Que d’événements depuis ma dernière chronique !
Je résiste à l’envie d’abandonner ces récits. Ils recueillent les petits riens qui sont la vie et dont on fait trop peu de cas. Les derniers événement me portent à continuer quand je sens la détresse de ceux qui votent pour des mirages et croient en des promesses impossibles à tenir parce qu’ils n’ont pas l’impression d’exister.
Il y a quinze jours, nous sommes allés chez Cécile, près de Bordeaux. Nous nous sommes retrouvés à sept entre frères, sœurs et belles-sœurs. Trois tendres, un peu inquiètes vu notre âge, et lumineuses journées dans la région de Saint-Emilion. Cécile vient de perdre son mari Jean-Charles. Ils avaient fini de rénover une dépendance de la maison de leur fille. Ils espéraient y finir leurs jours ensemble.
Il y a sept ans, Chloé, son mari et leurs cinq enfants ont quitté le centre de Bordeaux pour acheter un domaine de plusieurs hectares dans la campagne à une quinzaine de kilomètres au sud. Son terrain étant inconstructible, il n’avait pas trouvé preneur durant de longues années. Un travail considérable et beaucoup d’initiatives s’en sont suivis.
Nous avons eu la surprise, passés le portail, de nous introduire par une allée bordée d’immenses pins centenaires, de massifs de fleurs dans un lieu enchanteur. Sur la hauteur, une piscine, des abris, des jeux pour recevoir mariages et anniversaires, encore un peu plus haut sur un terrain plat une plantation de fleurs.
Avec une formation et une longue pratique de fleurissement d’événements, Chloé s’est lancée dans leur culture. Imaginez le travail, semis et plantations, la paperasse, les demandes d’autorisation diverses, la commercialisation, etc. Tout le monde participe, des amis donnent des coups de main à l’occasion, un va-et-vient permanent. Aymeric, en télétravail dans l’informatique, vient de changer d’entreprise.
— Chez nous, on n’a peur de rien ! a dit Cécile.
En effet !
Nous avons visité le château de Montesquieu, les chais de Smith Pessac Laffite, déambulé dans la ville de Bordeaux, dîné sur les bords de la Garonne. Une région opulente que je ne connaissais pas. L’impression que le temps s’est arrêté. On m’a dit que de l’autre côté du vieux pont à Bordeaux, on retrouve la réalité d’aujourd’hui.
J’ai dû attraper un virus durant ce voyage. À mon retour, j’ai été malade, ce qui explique mon silence des dernières semaines. Aux urgences de Lariboisière par deux fois, j’ai plongé dans le monde des infirmières, des aides-soignantes, ce monde coloré de la Seine-Saint-Denis, admirative de leur jeunesse, de leur vitalité, de leur efficacité. Il y aurait tant à écrire sur ce genre d’expérience, en particulier sur l’ambulancier qui a rempli son véhicule sans vergogne et nous a trimballés comme dans un panier à salade. Mais je n’ai pas le temps.
J’ai fini par m’en remettre, mais je ne suis pas encore très solide.
Ce qui fut un coup de tonnerre, c’est l’annonce, le soir même, par le président Macron, à la suite du désaveu de sa politique aux élections européennes, de la dissolution du parlement.
Nous avons trois semaines pour élire des députés. Une précipitation qui ne présage rien de bon. Un coup de poker très dangereux qui risque de placer l’extrême droite en position dominante, une extrême droite totalement incompétente sur le plan économique, dont l’humanisme n’est pas le fort et qui a flirté par le passé avec la Russie. Le président de la République nous met dans l’impossibilité de voter ! Entre sa propre incapacité à se concerter avec qui que ce soit, entre l’extrême-gauche et son rejet endémique de la légalité, enfin un jeu à droite d’alliances perverses, la voie se bouche de tous les côtés. Centre, droite, gauche et même côté abstention. Lui ou le chaos, quand justement, on ne veut plus de sa politique hors-sol, lourde de mécontentements explosifs.
Heureusement qu’il s’agit d’élections locales. On peut espérer que les sortants auront fait leur preuve et que le tissu depuis les mairies jusqu’à la haute fonction est solide. Mais pour ce qui est de la politique des partis, les premiers votes de lois pourraient être dévastateurs.
Et puis, Jean-Claude, le frère de Gilles, dont je vous ai si souvent parlé quand nous allions le voir dans son Ehpad, s’est éteint cette semaine. Nous allons mardi prochain à Albertville pour ses obsèques. Il y a si longtemps que son cancer devait l’emporter que nous avions fini par ne plus y croire. Nous avons pu lui parler au téléphone.
Les images des montagnes qu’on voyait de sa fenêtre défilent dans ma tête, le ciel bleu, les nuages. Sa bonté, son réalisme, son écoute…
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