Et c’était bien l’enfer. Les damnés gesticulaient comme sur les fresques des églises. Ils sautaient et sautillaient pour échapper au feu qui les brûlait. Des volutes de fumée enveloppaient les têtes qui s’agitaient en tous sens. Des éclairs en lueurs subites dévoilaient des visages déformés, infiltraient des bouches grandes ouvertes sur des cris qu’on ne pouvait entendre. Des coups sourds et puissants secouaient la tente.
Le fils du roi garda son sang-froid, invoqua Saint Georges et chercha des yeux le dragon à terrasser. Beaucoup de ces pauvres hères étaient vêtus des habits de fête endossés pour la visite du prince, chausses, pourpoints et robes de couleur vive, chemises et cols en dentelle, bérets et bonnets gaufrés. Mais des costumes étranges, des cuirasses à épaulettes, des tenues impudiques, des cheveux en tirebouchon désignaient de toute évidence les serviteurs de Satan. Il aperçut un personnage masqué, une cape rouge flottant sur les épaules, couvert des pieds à la tête d’un justaucorps sur lequel se lisait un grand S rouge. Il tira la dague de sa ceinture.
Il allait frapper lorsqu’il sentit des mains entourer sa taille et le tirer en arrière. Il se retourna, prêt à en découdre. Ce qu’il vit le transforma en statue de sel. Une jeune femme aux longues tresses blondes et aux yeux de myosotis le regardait en souriant. Elle correspondait trait pour trait à l’idéal qu’il attendait depuis tant d’années. La taille fine, le regard vif, elle levait sur lui un visage volontaire et bienveillant.
— Arrête ! cria-t-elle.
(à suivre)
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