Pont neuf, nov 2017

Ce soir-là, j’ai traversé le Pont Neuf dans la seule clarté de ses lampadaires. Le Louvre, l’Institut, l’hôtel des Monnaies ne sont plus éclairés, les tours de  Notre-Dame s’évanouissent dans l’obscurité. La ville-lumière désormais évoque le Moyen-âge. Quelques touristes semblaient perdus dans l’attente d’autre chose.

Comme elle est belle, ma ville,  dans le mystère retrouvé, dans l’eau sombre qui la traverse d’est en ouest, dans ses monuments devinés qui cachent des drames historiques et des fêtes oubliées !

Comme d’habitude, je n’ai pas pensé à prendre le code et comme d’habitude, il se trouva quelqu’un pour fouiller dans son smartphone et tapoter le digicode. Nous sommes  entrés dans la cour pavée qui sentait le feu de bois,  puis nous nous sommes enfoncés dans l’étroit escalier peint en blanc.

Après avoir écarté le lourd rideau, l’odeur de feu de bois s’est  précisé, couvrant les parfums mêlés. Le bruit des conversations m’a retenue une seconde.  J’aurai voulu reculer, mais je suis entré d’un pas déterminé. Je ne connaissais à peu près personne. J’ai croisé Chantal, notre hôtesse, qui a juste levé la main. Elle était enrhumée.

Une femme très maquillée, très, trop brune, aux yeux charbonneux, le bas de son corps serré dans un pantalon moulant noir, le haut déployé dans une masse de volants et de dentelles comme des ailes de corbeau, me salua comme si nous nous connaissions depuis toujours. Il me fallut quelque temps avant de comprendre que c’était l’auteur des œuvres qui tapissaient les murs.  Le concert s’accompagne toujours d’une exposition de peinture. C’est la règle, même que j’y ai postulé sans succès. Professeure d’histoire de l’Art à l’université de New York, elle venait d’exposer en Chine.

(à suivre)