Le pape est mort

Le pape François est mort dans la nuit de Pâques à lundi d’un AVC. Après une longue hospitalisation, il avait pu, la veille, bénir la foule depuis sa papamobile.

Des centaines de milliers de pèlerins sont venus dans la basilique, puis sur la place Saint-Pierre pour lui dire adieu. Argentin, « le pape du peuple » a assaini les finances du Vatican qui en avaient bien besoin et simplifié les rituels. Il a été enterré vendredi dans une caisse en bois dans l’église de Sainte-Marie Majeure où il aimait se recueillir.

Les médias du monde entier glosent sur le nom du prochain pape. Celui-ci devra se pencher sur l’union de l’Église catholique, car là comme ailleurs les tiraillements sont maximum entre les progressistes et les conservateurs.

J’aimerais écrire de savantes analyses sur le sujet, mais comment le pourrai-je ? Les religions me semblent capables du meilleur, comme du pire.

Voici plutôt la comptine qui m’est aussitôt venue dans la tête à cette annonce. Une comptine de mon enfance :

Le pape est mort.

Qui va régner ?

Araignée ?

Pourquoi pas libellule ou papillon ? 

Elle est irrésistible !

Nous allons tous mourir de rire.

Il est vrai que j’en ai tellement vu passer de papes !

Le premier, Pie XII, nous paraissait sévère derrière ses petites lunettes rondes. Sa photo ornait le coin du miroir de bureau de mon père. Nous n’avions pas encore la télévision et nous l’écoutions, agenouillés devant la radio, prononcer dans un français rocailleux la bénédiction papale.

Le second, nous était proche, Jean XVIII, un homme jovial que ma mère avait connu nonce apostolique à Paris. Il était venu au Carmel à côté de chez nous pour une cérémonie. Mon frère Philippe, enfant de chœur, avait porté la traine de sa cape. Comme ils entraient dans la belle cour pavée vers la chapelle dont la porte était grande ouverte, le nonce s’était retourné vers lui et lui avait lancé dans un sourire :

— Hue, cocotte !

Phrase restée impérissable dans nos mémoires enfantines.

Ma mère avait été invitée par monseigneur Roncalli lorsqu’il était patriarche de Venise, ce dont elle n’était pas peu fière. Et lors d’un mémorable voyage en famille à Venise, nous avions logé à deux pas de l’archevêché. Elle y avait été reçue personnellement. Devenu pape, il avait réuni les cardinaux pour réformer l’Église. Ce fut Vatican II, qui la changea en profondeur. En particulier, le latin laissa la place aux langues autochtones et la messe fut désormais célébrée en français. Il fut un pape proche de mon adolescence.

Quelle surprise quand le troisième, Paul VI, lui succéda, tellement différent ! Sérieux, intellectuel, on le voyait rarement sourire à la télévision, dont manifestement l’église ne connaissait pas encore les codes, il est vrai balbutiants.

Puis ce fut Jean-Paul Ier, on n’en savait pas grand-chose lorsqu’un mois après son élection, il fut retrouvé mort dans son lit. Je me souviens qu’on était à Lozembrune, dans le château des parents de Gilles, et qu’Ève du haut de ses dix ans, observait les adultes avec une curiosité non déguisée. Il faut dire que cette mort, jamais bien éclaircie, avait beaucoup fait parler.

Jean-Paul II fut élu après un conclave (assez court si mes souvenirs sont bons). Jeune, polonais, premier pape non italien, sportif (il avait fait construire une piscine dans sa résidence d’été de Castelgondolfo), il tranchait sur les autres. Le début de son pontificat fut réformiste. Il poursuivit l’œuvre de Vatican II et lança les fameuses Journées Mondiales de la Jeunesse qui réunissent encore des milliers de jeunes catholiques. Il fut aussi le premier à quitter le Vatican pour des voyages officiels autour du monde, retransmis à la télévision.

Une tentative d’assassinat sur la place Saint Pierre le laissa de santé fragile. Après un pontificat particulièrement long, il mourut en laissant l’image d’un homme souffrant, cramponné à la hampe d’une croix, solidaire de la misère du monde. Il fut canonisé avec Jean XXIII par le pape François.

Benoit XVI lui succéda et fut le premier à céder la place de son vivant. Il mourut dans un couvent de Rome.

Le pape François fut le premier pape non européen. Il œuvra en faveur des pauvres et des émigrants.

Aujourd’hui, que la guerre en Ukraine tue des milliers de civils, que la bande de Gaza est bombardée, que les nouveaux dirigeants, potentats sans scrupules, mettent en danger l’avenir de la planète, on espère un homme de paix et de conviction. Utopie ?