Solstice d’hiver. Pour peu qu’il pleuve comme ces jours-ci, il fait nuit à 16 heures. Triste ! Cependant quelques éclaircies, et les rayons du soleil juste au-dessus des toits traversent l’appartement de part en part avec une générosité qui m’émeut chaque année. Je m’étonne de ne pas voir plus souvent évoquer les variations saisonnière de la lumière dans la littérature ! Ces jours-ci, les gens n’ont pas vraiment le moral et chacun lutte à sa façon pour sauver ce qui peut l’être des fêtes de fin d’année.
Le risque de contamination est au maximum. Il eut été plus prudent de se confiner pour les deux fêtes, mais le gouvernement a jugé qu’il valait mieux laisser survenir une troisième vague et permettre aux Français de respirer, au moins pour la soirée de Noël. Pas plus de six à table, masques à l’intérieur. Chaque famille fait ses comptes. Certains, comme Marc, se confinent à deux préférant attendre le vaccin pour faire la fête, d’autres comme Hervé pulvérisent le quota recommandé de participants dans la mesure où la plupart ayant déjà eu la maladie ils n’en craignent plus les effets. Chacun réfléchit sur son comportement vis-à-vis des plus vulnérables. Ève va venir de Grenoble avec sa famille et la stratégie s’affine au fil du téléphone. Les enfants dormiront à l’atelier, ils ne prendront pas les repas avec nous. Julien et sa famille lui succéderont le jour de Noël. Pour le reste, on verra !
Est-ce par réaction ? J’ai démarré un terrible mal de dos. Visite la nuit du médecin des urgences, il ne pouvait pas faire grand-chose pour moi, je suis allergique à la morphine. « Je vous laisse avec votre bouillotte. », me dit-il sur un ton désolé. Nous sommes tous un peu à cran, après dix mois de contraintes. Une sorte de menace pèse sur nos projets, trop souvent repoussés.
La Mairie de Paris pour faire des économies a diminué l’intensité des lampadaires. On pourrait se croire pendant la guerre, d’autant plus que le couvre-feu vide les rues dès 20 heures. Mais on en est très loin ! Je me souviens de la chape de plomb, du froid et de la faim qui sévissaient alors. En fait, on relativise autant que possible. J’admire le dynamisme des jeunes dans ce Paris crépusculaire. On sent un potentiel prêt à redémarrer. Les petits magasins résistent à l’adversité, débrouillards, ils vendent sur le trottoir des gadgets comme à l’époque des camelots, des boissons chaudes, des sandwiches. Dans l’ensemble, les Parisiens conservent leur bonne humeur. La misère est circonscrite dans la sphère privée.
Á nouveau, beaucoup de Parisiens sont partis en province, dans leur famille ou dans leurs résidences secondaires. Les gites au bord de la mer ont été pris d’assaut. On peut bouger, donc on bouge, juste pour relâcher les obligations qui enserrent. La campagne redevient à la mode. Le télétravail ayant pris de l’ampleur, certains vendent leur appartement de Paris pour acheter une maison avec jardin à moins de 200 km, tout en gardant un pied-à-terre en ville si possible. Nous avons déjà vu ce retour à la nature en 68. Pas toujours une réussite ! Solitude et désert médical. Mais sait-on jamais ? Peut-être réaliseront-ils l’éternel rêve de la ville à la campagne.
En attendant, c’est Noël, une fête ambigüe qui mélange souvent peine et joie, et qui cette année est contrainte de se réinventer.
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