Natation aux JO 2024 : Marchand en légende, un bilan historique

Quelques jours délicieux ! Une petite bise nous caresse la peau et traverse la maison de part en part. Les nuits sont fraîches. Un fort vent descend du Jura chaque soir lançant le chant des peupliers et du grand sapin, la danse des faucons crécerelles. Encore quelques repas du soir dans les jardins. Pour l’un d’eux, en haut de la ville. Nous avons vu le soleil se coucher sur le Mont Blanc. Sa pyramide a rosi, puis rougi avant de disparaître dans la brume et le crépuscule.

— Le Mont Rose, a dit Lise en riant.

Nos amis passent leurs vacances de l’autre côté des Alpes, en Italie dans leur village familial, sur le versant sud du Mont Rose. Ils recevaient leurs parents et ce fut une agréable soirée, à évoquer entre autres la Nièvre où je suis née pas loin de chez eux. Trois générations réunies autour de chansons. Wilfrid prend des cours. Il est baryton-basse.

Comme nous étions loin des Jeux olympiques ! Il a d’ailleurs dit :

— Ces grandes manifestations ne sont pas pour moi. Je ne m’y sens pas à ma place !

J’ai opiné de la tête, je crains également la foule…

Et pourtant ! La cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques retransmise à la télévision a fait un tabac dans le monde entier. Pour la première fois en extérieur, les athlètes ont descendu la Seine dans une armada de bateaux. Des tableaux historiques ont animé la Conciergerie, le Pont Neuf, la passerelle des Arts, le Musée du Louvre, la tour Eiffel, avec des danses et des chansons. Une foule incroyable a hurlé sa joie le long des quais, dans les jardins du Trocédéro. J’ai déjà parlé de la bouleversante prestation de Céline Dion. La fête s’est terminée à la nuit tombée dans le jardin des Tuileries. La flamme olympique a quitté la Seine au pont des Arts, passant de main en main. Nadal, Zidane et d’autres ont couru d’un pas souple et tranquille dans l’allée du jardin désert, suivis par la caméra. Le bassin des petits bateaux était recouvert d’une plate forme sur laquelle une vasque était suspendue à une montgolfière. Le dernier porteur a mis le feu à la vasque et le grand ballon doré s’est élevé dans le ciel de Paris, nimbé de lumière.

Certaines scènes en ont choqué certains, peut-être un peu trop kitchs,  en particulier un Festin de Bacchus proposé par Philippe Katherine. Bedonnant, nu et peint en bleu, barbu, cheveux hirsutes sous une couronne de fleurs, il émergeait d’un amas de raisins et de fleurs devant un alignement de convives présidés par une femme obèse coiffée d’une large tiare, très woke. Pourquoi les évêques de France y ont-ils vu une parodie de La Cène de Léonard Vinci ? Ils ont protesté le lendemain dans la presse. Dans la conciergerie en flamme, une grande Marie-Antoinette, tête posée sur ses cuisses, a également déplu aux descendants des rois de France. Ils avaient peut-être oublié que leur ancêtre Philippe d’Orléans avait voté la mort du roi…

Et maintenant, les athlètes battent des records dans un enthousiasme généralisé. Les Français accumulent les médailles comme jamais auparavant. Paris est en fête, les épreuves de province font le plein. On a oublié que la France n’a plus de gouvernement, que tous les projets de loi sont stoppés. On ne veut pas savoir que les USA sont en risque aggravé de récession, qu’il en a suivi un lundi noir sur les bourses du monde entier. On danse, on chante !

On croyait la France amorphe et pessimiste, elle se révèle jeune et dynamique. Je me souviens de la déclaration en avril d’un spécialiste de la sécurité  dans C’est à vous, une émission politique. Il avait dit sur un ton d’une extrême gravité.

— Il est encore temps d’annuler la cérémonie en plein air. C’est de la folie !

La réponse du ministre de l’Intérieur fut immédiate :

— Comment ne pas soutenir cet événement magnifique, la joie, l’effort, la solidarité internationale, quand le monde entier risque la guerre et perd ses repères ? C’est du défaitisme !

Pour ma part, je me pose des questions. Je ne peux m’empêcher de penser aux Jeux de Munich en 1936, au triomphe des Serbes lors de la coupe du monde de foot précédant de peu la guerre des Balkans, aux jeux de Pékin et à Poutine dans les tribunes avant l’invasion de l’Ukraine.

Je suis plus sensible aux efforts et aux victoires du quotidien. Cette recherche des records, cette exaltation des foules me font un peu peur. Si je me réjouis, c’est du sport dans les villes et les villages. Les levées au petit matin, les progrès durement gagnés, le plaisir des matches, que les équipes gagnent ou perdent. L’argent engagé dans ces énormes manifestations me semble assez incompatible avec l’esprit du sport. Mais j’espère me tromper et je souhaite de tout cœur que les Jeux de Paris participeront à la paix dans le monde.