ous avons fêté Noël, la veille au soir, tous réunis. Comme chaque année, enfants et petits-enfants sont ensuite partis dans les belles-familles.
Chaque Noël a son ton particulier. Les petits enfants grandissent, leurs personnalités évoluent, se précisent. On les voit prendre davantage de liberté vis-à-vis des familles. Certains caractères s’affirment. À leur âge, de 15 à 22 ans, rien n’est figé et je trouve ces retrouvailles passionnantes.
Nous nous sommes bien amusés dans la cuisine. Noé a préparé une bûche sophistiquée (il avait apporté son moule de Grenoble), Thomas a joué au marmiton (oui chef !), Julien a présenté son foie gras végétarien (par pitié pour les oies, mais moins bon), Marius a exprimé ses habituelles assertions, difficiles à comprendre, j’ai épluché et coupé les pommes de terre en rondelles (pour un gratin dauphinois à la saucisse franc-comtoise) et j’en passe…
Les cadeaux ? Une pompe à bouteille de vin, un rasoir à bouloche, un chalet japonais pour les oiseaux, le livre de Jacques Schmitt (un ami de Gilles) sur l’histoire des inventions pour chacun des petits-enfants, des livres, des places de théâtre, des papillotes lyonnaises et j’en oublie, bien sûr…
La tablée était tranquille et bienveillante. Le repas a déroulé ses plaisanteries, son humour, ses anecdotes. On a peu parlé politique comme s’il n’y avait plus rien à en dire. Le temps a paru court. On a ensuite tous ensemble débarrassé la table et rangé la cuisine.
Installés dans le salon, je crois qu’ils se sont raconté leurs histoires de chercheurs. J’étais allée me reposer dans ma chambre. Ils sont venus me chercher pour la photo, puis Julien et sa famille sont rentrés chez eux. Noël classique !
Pour ma part, je sens qu’une année de plus pèse sur mes épaules et enraidit mes jambes. C’est la vie ! comme dit Maria, la gardienne de l’immeuble qui est partie samedi dernier avec son mari José faire la connaissance de leur petite-fille Alexandra, née en Espagne jeudi dernier.
Le lendemain, jour de Noël donc, nous étions seuls. Nous avons lavé des tonnes de drap, rangé l’appartement et surtout savouré le calme revenu, avec autant de plaisir que l’agitation des jours précédents. Qui a dit : L’ennui naquit un jour de l’uniformité ?
Le surlendemain, Daria est venue déjeuner. Pablo était parti fêter Noël en famille au Pérou. J’aime l’entendre parler de sa famille, raconter son Iran raffiné et cultivé. Si différent de celui présenté à la TV. Nous avons évoqué le livre de sa sœur et sa thèse à l’ENS sur l’identité, sujet qui lui tient à cœur.
Je voudrais vous raconter une petite scène de métro comme un cadeau de Noël
Entre Noël et le jour de l’an, le métro transporte des familles en vacances venues du monde entier. Surtout de France et d’Europe. Les rames étant moins fréquentes, on s’entasse plus encore que d’habitude. Mais cette après-midi-là, la foule est descendue à la station Opéra et mon regard a été attiré par une petite fille d’une dizaine d’années qui tenait la barre centrale. Debout, grande pour son âge, un peu à l’écart de ses parents, regard songeur. Blonds cendrés, ses cheveux glissaient jusqu’à sa ceinture en tresses lâches qui laissaient échapper quelques mèches. Ses vêtements un peu trop larges lui donnaient une allure d’adolescente en devenir. Le métro s’est arrêté à la station suivante, Madeleine. Son regard s’est fixé sur le quai avec un intérêt que j’ai reconnu, celui qui guide ces lignes.
Quand la sonnerie de fermeture des portes a retenti, elle a levé une main, l’a fait pivoter avec grâce et elle a dit :
— Au revoir Madeleine !
Elle a égrené les syllabes. Ma-de-lei-ne ! Un prénom qui ne se donne plus, mais dont le charme a soudain resurgi dans le métro parisien à côté des valises Airbnb. Ai-je pensé à la comtesse de Ségur, à la Madeleine de Tougin, à la madeleine de Proust ? Je ne sais pas, mais nos regards se sont croisés et j’ai souri. Elle a souri à son tour. La musicalité du mot m’est entrée dans le corps à la façon d’une mélodie de Fauré, son sourire s’est inscrit dans mon âme comme un espoir. Française ? Rien n’indiquait sa nationalité. Cette petite fille avait aboli les frontières, ouvert les portes de la poésie, celle qui passe la plupart du temps inaperçue.
Cette nuit, un million de personnes se répandront sur les Champs-Élysées, beaucoup de jeunes. Tous vont crier et s’embrasser à minuit. Mais, c’est une autre histoire, celle de la nécessité de ne pas se sentir seul, de partager une émotion XXL avant le démarrage d’une année dont on ne sait vraiment pas ce qu’elle nous réserve dans le fragile contexte d’aujourd’hui.
Commentaires récents