Un jour de retard pour cette chronique. Nous étions sur l’autoroute de Chambéry, dans le car du Pays de Gex, ou dans l’autobus au retour à Paris.
Partis mercredi, nous avons débroussaillé le jardin, arraché les pissenlits, soigné les rosiers. Deux jours n’étaient pas de trop. Notre jardin pourtant pas bien grand commence à nous échapper… On a mis du textile sous les graviers, mais les pousses trouvent toujours quelque humus transporté par le vent pour s’installer comme si de rien n’était.
Nous avons eu la chance de voir fleurir l’arbre de Judée et le lilas blanc, somptueux cette année. Mais le pied de pivoines qui dépassait les 60 années d’existence est mort, bien mort. Je ne l’ai pas suffisamment désherbé au printemps, arrosé cet été. Le changement climatique ne gêne pas le moins du monde les mauvaises herbes, il en vient de nouvelles. Il n’a pas survécu à la dernière sécheresse.
Nous avons passé le week-end à Grenoble. À l’aller, nous nous sommes arrêtés à Albertville pour dire bonjour à Jean-Claude, dont je vous parle régulièrement. Nous pensions l’inviter au restaurant et il avait espéré quitter son Ehpad pour quelques heures. Mais il était trop fatigué pour nous suivre. Après avoir déjeuné en ville, nous sommes retournés un petit moment chez lui. Il a dit qu’il en avait assez et qu’il aimerait que ça finisse, puis il a tout de suite ajouté que le moment n’était pas encore venu. Il a tout de même retrouvé un peu de tonus et nous a demandé de revenir le voir. Il nous a offert ses souvenirs de missionnaire à Madagascar mis en page par nos nièces Astrid et Sybil.
Chez Ève, les enfants passent tous des examens importants cette année. J’ai l’impression que c’était hier quand on les emmenait au parc du dinosaure. Nous avons passé une bonne soirée familiale avec des neveux de Grenoble. Jeunes retraités, ils profitent de leur liberté pour faire des randonnées en montagne ou à vélo. J-M, lui, prépare une retraite anticipée, fatigué par une vie de cadre, des prises de décisions épuisantes, des voyages et nuits d’hôtel incessantes.
Dimanche, nous sommes montés à la Bastille. Un fort militaire au-dessus de l’Isère. Une promenade classique pour tout Grenoblois qui se respecte. Il n’y a pas si longtemps, nous montions à pied. La pente est raide, jalonnée de panneaux d’avertissements aux cardiaques et de défibrillateurs. Noé y grimpe presque tous les jours. Nous, nous avons pris « les Bulles », un téléphérique à cinq cabines conjointes qui passe au-dessus de la rivière. Il faisait très beau, même très chaud. Nous étions passés de 13 à 26 degrés en un jour.
Nous avons attendu une demi-heure environ dans la queue. Beaucoup de maghrébins. Grenoble est une terre d’immigration. Juste à côté de moi, deux jeunes femmes, deux amies, attiraient l’attention. Toutes les deux très grandes, un mètre quatre-vingt ou plus. L’une plutôt opulente portait un short mini-mini et un petit haut court et sans manche. Je me trouvais ainsi à une trentaine de centimètres de son nombril agrémenté d’un piercing argenté, de son ventre et de ses bras tatoués de créatures fantastiques et de fleurs étranges. La jeune femme était d’évidence d’origine magrébine ou orientale. Son amie, pantalon flou à taille basse et mini soutien-gorge, tout aussi maquillée, avait un petit air asiatique. Elles ne se parlaient pas.
Derrière elles, se tenait un couple en retrait dans la file d’attente. La jeune femme était couverte de la tête aux pieds d’un tchador ne laissant apercevoir de son corps que les sourcils, les yeux et la bouche. Elle paraissait très jeune, moins de vingt ans, encore de l’acné sur ses joues blanches. Pas maquillée. Elle m’a lancé un regard un peu éperdu. J’ai regardé son compagnon. Très jeune, bouclé, souriant, on l’aurait bien vu dans un groupe de musique pop. Il semblait gêné. Par les femmes devant lui ? Par le contraste qu’ils proposaient ? Par la tenue de sa compagne ? Impossible à deviner.
Les bulles à huit places arrivaient en convoi. Nous étions cinq. Nous avons partagé la cabine avec trois autres personnes hélées dans la file. Une fois partis, nous avons constaté que les filles dénudées étaient restées seules dans leur cabine à huit. Le couple suivant, ni personne n’avaient voulu se joindre à elles malgré l’attente.
Marius a protesté :
— Elles avaient tout autant le droit de monter dans la cabine que les autres.
J’ai dit :
— Elles sont un peu encombrantes. Et elles ont retardé le départ de six personnes.
Il a répondu, en défenseur des libertés :
— C’était le choix des suivants !
Une fois en haut, nous avons contemplé la ville dans le soleil, trouvé le lycée Champollion, cherché le chien-assis de la chambre de Noé et vu le Mont Blanc, différent du prisme que nous connaissons depuis Tougin.
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