Les vantaux s’ébranlèrent leur ouvrant le passage. Les chevaux s’avancèrent en soufflant. Leurs sabots cirés dérapaient sur le sol dallé de pierre lorsqu’une lumière surgit les éclairant comme en plein jour. Les yeux exorbités par la peur, les pauvres bêtes ruèrent dans leurs brancards dorés. Le prince parvint une fois encore à les calmer. Mais comme il secouait les rênes pour repartir, les vantaux du portail se refermèrent et heurtèrent bruyamment le carrosse mettant le comble à la panique.
Le fils du roi crut à un piège :
— Qu’est-ce encore ? Un enchantement ? Seriez-vous la fée Viviane ? Que vais-je dire au peuple quand le fils du roi reviendra au palais dans un carrosse cassé ?
— J’avais pourtant téléphoné à l’installateur, il m’avait promis de venir cet après-midi. Ne fais pas tant d’histoire ! On trouvera un ébéniste pour restaurer tes dorures.
À ces mots, elle tira sur ses tresses et les posa sur le banc, découvrant des cheveux bruns, coupés courts.
— On étouffe là-dessous !
Sous les yeux horrifiés du prince qui voyait sa princesse se transformer en page, elle descendit du carrosse d’un pas léger. Elle tendit à nouveau son petit objet vers le portail, qui lâcha sa proie et se referma derrière eux dans un claquement inquiétant.
Elle guida le carrosse dans la montée. Le prince et son attelage se calmèrent lorsqu’elle leur montra du doigt une plateforme confortable. S’y garer fut un jeu d’enfants.
À bien l’observer, elle n’avait rien d’un jeune garçon, d’un homosexuel ou d’un hermaphrodite. Il la trouvait plus attrayante que jamais malgré ses ridicules petits cheveux frisés. Il s’approcha d’elle :
— Qui êtes-vous donc ? Une fée, une sorcière ? Dites-moi au moins votre nom !
— Tu l’as dit ! Viviane. Je m’appelle Viviane.
Il recula de trois pas, s’avança de quatre et la saisit dans ses bras :
— Qui que tu sois, je t’aime à en mourir !
(à suivre)
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