DIRECT. Revivez la cérémonie de réouverture de Notre-Dame de Paris

Samedi et dimanche, les cérémonies pour la réouverture de Notre-Dame ont animé Paris.

Je me souviens du jour où elle a brulé. J’étais dans la voiture entre Annecy et Genève lorsque j’ai vu la flèche en flamme osciller dans la nuit. J’avais éteint mon portable, incapable d’en regarder davantage. Une désolation semblait s’être abattue sur l’univers.

Aujourd’hui, cinq ans plus tard, elle renaît grâce à des dons venus du monde entier, grâce au travail d’innombrables artisans. Symbole à la fois puissant et fragile, majestueux et quotidien. Témoin de tant d’événements tristes et heureux au fil des siècles, rescapée de la ruine au 19 ième siècle, grâce à la littérature, à Victor Hugo.

Aujourd’hui, les vitraux et l’orgue chantent à nouveau.

Samedi, je devais aller quai des Grands Augustins. L’île de la Cité était interdite aux piétons. Foule et barrières de sécurité.

Le lundi, le quotidien a repris son cours.

Ça fait plusieurs semaines que je ne trouve pas le temps d’acheter de la crème Nivea. Très bon marché, elle me convient à merveille. Au Franprix, personne dans le magasin. J’ai encore perdu mon petit porte-monnaie, je l’oublie régulièrement sur les comptoirs de magasins ou sur les tables de cafés. Encombrée par mon parapluie, je fouille dans mon portefeuille. J’en sors péniblement un billet. Je tire sur la fermeture éclair pour y glisser les quelques pièces rendues par le caissier renfrogné. Quand je lève le nez, derrière moi, un homme de haute taille me regarde d’un air amusé. Vêtu d’une parka un peu débraillée sur un pull élégant, cheveux poivre et sel, soixante-dix ans environ, il m’évoque un baroudeur en escale. Devant ma confusion, il lève sa casquette et me dit :

— Prenez votre temps, je ne suis pas pressé ! 

Je lui réponds en blaguant :

— Comme moi ! On peut dire qu’on a de la chance tous les deux.

Ça le fait rire :

— On a du pot !

Le caissier, en habitué, anticipe ma distraction. Il me tend le pot de crème enroulé dans le ticket de caisse, le visage soudain illuminé d’un sourire :

Au moment de passer la porte, je lance d’une voix forte, comme si j’allais oublier :

— Bonne journée !

J’entends derrière moi, deux voix tout aussi sonores :

— Bonne journée !

En sortant j’évite les flaques d’eau et toujours encombrée de mon parapluie, je cours à la pharmacie. Je suis en retard pour le vaccin contre la grippe saisonnière.

Véronique, l’assistante, me dit qu’elle n’a pas le droit de piquer, mais que la pharmacienne ne va pas tarder. En attendant, la jeune femme m’offre une écharpe en cadeau commercial. Le temps que je me dise que j’aurais préféré ne pas être une bonne cliente, sa patronne arrive.

Papiers d’usage, piqûre derrière le rideau dans le cagibi en dessous de l’escalier. Pendant que je me rhabille, j’entends une voix d’homme demander à être vacciné contre le Covid.

Dose indisponible. Prise de RV. Et contre la grippe saisonnière ? Oui. Papiers.

En sortant, je le regarde et je lui lance : « Au suivant ! ».

L’homme est étrange. La soixantaine, mince, des petites lunettes rondes, un visage sévère. Il m’évoque certains professeurs de ma jeunesse. Je m’attends à ce qu’il m’invite à me mêler de ce qui me regarde. Il me dit :

— Vous venez d’être vaccinée de la grippe saisonnière ?

Il avait entendu notre conversation et ajoute, pince-sans-rire :

— Je ne vous ai pas entendu crier !

Je vais rétorquer que je suis une personne courageuse, mais quelque chose me fait lui répondre :

— Je ne l’ai même pas senti !, ce qui n’était pas tout à fait vrai. 

La pharmacienne met son grain de sel :

— Ne vous en faites pas, je ne suis pas du genre à me venger de la vie sur les patients.

In petto, je me suis souvenu qu’à l’époque des premières vaccinations contre le Covid, elle n’avait pas ménagé une femme ayant laissé sa petite fille jouer avec le présentoir de rouge à lèvres.

L’homme se dirige vers le rideau en disant :

— Moi, je vais crier !

Je suis sortie en faisant semblant de m’enfuir, toute contente de ma matinée.