Bref passage à Paris dans une étrange atmosphère. Un peu comme si nous n’étions plus tout à fait chez nous, en quelque sorte un peu poussés dehors par le Covid. Tout semble comme avant, mais rien n’est comme avant. Une sorte d’inquiétude retient les gestes. On prend des nouvelles chez les commerçants, mais les réponses sont évasives. Ils ne savent pas à quelle sauce ils vont être mangés, quelle faillite les attend. Scènes de la vie quotidienne, livreurs, exercice de pompiers. Les masques sont obligatoires dans les espaces publics, mais certains clients font de la résistance, ce qui agace les autres. Un jeune homme devant la caisse du Franprix a fait le sourd quand je lui ai dit que je risquais plus que lui de me trouver sous respirateur.
Des touristes plutôt jeunes, mais pas de Chinois. De nouveau la queue devant la pyramide à l’entrée du Musée du Louvre. Ils ont du courage car les transports publics fonctionnent mal et les pickpockets rattrapent le temps perdu. Dans le métro en rentrant chez elle, mon amie Sara s’est fait subtiliser son sac à dos avec son ordinateur. Nous avions été si contentes de nous retrouver le matin au café de la place des Petits Pères ! On s’attend désormais toujours à quelque ennui. Réalité ? Impression ? Pressentiment ? Cueillons d’autant plus le jour !
Puis la canicule s’est installée sur l’asphalte surchauffé. Je me suis dépêchée d’aller à l’atelier trier les pastels à emporter à Tougin et d’aller acheter du matériel de peinture chez Sennelier, avant que les trajets ne deviennent tout à fait insupportables. Depuis le Pont Royal, j’ai salué la Seine, toujours désertée par les bateaux-mouches. Elle embrassait de ses deux bras l’île de la Cité, indifférente au Covid.
Nous avons étrenné la climatisation de l’appartement. Elle suffisait à peine et faisait un bruit d’enfer. Et nous avons failli annuler notre déjeuner chez Brigitte et Régis à côté de Rambouillet, la météo annonçait 38 degrés. En fait, la maison, une longère, ancienne ferme isolée au milieu des champs dans un bosquet de chênes était restée fraîche. Ce fut un cadeau de la vie de nous retrouver, un peu inquiets de rester à l’intérieur, mais fidèles à une amitié de quarante ans.
Alors qu’après le repas nous devisions agréablement dans la brise, à l’ombre des grands arbres, que nous évoquions amis, petits et grands événements, la jeune génération, enfants et petits-enfants avait disparu, les uns probablement affalés sur leur lit, les autres scotchés devant leurs écrans.
La nuit qui suivit fut un peu difficile. Depuis le déconfinement Paris semble envahi de noctambules. On doit hurler, faire vrombir son moteur, manifester un contentement qui cache mal l’incertitude de l’avenir. Mais il faut que jeunesse se passe. On se réunit par internet aux Halles ou sur les quais. On mange, on boit, laissant le lendemain des traces beaucoup moins drôles. Des affichettes mettent en garde contre des invasions de rats.
Vous dire que nous avons été heureux de retourner à Tougin est un euphémisme. Le Jura nous est apparu comme un havre de fraîcheur, l’impasse comme une oasis de tranquillité. Nous avons dormi fenêtres grandes ouvertes. Une couverture n’a pas été de trop au milieu de la nuit.
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