Vite avant d’oublier ! Le lendemain mardi, nous sommes donc repassés devant le Rathaüs où le cirque se démontait. Une noria d’hommes costauds s’employait à transporter des tubes de fer et des planches de bois. Ils travaillaient dans un silence qui contrastait avec le bruit de la veille. Noria bien rodée dont on devinait que chaque mouvement était immuable. Il y a quelque chose d’émouvant dans ce nomadisme perpétuel. L’un d’entre eux a dû comprendre mon sentiment ; quand je les ai photographiés, il m’a comme remerciée d’un chaleureux sourire. Mais plus tard, j’ai appris que le cirque Roncalli présentait un célèbre numéro de fauves. Même si ces animaux sont nés et ont toujours vécu en captivité, je ne supporte pas de les voir tourner en rond dans leurs minuscules enclos au lieu de courir dans la savane africaine.

J’ai ressenti une impression un peu semblable lorsque nous avons visité le Hofburg. Les ors et l’immensité du palais impérial ne cachaient pas les impératifs de la cour, de l’étiquette, le travail acharné de l’empereur, les requêtes, les fastes obligés. Une immense cage dorée. Ce genre de visite ne m’inspire aucun désir de pouvoir.

 

 

Comme je comprends l’impératrice Élisabeth d’Autriche d’avoir fui Vienne ! Le musée qui lui est consacré à l’étage supérieur est touchant, d’autant plus qu’à Genève nous passons souvent sur le quai où elle fut assassinée. Je ne lui envie pas ses wagons particuliers, ses robes magnifiques, ses dames de compagnie et même pas ses palais italiens et ses palaces suisses. J’y vois plutôt des voyages à escarbilles de suie, des robes qui serrent et qui piquent, des accompagnatrices encombrantes, des palais à gérer, des courbettes serviles. La liberté me semble faire mauvais ménage avec l’apparat,aujourd’hui comme hier.

 

 

Heureusement qu’ensuite nous avons visité la maison de Mozart.

Parmi les douze maisons qu’il habita à Vienne, elle abrita de 1784 à 1789, les moments les plus heureux de sa vie. Il y composa les Noces de Figaro. Une plaque à son nom était posée sur une belle maison ancienne. Ne voyant pas de porte nous sommes allés nous renseigner dans l’hôtel-restaurant à sa gauche. Nous sommes entrés par un porche dans une cour surmontée d’une verrière, sorte de salon d’hiver assez luxueux où se tenaient des clients du genre jet set. Le garçon ne se fit pas prier et nous conduisit jusque dans la rue pour nous faire contourner l’angle de la maison.

 

 

Quel plaisir d’être plongé dans l’univers de Mozart ! Le musée englobe les pièces qu’il a occupées avec sa famille. Les salles aux planchers d’époque distillent à l’aide de tableaux, de documents et d’un audio guide très bien fait  des informations sur sa musique et son mode de vie. Passionnant ! Le salon est reconstitué grâce à des meubles qui ressemblent à ceux retrouvés dans un inventaire. On peut observer la Vienne de la fin du XVIIIe siècle, ses partitions, ses amis, sa femme Constance et leurs enfants, des costumes et des photos de mises en scène à travers les âges. Un régal pour qui aime Mozart et c’est mon cas ! Son masque mortuaire présente une architecture puissante assez éloignée de la légèreté associée à son nom. À cette époque, Mozart menait grand train et recevait énormément. Comment a-t-il pu travailler dans un tel capharnaüm ? Une maquette montre une vaste cour dans laquelle étaient disposés beaucoup de lits destinés autant à ses amis de passage qu’aux musiciens des concerts qu’il proposait à un public assis sur une cinquantaine de chaises disposées en rangs d’oignons. J’imaginais le bouillonnement qui avait dû y régner.

En sortant, j’ai compris qu’il s’agissait probablement de la cour de l’hôtel voisin. Comme il est émouvant de s’introduire par hasard dans l’univers d’un génie !

(à suivre)