L’intérieur des restaurants est de nouveau accessible, mais avec ce beau temps, les consommateurs préfèrent les terrasses qui débordent sur la chaussée.
Nous avons déjeuné avec Julien près de Jussieu. Un plaisir oublié depuis presque deux ans. Le repas était bon, les serveurs, aux petits soins, les arbres tamisaient le soleil. Mes oreilles auraient-elles perdu l’habitude du bruit de la rue ? Les motos pétaradaient, les voitures vrombissaient un peu trop pour mon goût. Je commence à être impatiente de retrouver le calme de Tougin, la verdure du jardin, les baignades dans le lac, les soirées et les nuits paisibles.
Les lieux culturels rouvrent. Anne m’a demandé si j’ai fait une liste pour y retourner. Non, je ne suis pas capable de programmer ce genre de chose. J’y reviendrai tout naturellement. Elle m’évoque la Fondation Pinault et touche un point sensible.
Nous habitons juste à côté. Ce nouveau musée est situé à l’extrémité ouest du jardin des Halles, dans un bâtiment rond qu’on nomme encore parfois dans le quartier « la Halle aux grains ». Il possède une longue histoire. Demeure royale, couvent, hôtel de Soissons et j’en passe, durant plusieurs siècles, il ne reste de cette époque qu’une colonne cannelée de 37 mètres de hauteur dont on dit qu’elle fut érigée par Catherine de Médicis pour les observations célestes de son astrologue, Côme Ruggieri. Elle est très visible depuis le jardin des Halles.
Tombant en ruine, le vieux bâtiment fut démoli en 1763 et remplacé par la Halle aux blés, construction circulaire surmontée d’une coupole ouverte. Elle était destinée à stocker les céréales débarquées des bateaux, à distance des crues de la Seine. On dit qu’elle fit l’admiration de Thomas Jefferson, à la fois pour sa beauté et l’ingéniosité de son aération. Il faut croire le blé hautement inflammable, car elle fut ravagée par un incendie en 1802, en 1854 et deux fois reconstruite. Elle fut fermée en 1873.
C’est en 1889 qu’y fut inaugurée la Bourse de Commerce, après qu’on eut restauré et réaménagé ses structures, coupole refaite à neuf, recouverte d’une verrière. Elle fonctionna jusqu’à l’informatisation des marchés en 1998, faisant partie intégrante du quartier avec cette part de mystère qui accompagne la finance. Depuis lors, on ne savait plus trop ce qu’elle contenait. Un jour que je voulus y jeter un coup d’œil, je me suis faite refouler. Il fallait prouver qu’on avait rendez-vous avec une des entreprises qu’elle abritait. Le gardien m’a tout de même laissée entrer pour que je puisse voir la fresque de la cour centrale. J’en ignorais l’existence et je fus éblouie.
Rachetée par la Ville de Paris en 2016, elle fut cédée à bail à François Pinault, un riche collectionneur d’art contemporain. Son concurrent Bernard Arnault l’avait précédé en construisant un musée dans le jardin d’acclimatation du bois de Boulogne. La Fondation Louis Vuitton (LVMH) a été une réussite, due pour beaucoup à l’architecture de Frank Géry, à la beauté de ses voiles de verre l’enveloppant comme un navire. Émulation, concurrence ?
Les deux transactions firent polémiques et je ne savais trop que penser de ce futur voisinage.
Virginie, qui venait passer un week-end chez nous, a demandé à aller voir au Centre Pompidou une exposition sur l’architecte japonais Tadao Endo, très apprécié de son mari Gilbert, lui-même architecte. Ses réalisations tout en retenue, respectueuses des lieux, proches de la nature me plurent énormément. Et nous avons eu la surprise d’y trouver la maquette de la Bourse de Commerce, avec les détails de sa transformation en musée. Quel fut mon soulagement de constater que Tadao Endo avait conservé la fresque de l’industrie, cette superbe couronne qui entoure la vaste cour dans la lumière de la coupole vitrée ! Il l’avait mise en valeur grâce à une sorte de rotonde centrale d’où il était possible de l’admirer tout en poursuivant son chemin de salle en salle, grâce à un jeu de passerelles aériennes. Du grand art apparemment, de l’ingéniosité aurait dit Jefferson !
La Fondation Pinault a ouvert ses portes ce mois-ci, avec un léger retard dû à la pandémie. Peu familière de l’art contemporain, lequel me semble souvent tenir du fourre-tout et du grandiloquent, je me réjouis d’aller y faire un tour. Aurai-je le temps avant notre départ ?
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