Les semaines se suivent et ne se ressemblent pas. Le grand week-end de l’Ascension, la pluie et le froid ont vidé les rues de Paris. Spleen.

En attendant l’autorisation d’ouvrir, les restaurateurs s’activent à aménager des terrasses sur les trottoirs. Ils font assaut d’invention, les uns a minima, d’autres à grand renfort de peinture, de bacs à fleurs et de pergolas.

Nous ne regrettons pas d’être restés. La fin des limites de distance marque le retour des transhumances sur des autoroutes surpeuplées, des lieux piétinés par la foule des touristes. Ah, les queues dans les restoroutes pour un plateau qui promet toujours plus qu’il n’offre ! La tension de la conduite, les embouteillages et l’envie d’en finir. Cette année, la pandémie a freiné les décisions. Il faut se secouer, mais est-ce une raison pour s’entasser sur les bords de mer, surtout lorsque le temps est pluvieux et venteux comme ces jours-ci ?

Je préfère rester à Paris, même si la céramique, les cours de théâtre sont fermés et les amis sont partis. Je continue d’aller à l’atelier. Je remets en forme d’anciennes chroniques. Parenthèse finalement fructueuse dans une agitation qui laisse peu de loisirs pour réfléchir.

Un fond d’aigreur accompagne la sortie de l’épidémie. Le métro se remplit de nouveau de valises à roulettes encombrantes et de contestataires. Les manifestations avec leurs cortèges de casseurs et de dégradations ont repris.

L’autre jour dans le métro, un homme d’une trentaine d’années vêtu d’une pelisse luxueuse, bien qu’usée, un smartphone dans la main, mendiait à la cantonade. Il criait :

— Je ne m’adresse qu’aux enfants de moins de quinze ans et aux étrangers. Les Français sont des égoïstes et des pourris ! Ils ne connaissent pas la générosité.

Il partit dans les rangées, la main tendue. Je fus surprise de voir mon voisin approuver de la tête. J’avais remarqué cet homme jeune au crâne rasé. Penché sur son smartphone, montre et souliers de prix, un rien dandy. Etonnée du fait qu’il était métis, j’avais eu une pensée pour Obama qui ne tient pas compte de la couleur de peau des gens qu’il rencontre.

L’homme qui lui tournait le dos, tout en continuant de lire, tendit tranquillement vers le haut un pouce approbateur.  Après une seconde d’hésitation, il sortit à grand peine de la poche de son pantalon une pièce de vingt centimes, puis une autre et les tendit au mendiant sans le regarder. Autour de nous les usagers restèrent impassibles, mais on devinait que ça mijotait dans les têtes. Il n’est jamais agréable de se faire insulter.

Pour ma part, je me demandais ce qu’un tel homme faisait en France. Je pensais que sa générosité avait des limites et que le mendiant s’était fait rouler, qu’il n’aurait pas dû le remercier aussi vivement.

L’actualité n’est pas plus réjouissante. La guerre a repris entre Palestiniens et Israéliens. Les roquettes pleuvent sur Jérusalem. Dans les rues de Lods, des lynchages ont été perpétrés entre arabes et juifs. La nuit dernière, l’immeuble de la chaîne Al Jezzira et de médias internationaux a été bombardé, la résidence du chef du Hamas vient d’être pulvérisée. Hier des milliers de manifestants ont défilé dans le monde en soutien aux Palestiniens.

Dans le même temps, comme si de rien n’était, on montre à la télévision des scènes de liesse dans les discothèques israéliennes, rouvertes grâce à une heureuse politique de vaccination.