Aujourd’hui, changement d’heure. Je vais perdre une heure de lumière à l’atelier. On se demande pourquoi un règlement qui n’arrange personne revient tous les six mois d’année en année…
Voici qu’en bonne Française, je râle.
Oui, pourquoi râlons-nous sans cesse. Je repense aux gilets jaunes, aux innombrables manifestations qui bloquent Paris presque tous les samedis. La planète nous observe avec un étonnement grandissant. Il n’y a pas longtemps, Sally me l’écrivait de San Francisco.
Hier, un reportage à la TV sur des papys boomers à Phénix en Arizona. Des milliers sans domicile fixe, cramponnés à une couverture ou un blouson. Ils n’ont rien. On leur vole portable, vêtements, chaussures, papiers. Par deux fois, l’un d’eux s’est fait voler son dentier. Sans protection aucune, ils vont manger et se rafraîchir en été dans les institutions charitables. Ils finissent par mourir sur le trottoir dans l’indifférence générale. Ils ont travaillé toute leur existence, mais ils ne peuvent plus payer leur loyer. Certains ont été riches, mais aucun ne se plaint. J’avais fait ce constat quand nous étions aux USA. On ne s’y plaint pas, jamais. En France, on râle.
La majorité de la planète vit dans des conditions plus difficiles que nous. Les roquettes pleuvent sur l’Ukraine, sur Gaza. Les armes tuent partout. Les peuples fuient la guerre dans le Caucase, en Afrique, avec la famine pour cause ou conséquence. Les femmes, les enfants, les vieillards paient un épouvantable tribut à cette violence.
En France, on marche librement sans recevoir de bombe sur la tête, sans la peur quotidienne de perdre un ami, un parent, son logement. En France, on peut rire, on peut s’amuser librement. On peut voyager, on peut se téléphoner et dire ce qu’on veut. On peut même se faire de bons petits plats et recevoir des amis. En France, on peut pratiquer sa religion et si certains dénoncent une intolérance grandissante, les attentats restent pour le moment très rares. En France, on peut même égratigner la loi sans trop de problèmes.
Il est vrai que nous sommes aussi gagnés par la misère. Beaucoup n’ont pas pu ou su prendre le train de l’économie libérale. Avec l’inflation, il est de plus en plus difficile de boucler les fins de mois. Les sans-abris, la plupart du temps émigrés, débordent des squares et des trottoirs de Paris. La paix est fragile, c’est certain. La dette de l’état est faramineuse, l’économie sur la corde raide, les prisons pleines. Mais globalement, la société fonctionne. Et tout le monde râle. Ca fait penser à ceux qui criaient « Aux loups ! » pour rien et qui n’ont pas bougé quand les loups sont arrivés.
Un étonnement pour la Parisienne que je suis : Les Jeux olympiques !
Dans le contexte de l’embrasement du Proche Orient, le risque est énorme. Comment sécuriser les berges de la Seine, les épreuves situées à Trappes, chaudron islamique, le métro ? On ne peut pas mettre un policier à côté de chaque visiteur.
Leur coût astronomique me pose des questions au regard de la misère qui gagne du terrain. On réquisitionne les logements sociaux, les résidences universitaires par dizaine de milliers sans solution de remplacement, avec des dédommagements insignifiants. Je n’aime pas ça.
Pourtant, Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur, l’autre jour, s’indignait à la télévision :
— Pour une fois qu’on fait passer le dépassement de soi, la fête universelle avant la politique, la religion ou les revendications partisanes, j’estime qu’on a le devoir de soutenir les Jeux olympiques !
Serait-ce là un esprit de résistance ? Le nombre en ferait la force ? Pourquoi pas ?
Pour ma part, la résistance ne se situe pas dans ces énormes machines dépersonnalisantes. Il se situe dans des petits gestes, dans des engagements.
Je le trouve dans un sourire, dans une main tendue.
Dans les pires situations, c’est justement un geste ou une petite attention qui m’ont toujours permis de ne pas désespérer. Les prisonniers des totalitarismes vous le diront. La résistance, c’est aussi de regarder un rayon de soleil sur un mur, une étoile dans le ciel, la lune au-dessus des toits,… offrir et recevoir une existence dans le regard des autres.
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