Chaque semaine je me gratte la tête en me demandant ce que je vais pouvoir vous raconter. Tous les chroniqueurs vous diront la même chose. Parfois ça vient tout seul et dès le dimanche en un tour de main, la mise à jour du site est écrite, enregistrée, prête à partir automatiquement le mardi suivant.
D’autres fois, c’est plus compliqué. Manque de temps le week-end précédent, une cuisson ou un émaillage de céramique le lundi, ou encore rien à dire et je traîne. Il m’arrive même de penser que je pourrais éventuellement laisser passer la semaine. Qui s’en apercevrait ? Cependant mon sens de la fidélité renâcle et je décide au pire de m’en tenir à trois lignes, dans le genre : bonjour, bonsoir, il fait beau aujourd’hui, à bientôt… Mais dès que je touche au clavier, un monde s’ouvre. Le monde qui m’entoure surgit sous mes doigts maladroits, les idées surviennent et les phrases s’écoulent.
Déçue à leur relecture, je les triture et les agence pour approcher au plus près de ce que j’ai vu, entendu, vécu. Sans illusion sur une objectivité inatteignable, mais bien décidée à partager ces instants éphémères, souvent savoureux, qui furent la trame d’un présent désormais enfui. Une lutte perdue d’avance contre le temps, mais grisante ! Les heures me paraissent des secondes, j’oublie la casserole sur le feu, le rendez-vous noté. Souvent en retard, je deviens inabordable les dernières minutes, soulagée quand j’appuie sur la touche « publier ». Par la suite, je ne peux m’empêcher de changer une virgule, corriger une phrase, une faute d’orthographe pendant un jour ou deux. L’avantage de ne dépendre de personne ! Je partage cette liberté avec vous, amis lecteurs…
La tête en plomb à cause de la guerre en Ukraine et de ses atrocités, j’ai traîné les pieds tout le début de la semaine de l’appartement à l’atelier jusqu’à ce dernier jeudi où j’ai retrouvé Gilles à la Pitié Salpétrière.
Nous avons attendu quelques minutes dans la magnifique chapelle de l’hôpital. Construite sous Louis XIV sur le modèle d’une croix de Saint-André pour des raisons sanitaires, ses quatre nefs reliées à la chapelle centrale m’ont toujours émue lors des concerts qu’elle abrite avec des expositions. Je pense aux malades de cette époque, à leur misère, aux maux qui les rongeaient. J’imagine les prières tendues vers l’autel éclairé par les hautes verrières de la coupole, en ces temps où l’on avait si peu de chance de guérir.
Mathilde nous a rejoints avec la poussette au pied du grand escalier à rambarde de chêne qui monte à son appartement. Elle loge avec Arnaud et leur bébé tout neuf dans les bâtiments mitoyens qui accueillaient à l’origine les communautés religieuses attachées à la chapelle.
C’est justement de Gabrielle que nous étions venu faire la connaissance. Rendez-vous différé à cause de nos contaminations au Covid. Nous avons pu apercevoir une petite tête ronde qui manifestait son mécontentement de voir s’achever sa promenade, au grand dam d’une maman qui aurait voulu nous la présenter sous un meilleur jour :
— Le soir, elle n’est pas toujours de bonne humeur !
Nous l’avons rassurée. Nous avions tout le temps et il lui fallait bien restituer la fatigue de sa journée ! Nous avons grimpé tout en haut du superbe escalier restauré. Un bébé dans les bras de sa jeune mère, des grands oncle et tante essouflés, accueillis par un papa heureux de revoir sa fille, leur première-née, et de nous la faire admirer. Un condensé de vie.
Nous avons passé deux heures paisibles. Nous avons commencé par observer la jolie Gabrielle, toute rose et ronde, puis nous avons osé l’accueillir dans nos bras. Gilles s’y prenait très bien, attendri et attendrissant. C’est bizarre comme on oublie vite des gestes qui ont rempli nos journées, dont on a eu une petite resucée avec nos petits-enfants. Ce petit être qui tournait la tête vers nos voix étrangères avait quelque chose d’un peu intimidant, son avenir devant lui, nos années derrière nous.
Quel plaisir de parler du travail de Mathilde à l’hôpital, des projets d’Arnaud, des mille et un soucis autour du sommeil du bébé, de ces petits riens qui font l’existence de jeunes parents !
Ils nous ont revigorés et la semaine s’est achevée mieux qu’elle avait commencé. Merci à tous les trois !
Le dimanche suivant, premier tour des élections présidentielles. Une tout autre affaire ! Comme prévu, Emmanuel Macron est en tête avec Marine Le Pen. Nous voterons de nouveau le 24, à notre retour de Tougin. Le contexte de la guerre, des pénuries, de la baisse du pouvoir d’achat risquent de rendre la campagne électorale agitée, à moins qu’une certaine désespérance n’écarte les électeurs des urnes. On verra !
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