Vendredi matin en allant chez l’ophtalmo pour une visite de contrôle, j’ai eu la surprise de voir les marronniers du boulevard Pasteur en fleurs. Pyramides roses ou blanches dressées sur les feuilles en éventail. Cette année, contrairement aux autres années, l’hiver m’a paru court. Peut-être parce qu’il n’a pas été aussi froid et pluvieux que d’habitude. Un bienfait du changement climatique ?

L’après-midi, nous avons vu défiler depuis le TGV de grandes surfaces de colza, peut-être une conséquence de la guerre en Ukraine, grenier de l’Europe, nappes jaunes d’or alternant avec le vert tendre des blés de printemps. Mais c’est surtout à l’arrivée dans notre petit jardin que le renouveau nous a sauté aux yeux,… et aux oreilles. Un merle lançait ses trilles entortillées, les mésanges criaient « taille vite, taille vite ». Les moineaux pépiaient en se poursuivant. Les bourdons bourdonnaient, les sittelles s’appelaient d’un bout du village à l’autre.

Les muscaris bordaient la serre d’un tapis bleu outremer. Les jonquilles jaillissaient des corbeilles d’argent. Sous le prunus, les grosses tulipes jaunes et rouges, fidèles parmi les fidèles depuis cinquante ans, n’avaient pas pris une ride. Les roses de Noël finissaient de fleurir. Elles avaient de toute évidence affronté la neige en beauté. Aux alentours, la blancheur un peu rosée des pommiers vibraient dans la lumière du soleil.

Tout cela n’avait cependant rien à voir avec le Sacre du printemps de Stravinski et son explosion de vacarme, sa mise à mort. Dans un calme à mille lieues des rues de Paris assaillies par des nuées de touristes traînant à grand bruit leurs valises à roulettes, le Jura déroulait ses crêtes dans un silence majestueux. Des plaques de neige dessinaient sur ses pentes des souvenirs de l’hiver. Un aigle a plané au-dessus du jardin et le petit chat gris est venu voir qui pénétrait dans son domaine.

Le lendemain, nous avons salué nos voisins, demandé des nouvelles sous le soleil. Marcel et Jacqueline recevaient leurs enfants et petits-enfants. Léonard et Romi, la petite voisine, 4 ans tous les deux, jacassaient en faisant des concours de trottinettes. J’ai dit bonjour à Denis :

— Dis donc, Denis. J’ai vu tourner des mésanges autour du nichoir. Tu ne crois pas qu’en nous voyant arriver, elles vont déserter leur nid. Il vaudrait peut-être mieux entrer par la porte sur la rue ?

Denis est mon informateur pour tout ce qui concerne la nature. Élevé dans une ferme, il s’y connait. Il a haussé les épaules :

— Mais non, elles savent très bien que vous ne leur voulez pas de mal. Elles savent que vous n’êtes pas des chats ! Notre nichoir est juste à côté de la fenêtre et nous cohabitons très bien. Il est vrai qu’elles y ont intérêt, nous les nourrissons.

— Qu’est-ce que vous leur donnez ?

Je pensais aux paquets de margarine suspendus dans les jardins du village. Il m’a répondu :

— Nous, on leur donne des graines de tournesol.

Et j’ai pensé au jardin de ville de mon enfance qui fourmillait d’oiseaux. On n’aurait pas eu l’idée de les nourrir sauf pour essayer de sauver les oisillons tombés du nid. On leur donnait du pain trempé dans du lait et naturellement ils ne survivaient pas.

Samedi, nous avons déjeuné au soleil, au milieu des herbes qui commençaient à pousser. Quel plaisir ! L’après-midi, la bise s’est mise à souffler. Il a fallu fermer les fenêtres et la nuit fut fraîche.

Le jour de Pâques, nous sommes allés dire un petit bonjour au Léman. Agité par la bise, de violet à l’horizon, il virait au bleu outremer, puis se teintait d’indigo, puis de vert et finissait en vagues dorées par le soleil. J’aime tellement leur chanson sur les rochers !

Le lundi, la famille d’Ève est venue pour la journée. Il a fallu déjeuner à l’intérieur. Les garçons nous ont aidés à couper quelques branches du prunus qui a tendance à prendre toute la place. Les parents partaient le lendemain pour Gênes en amoureux. Nous nous sommes quittés, un peu tristes, sachant que nous ne pourrions pas nous revoir avant deux, trois mois.

Nous avons de la chance. La méteo était exécrable, mais elle nous annonce désormais du beau temps, un peu frais, du soleil jusqu’à notre départ. Nous retournerons à Paris vendredi pour voter. Il faut à tout prix éviter que Marine Le Pen, incompétente notoire à la solde de la Russie, ne profite du mécontentement qui entoure Macron. L’enjeu est de taille. Avec la guerre en Ukraine, ce serait une catastrophe !