Elle mit un certain temps à comprendre qu’il n’avait jamais vu de télévision. Comment était-ce possible ? Elle chercha à expliquer son fonctionnement, mais s’embrouilla dans les détails techniques. Il l’écouta avec attention et prit la parole, indigné :
— Ce n’est pas la réalité et en même temps c’est la réalité ? Viviane, comment peux-tu me mentir, à moi qui t’aime ? Tu commanderais le monde depuis ton château ? J’en ai assez, j’étouffe dans tes fantasmagories. Je vais nous tirer de là ! Je te ramènerai sur terre, chez moi, dussé-je mourir de tes sorcelleries.
Il lui arracha la télécommande des mains et la jeta sur le sol. Elle se brisa en mille morceaux. Il saisit la jeune fille dans ses bras. D’un coup d’épaule, il ouvrit la porte et s’enfuit dans l’obscurité du jardin.
Il n’avait pas fait vingt pas qu’il trébucha et tomba dans un bassin rempli d’eau. Il ne savait pas nager. Ils allaient se noyer, le destin de beaucoup d’amours contrariés pensa-t-il. Il avait déjà avalé des bolées d’eau lorsqu’il sentit la jeune fille s’échapper de ses bras et le tirer vers la surface :
— Les fêtes se terminent souvent dans la piscine, mais il vaut mieux savoir nager. Tu ne vas pas me faire le coup du prince charmant amoureux d’une sorcière !
Comme ils grelottaient dans leurs vêtements mouillés, malgré la douceur de la nuit, elle l’attira au fond du jardin dans une maisonnette en bois. Elle ôta son pantalon, sa chemise et s’enveloppa pudiquement dans un tissu épais. Elle l’incita à en faire autant. Elle appuya sur des boutons et bientôt une agréable chaleur détendit leurs muscles. Mais très vite la chaleur augmenta, transformant la maisonnette en fournaise. Il était en enfer ! Les yeux exorbités, transpirant par tous les pores, il se précipita vers la porte. Viviane appuya sur un bouton et la lui ouvrit.
Il se rua dehors, nu comme un ver, tel un damné des fresques des églises. Elle le rejoignit aussitôt et comme on guide les pas d’un malade ou d’un fou, le conduisit avec délicatesse vers la piscine. Il ne savait plus ce qu’il faisait. La fraîcheur de l’eau le calma un peu. Quand il retrouva ses esprits, il sentit contre lui le corps nu de la jeune femme.
Dans un premier temps, il se dégagea d’un geste brusque afin d’échapper aux images de l’enfer. La nudité y était réservée aux prostituées et aux femmes de mauvaise vie. Il se reprit. Non, Viviane n’était pas de celles-ci ! Il se souvint de son enfance, quand il avait accès aux étuves des femmes. Il se souvint de la chaleur, des reflets sur les peaux, sur les cheveux et les pubis humides. Une vague de plaisir recouvrit ses craintes et il la prit dans ses bras.
Elle chercha à se libérer. Elle ne voulait pas passer pour une fille facile. Qu’il ne croit pas que la nudité du sauna soit une invitation ! Elle n’avait jamais connu pareil sauvage. D’où pouvait-il bien sortir ? De quelle île abandonnée des humains ? De quelle tribu perdue sur des plateaux himalayens ? Un Amish ? Il pouvait aussi avoir été élevé dans un pensionnat aux méthodes traditionnelles.
Elle penchait pour cette dernière hypothèse, lorsqu’elle sentit monter en elle un désir beaucoup plus identifiable auquel il réagit sans contestation possible. Elle bégaya :
— Je ne te connais même pas ! Qui es-tu ?
( à suivre)
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