L’autoroute qui va à Palerme passe par un plateau désertique bordé de montagnes. Quelques vastes maisons aux fenêtres éventrées, isolées au bord de champs pelés y témoignent d’un temps où les générations cohabitaient et travaillaient dur pour leur survie. Reliefs d’une époque, après que les Siciliens eurent quitté leur foyer pour fuir la misère vers l’étranger, en particulier vers l’Amérique. Une époque peut-être encore d’actualité, car la Sicile nous a paru peu habitée, nous n’avons pas vu beaucoup de constructions récentes. Les touristes partis, la circulation était fluide, les villes et les villages peu fréquentés. Durant ces six jours à l’est de l’île, nous n’avons presque pas croisé d’émigrants, malgré la proximité de Lampedusa.
Nous avons quitté l’autoroute vers le sud. En montant, le vert de la végétation a succédé à l’ocre de la terre brûlée. Le ruban de la route fraichement goudronnée s’enfonçait en larges courbes dans des forêts d’eucalyptus comme si nous avions changé de pays, de climat.
A Piazza Armerina, nous avons pu faire regonfler le pneu de la voiture de location. Le garagiste à côté de chez Marina l’avait déjà vérifié et le clignotant était resté allumé sans l’inquiéter davantage. Et nous sommes repartis à la recherche de l’hôtel que nous avions réservé par Booking.com, non loin de la Villa Romana del Casale. Marina nous avait dit qu’elle y venait avec son grand-père lorsqu’elle était petite. Un tendre et beau souvenir qui n’était pas étranger à sa décision après sa retraite de reprendre l’étude du grec et du latin, grâce à quoi elle avait rencontré Gilles.
Impossible de se retrouver dans le dédale des routes bouchées pour travaux ! Une voiture voyant notre embarras se proposa de nous conduire à notre hôtel. Nous l’avons suivie et nous nous sommes retrouvés sur le parking d’un hôtel, auprès duquel les palaces suisses font pâle figure. Il y avait erreur !
Un besoin pressant me fit pousser la porte à tambour. J’ai surgi dans un hall de 500 m2 avec trois billards, des structures de jeux pour enfants, des petits salons aménagés. Il s’ouvrait sur un salon plus vaste encore, un rideau de scène sur le mur du fond. Par une large porte, j’ai aperçu une centaine de retraités qui déjeunaient paisiblement assis sur des chaises de velours rouge à hauts dossier. Autant de tables, si ce n’est plus, restaient vides, finissant de remplir l’immense salle à manger. Après avoir demandé mon chemin à un personnel plutôt rare, j’ai fini par trouver les toilettes, robinets dorés et marbres vieillissants, à l’image du reste.
Un hôtel marqué par le style des hôtels touristiques des années 1970, un peu comme ceux que nous avions vus en Crête ou en Tunisie, mais « dans son jus », jamais modernisé et marqué par une volonté de luxe beaucoup plus ancien. Mussolini ?
Retournée à la voiture, Gilles a montré à notre guide l’image de notre hôtel sur l’écran de son smartphone. Ni une, ni deux, il a sorti le sien de sa poche. Une conversation animée, puis il nous expliqua avec de grands gestes qu’on allait venir nous chercher.
Nous avons vu apparaître sur le parking encombré de cars de tourisme, tel un petit coucou sur un tarmac, un pick up bariolé de scènes paradisiaques . Nous l’avons suivi. A deux ou trois kilomètres de là, sous une pancarte vantant L’Arménide, sa piscine et son agroturisma nous nous sommes enfilés sur un chemin de terre. Une maison à un étage agrippée à la pente, deux ou trois voitures sur le parking. Notre guide bis, manifestement le propriétaire, a repris son travail de maçonnerie après nous avoir montré du doigt l’entrée de l’hôtel.
Dans un vestibule exigu et encombré, au pied d’un escalier, derrière un comptoir antique, une très jeune fille nous a fort gentiment reçus. Elle s’excusa de ne parler ni le français, ni l’anglais, mais tendant avec un sourire et beaucoup d’assurance son écran de Smartphone, Google traduction fit l’affaire. Elle nous montra la chambre, le petit balcon partagé avec les voisins donnant sur la montagne de l’autre côté de la route. La chambre aménagée de bric et de broc était bardée d’électronique.
Il faisait chaud et nous avons demandé à voir la piscine. C’était un petit bassin dont l’eau verdâtre n’était pas engageante, y descendre par l’échelle à barreaux de fer, inenvisageable. L’homme surgit et nous montra l’aspirateur. Il s’en fallait d’une heure et tout serait parfait ! Il ne voulut pas voir nos dénégations et commença à l’installer.
Il était déjà deux heures et nous avions faim. Ils nous ont indiqué un restaurant quelques kilomètres plus loin.
Nous nous sommes retrouvés sous une treille, assis devant une table de fer un peu rouillée. On nous servit des pâtes. Une tablée voisine un peu bruyante s’est libérée, une vingtaine de personnes leur ont succédé, manifestement membres de sociétés amicales. Heureux ! Ici aussi, la pancarte « agroturista » annonçait la couleur.
Et nous nous sommes souvenus de l’aventure hippy de nos amis Catherine et Vérine en Toscane. Ils s’étaient lancés dans l’agrotourisme en pionniers.
J’ai cherché sur Internet la signification d’Arménide ? Une pierre génératrice de bioénergie pérenne dont les caractéristiques principales sont Luminosité, Amour, Pureté…
Mais c’est une autre histoire !
(à suivre)
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