été invitée dans les Caraïbes chez des amis pour un mariage luxueux. Elle avait reçu des photos de son amie en bikini au bord d’une piscine sous un soleil des mers du sud. Pour qui connaît la plantureuse mais plus très jeune Hillary, ses cheveux blonds et sa bonne humeur, on peut encore espérer de l’inattendu, …et peut-être du meilleur !

Lu Seul dans la nuit de Paul Auster. La bibliothèque municipale ayant été dévalisée à la suite de sa mort, il ne restait plus que ce roman sur la guerre en Irak et son influence sur la vie d’un écrivain, l’écriture comme remède. Le rapport entre la réalité et la fiction. Brillant ! …Trop brillant ?