— Je suis le fils du roi ! Comment peux-tu l’ignorer ?
— Le fils de qui ? balbutia-t-elle, peau contre peau.
— Je suis l’héritier du roi, le prince Lancelot. Je t’aime et tu seras la reine de mon royaume !
« Un fou, je suis tombée sur un fou ! Quelle imprudence ! » pensa-t-elle. Elle essaya de se ressaisir.
— Viens à la maison ! Je te trouverai des vêtements de rechange.
Nus comme dans les tableaux d’Adam et Ève au paradis terrestre, ils traversèrent le jardin qui embaumait, entrèrent de nouveau dans le vestibule et montèrent quatre à quatre l’escalier menant aux chambres. Mais leur ardeur ne pouvait plus attendre, ils se dirigèrent vers un grand lit :
— Juste une seconde ! murmura-t-elle.
Elle sortit d’un petit meuble blanc un petit sac transparent dont l’usage ne faisait aucun doute.
— Puisque je te dis que nous nous marions cette semaine ! dit-il.
À contrecœur, il dut obtempérer. Il devina qu’elle ne transigerait pas. Quand elle le déroula, léger et fin, il le jugea plus confortable que l’habituel boyau de mouton.
— Ce n’est pas à cause d’un éventuel bébé, je prends la pilule, mais à cause de la maladie du Sida ! lui dit-elle.
— J’ai entendu parler de la grande vérole ramenée des Amériques…
— Décidément, tu retardes, dit-elle en l’embrassant.
Il en fut plutôt rassuré. Une sorcière ne se serait pas préoccupée de ce genre de choses. Viviane se détendit dans ses bras. Il était si gentil, si prévenant, et surtout si expert, tellement moins maladroit que les quelques amis qui l’avaient précédé ! Elle ne pouvait pas deviner qu’en attendant de trouver la princesse de ses rêves, il s’était maintes fois exercé avec des servantes et des paysannes dans les granges et les meules de foin.
Une fois la tête reposée sur l’épaule de Lancelot, elle se demanda comment contre tous ses principes elle avait pu céder à une première rencontre. Pourtant, quel que soit leur avenir, elle ne regrettait rien. Il lui sembla qu’ils étaient nés l’un pour l’autre. Le prince de son côté, émerveillé par la beauté et la vivacité de sa princesse, par sa simplicité directe, par son incapacité à se soumettre aux codes féodaux s’endormit d’un sommeil paisible, il saurait bien convaincre son père qui se languissait d’un héritier. Ce n’était qu’une question de jours et la vie s’ouvrirait à eux.
La lune bientôt se coucha sur la maison blanche aux larges baies vitrées. Une grenouille sauta dans la piscine, un hérisson sortit d’un buisson. Au loin, on entendait la musique du bal du Quatorze Juillet, le vrombissement des moissonneuses. Une légère clarté surgie de l’est envahit peu à peu le firmament. Les oiseaux s’égosillèrent, pour fêter la venue de l’aube. Les roses ouvrirent leurs pétales au soleil qui ne tarda pas à illuminer le jardin.
(à suivre)
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